Difficile de souhaiter un programme plus corsé que celui des quarts-de-finale de la Coupe du Monde de rugby. Chacune des quatre affiches pourrait faire une finale plus que potable! Le seul inconvénient, c’est qu’au terme de ces affrontements, on perdra quatre équipes de grande qualité…Inévitable, n’est-ce pas?

Samedi, c’est l’hémisphère nord qui est en vedette avec des luttes fratricides, des combats entre des ennemis héréditaires… Irlande/Pays-de-Galles devrait nous offrir un match très équilibré, entre deux nations qui se côtoient et s’affrontent régulièrement dans le Tournoi des Six nations. Ce sont aussi les deux équipes qui ont le plus surpris dans la première ronde : l’Irlande en battant l’Australie et le Pays-de-Galles en tenant tête au champion en titre l’Afrique du Sud pour ne s’incliner que par un petit point au bout d’un débat épique. L’Irlande peut compter sur la paire de centre la plus expérimentée au monde avec O’Driscoll et D’Arcy. Le Pays-de-Galles a la révélation de l’heure, le jeune très jeune ailier George North, qui amène spontanéité et vitesse à l’attaque. L’Irlande a gagné tous ses matchs, le Pays-de-Galles n’en a perdu qu’un seul. L’Irlande n’est jamais allée plus loin que les quarts-de-finale, le Pays-de-Galles s’est rendu en demi-finale en 1987, remportant la troisième place cette année-là. Le combat des numéros 8 entre Heaslip (Irl) et Faletau (PdG) sera à surveiller.

Le deuxième match samedi oppose deux nations habituées de s’affronter sur tous les terrains à travers les âges et l’Histoire. Angleterre-France promet des pleurs et des grincements de dents… Et là, une curiosité. Morgan Parra entre à nouveau à l’ouverture pour la France, lui qui est un demi de mêlée confirmé. C’est certain que la blessure à David Skrela a un peu bousculé les choses, mais au point de reléguer le deuxième demi d’ouverture François Trinh-Duc à réchauffer le banc pour un troisième match consécutif? Donc pour la France, deux demis de mêlée (avec Yachvili au poste officiel) et pour l’Angleterre…deux demis d’ouverture! Toby Flood, partant contre la Géorgie, remplaçant contre la Roumanie, occupera le poste de centre à la place de l’ex-capitaine Tindall, mis sur le banc lors du deuxième match de l’équipe après que ses frasques dans un club de nuit aient fait la manchette des tabloïds en Angleterre. Épouser la petite-fille fille de la reine d’Angleterre a ses contraintes… Mais, semble-t-il, il n’y avait aucun lien entre l’affaire susmentionnée et le retrait du capitaine de l’équipe, titre qu’il n’a d’ailleurs pas repris à son retour. Toby Flood, donc, sera au centre alors que Wilkinson, dont on espère qu’il aura retrouvé son pied magique, jouera à l’ouverture. L’Angleterre, à mon sens, part favorite. L’harmonie ne règne pas dans le camp français, certains malicieux font même des comparaisons avec l’équipe de la dernière Coupe du monde au soccer, et ses ailiers aériens, Palisson qui a impressionné à sa première titularisation et Clerc, excellent sur la droite, se heurteront à l’une des défenses les plus redoutables au monde. Dans ses six derniers matchs en Coupe du Monde, elle n’a accordé aucun essai.

Dimanche, l’hémisphère sud. Un autre affrontement à haute saveur de finale. Le champion en titre (rappelons que jamais un champion en titre n’a pu répéter l’exploit deux fois consécutives) l’Afrique du Sud, affronte l’Australie, sérieuse prétendante de la Coupe. Les deux équipes ont montré certaines faiblesses durant le tournoi. L’Australie en s’inclinant devant l’Irlande sans même marquer un essai, et l’Afrique du Sud en souffrant devant le Pays-de-Galles et le Samoa. Ce sera une bataille féroce au poste de demi d’ouverture. Morne Steyn est le meilleur marqueur de cette Coupe du Monde et Quade Cooper, jamais remplacé dans aucun match, la bougie d’allumage de son équipe. Bien malin celui qui pourra prédire le vainqueur de ce match. En tournoi des Tri-nations cette année, l’Australie a vaincu par deux fois l’Afrique du Sud 39–20 à domicile et 14–9 à Durban, mais il faut dire que l’entraîneur des Springboks (AdS) avait volontairement mis au repos l’essentiel de ses partants en vue de la Coupe du Monde. Avec l’Australie réduite à 24 joueurs valides après la première phase, on peut penser que ce fut un pari payant.

Enfin, ce sont deux équipes qui ont payé cher sur le plan des blessures qui s’affrontent dans le dernier match quart-de-finale. La Nouvelle-Zélande, condamnée à la victoire ultime, rien ne serait accepté par la nation entière en bas de ça, fait face à l’*Argentine *qui fait figure de parent pauvre dans les huit équipes. Pas qu’elle n’a pas de talent, bien au contraire. Troisième de la dernière Coupe du Monde, nouvelle addition du Tournoi des Tri-Nations qui passera à quatre en 2012, la perte de son numéro huit Fernandez-Lobbe pourrait cependant s’avérer coûteuse. Ajoutons à cela les blessures au pilier Roncero, à son demi d’ouverture Contepomi recyclé en centre pour le protéger, à Cabello en troisième ligne, touché lui aussi, ce sont des pumas diminués qui vont affronter les All Blacks. Mais ces même All Blacks font aussi grise mise. La perte de leur ouvreur, le meilleur au monde à ce poste, Dan Carter, est un sérieux coup du sort. C’est la mort dans l’âme qu’il a fait ses adieux au tournoi pour cause de lésion d’un adducteur nécessitant une chirurgie… Mais la Nouvelle-Zélande a des ressources et ce n’est pas contre l’Argentine que cette absence pèsera beaucoup. Ce serait plutôt dans la suite des choses…

Bref, on a de quoi se mettre sous la dent, passer des nuits blanches et penser avec un petit pincement au cœur qu’après ces rencontres épiques, il ne restera plus que quatre matches. Savourons-les donc avec application.