COLLABORATION SPÉCIALE

Le fait de payer son billet pour un événement sportif permet-il d’insulter les joueurs ? C’est la question qui nous a été posée cette semaine à Olivier Brett, Daphnée Malboeuf et moi-même à notre émission Les 3 étoiles (diffusée à RDS les lundis à 19h).

Cette question faisait référence à ce que Naomi Osaka a eu à subir à Indian Wells le week-end dernier quand une partisane s’en est pris à elle en criant un retentissant « Naomi you suck ».

J’étais très heureux de ne pas avoir eu à répondre à cette question, parce qu’elle m’embête. J’étais d’accord avec Daphnée, qui disait que ça n’avait aucun sens et que c’était inacceptable de s’en prendre à Naomi Osaka, surtout après qu’elle ait tant parlé de sa santé mentale dans les derniers mois.

J’étais aussi très d’accord avec Olivier, qui disait que si les athlètes reçoivent avec enthousiasme les éloges, les félicitations et les honneurs, ils doivent aussi être capables de recevoir l’envers de la médaille. Pour lui, il faut se demander si Naomi Osaka était prête ou non à mentalement à revenir au jeu.

Ces derniers arguments trouvent écho dans les paroles de Rafael Nadal, pour qui les athlètes doivent être conscients de leurs privilèges et de la chance qu’ils ont de vivre autant de belles expériences grâce au tennis. L’Espagnol a aussi ajouté : « Malheureusement, dans la vraie vie, ça arrive ».

Il a tout à fait raison. Même si comme le disait Nadal, on se sent mal pour Naomi Osaka, qui n’a pas à subir ce genre de commentaires désobligeant qui s’apparente à une certaine forme d’intimidation de la part d’une spectatrice, il faut accepter que cela fait partie du « jeu ».

Il faut également se poser la question par rapport au contexte pour bien situer la réaction que certains ont eu en étant témoin de cet événement malheureux.

Sommes-nous plus sensibles à ce genre de situation parce que Naomi Osaka a été affectée émotivement par les propos de la spectatrice ? On a pu la voir pleurer sur le court et, après le match, elle s’est adressé avec beaucoup d’émotions à la foule.

Est-ce que le fait que ce soit arrivé durant un match de tennis ajoute à notre sensibilité ? En effet, au tennis ce genre de comportement est plutôt rare, puisque la culture de ce sport invite les spectateurs à manifester leurs émotions avec retenu. Quand ce genre de comportements survient dans un match de hockey par exemple, nous semblons beaucoup plus tolérants.

Pensons à Jeff Petry, qui est la cible de partisans mécontents depuis quelques semaines. Les plus vieux se rappelleront de la façon dont Patrice Brisebois a été traité par certains partisans.

Certes, la grande majorité des supporters du club n’était pas d’accord avec ce traitement, alors que même le directeur général de l’époque, Bob Gainey, était intervenu en qualifiant les partisans qui s’en prenaient à Brisebois de « lâches ». Ces partisans avaient-ils dépasser la limite ? La question demeure. Par contre, on était beaucoup moins surpris ou outré par ces comportements.

Pour rajouté à l’argument que le contexte change notre réaction, revenons à un événement survenu en 2016 qui m’avait marqué. C’est la finale du saut à la perche aux Jeux de Rio. Le favori de la foule, le brésilien Thiago Braz, est engagé dans une lutte serrée contre le français Renaud Lavillenie. Pour encourager le représentant local, la foule s’en prend au français en le sifflant (l’équivalent de huer) à chaque fois qu’il se présente pour son prochain saut.

Plusieurs avaient été indigné par le comportement de la foule, incluant des membres du CIO et le président Thomas Bach. Lavillenie en avait ajouté, en parlant d’un public de m*rde et en disant que c’était du jamais vu en athlétisme et aux Jeux Olympiques.

J’animais une tribune téléphonique à la radio, et plusieurs intervenants avaient réagi de la même façon, alors que je ne trouvais rien de répréhensible.

Pour moi, la foule peut bien réagir comme elle veut, dans les limites du raisonnable. La question est donc quelle est la limite du raisonnable ? Est-ce le contexte qui détermine le comportement acceptable ou non d’une foule ? La culture du sport en question ?

Malheureusement, je n’ai toujours pas de réponse définitive. Évidemment, on ne veut jamais voir un athlète être humilié, insulté ou agressé verbalement. Cependant, être un athlète professionnel vient parfois avec son lot de désagrément qu’il faut supporter. Il faut également dénoncer quand la foule exagère. Dans le cas d’une blessure par exemple.

Si la foule s’en prend à l’athlète ou célèbre la blessure, c’est évidemment déplacé. Il faut néanmoins laisser la foule s’exprimer verbalement; c’est l’essence même du sport-divertissement, quitte à sévir au cas par cas.

Par exemple, des propos discriminatoires, homophobes, racistes etc., ne doivent jamais être tolérés. Des hués, des sifflets, des propose acerbes ? Je suis prêt à vivre avec ça.

Pour vous, qu’elle est la limite à ne pas dépasser pour une foule ?