Il y a quelques temps, mon collègue Jerémy Filosa du 98,5 FM a fait deux sorties, dont une particulièrement virulente sur le traitement réservé à l'Impact dans les médias, et plus particulièrement à RDS. Il s'est même permis de donner quelques leçons de journalisme en laissant entendre que les « poules mouillées » auraient sûrement échoué à Concordia, où il a appris son métier.

Essentiellement, il a dénoncé le fait qu'on ait accordé plus d'importance au match préparatoire du Canadien contre les Maple Leafs de Toronto qu'à une victoire de l'Impact, qui se bat pour une place en éliminatoires et qui jouait le même soir.

Sa sortie tombait à point, car je reçois régulièrement des courriels de partisans de l'Impact furieux du peu de temps d'antenne accordé au soccer lors de mes interventions à la radio.

Sur le fond, Jérémy a probablement raison. Le choix des manchettes devrait toujours se faire en fonction de l'importance de l'évènement. Ça, c'est la théorie, mais en pratique, la réalité est bien différente.

Dans chaque ville, il y a une équipe qui domine toutes les autres. À New York, ce sont les Yankees; à St. Louis, les Cardinalss; à Denver, les Broncos, et à Montréal, c'est le Canadien. Quoi que fassent ces équipes, peu importe la période de l'année, elles vont toujours voler la vedette aux autres. Ce qui donne parfois des situations aberrantes, comme de constater que l'arrivée de Paul Byron avec le Canadien a été le sujet de conversation le plus populaire sur les médias sociaux dans la semaine du 6 au 12 octobre, selon Influence Communication.

J'étais à Turin lors des Jeux olympiques d'hiver de 2006. En fin de soirée à la télévision, il y avait une émission dans le style de l'Antichambre. Et de quoi parlait-on croyez-vous à tous les soirs? De la Juventus! Pendant les Jeux olympiques!

À Boston, le premier match hors-concours des Patriots au mois d'août dernier n'était pas la première nouvelle du bulletin de sports, c'était la première nouvelle du bulletin de nouvelles générales!

Ce qui ajoute encore plus à l'incompréhension de Jérémy est la présence de Didier Drogba, l'athlète qui évolue en Amérique le plus populaire de la planète selon lui. Plus populaire que LeBron James ou Tiger Woods, dit-il. Si j'ai tendance à être d'accord avec lui, je m'étonne de voir qu'il a oublié de le comparer à d'autres joueurs de soccer qui évoluent en MLS. Drogba plus populaire que Steven Gerrard? Pas certain de celle-là.

Mais une chose est certaine, avant Didier Drogba, aucun athlète à avoir évolué à Montréal ne jouissait d'une aussi grande réputation à travers le monde.

Ce que les chiffres disent

L'arrivée de Drogba a certainement transformé l'Impact et créé un engouement sans précédant pour cette équipe. Il y a un « avant  » et un « après » Drogba. Mais à quel point a-t-il transformé les habitudes des amateurs de sports? Voyons ce que disent les chiffres.

À RDS, malgré qu'ils soient menacés de rater le calendrier d'après-saison, les Alouettes demeurent encore plus populaires que l'Impact. En moyenne, 250 000 personne regardent les matchs des Alouettes contre 100 000 pour ceux de l'Impact. Ce qui est quand même une amélioration puisqu'avant l'arrivée de Drogba, c'était du 5 pour 1 en faveur des Alouettes (250 000 contre 50 000).

À la radio, au 98,5 FM, les chiffres pour la période allant jusqu'à la fin du mois de septembre montrent que les Alouettes sont écoutés par 102 000 auditeurs contre 57 000 pour l'Impact en moyenne. Et cela tient compte de l'augmentation de l'auditoire depuis que Drogba s'est joint à l'Impact.

Mais dans les deux cas, on est loin des chiffres obtenus par le Canadien. Le premier match préparatoire contre Toronto a récolté une cote d'écoute de 422 000 téléspectateurs; celui contre Washington de 512 000, et finalement, le match Canadien-Pittsburgh à Québec a été regardé par 564 000 personnes.

Ça, ce sont les faits. Et c'est probablement pour cette raison, Jerémy, que le 26 septembre dernier, le 98,5 a diffusé le match hors-concours du Canadien plutôt que celui de l'Impact. Comme à toutes les fois où il y a un conflit d'horaire dans la programmation, c'est le Canadien qui l'emporte.

Un « happening »

À la lumière de ces chiffres et de ce qu'on a pu observer au cours des derniers mois, on peut se demander si l'intérêt pour l'Impact n'est pas circonstanciel. Souvenez-vous des foules de 60 000 personnes au Stade olympique pour les rencontres de la Ligue des champions. L'effet sur les matchs réguliers de la MLS a été nul ensuite. Il a fallu la mise sous contrat de Drogba pour raviver la ferveur des amateurs.

Et qu'on me comprenne bien, je suis un fan de l'Impact. J'ai été emporté par la « fièvre Drogba » cet été, j'ai regardé son arrivée à Dorval, son premier point de presse et je suis les matchs régulièrement à la télévision. Mais je me pose la question et vous la pose aussi, l'Impact serait-il un « happening » et se pourrait-il qu'il ne fasse pas encore partie de nos moeurs sportives? Que va-t-il se passer quand Drogba va quitter?

Ceci dit, Jerémy Filosa est un collègue de travail à la radio et un excellent journaliste. Son cri du coeur m'aura permis de poser certaines questions.

Sans rancune...