Un trek pour se retrouver
Sports divers mardi, 17 mai 2022. 07:00 samedi, 30 nov. 2024. 21:25COLLABORATION SPÉCIALE
La pandémie nous a mis sur la touche pendant deux ans. Deux longues années à se restreindre dans nos déplacements, à garder nos distances avec ceux qu’on aime, à revoir nos activités quotidiennes à la baisse. Deux années à se morfondre, à ne plus faire de plans, à attendre que l’orage passe. Mais il aura suffi d’une rencontre avec Corinne Péron pour que le souffle de l’aventure se lève, pour que le vent du Sahara balaie le Palais des Congrès, pour que le chant des dunes se fasse entendre...
Corinne Péron est l’organisatrice du trek « Elles marchent », une marche sportive et solidaire réservée aux femmes dans le plus grand désert de la planète qu’elle a mis sur pied en 2017. Pour cette fonceuse infatigable - elle a fait du rallye-raid automobile pendant une dizaine d’années - c’était une façon de continuer son histoire d’amour avec le Maroc et le Sahara. « J’avais fait le tour de ce que l’automobile pouvait m’apporter, alors je suis partie marcher une semaine dans le désert et j’y ai trouvé quelque chose de plus inspirant, de plus profond, de plus reposant et de plus méditatif. Tout ce qui m’avait manqué dans la voiture, je l’ai retrouvé dans cette marche initiatique. Et je me suis dit que si ça avait cet effet sur moi, sûrement que ça toucherait d’autres femmes. J’y ai amené des copines qui m’ont confirmé ce que je pensais. Prendre du recul, de la distance, se dire que rien n’est impossible et s’immerger dans le moment présent, c’était extraordinaire. C’est ce qui manque dans nos vies. Tout va trop vite et c’est bon de se régaler avec ce qu’on est en train de vivre là, maintenant. »
C’est ainsi donc que ce trek est né et verra en 2023 sa sixième édition, à l’étonnement assumé de sa créatrice. « Je suis toujours surprise de ce que j’ai créé, avoue-t-elle simplement. Je l’ai organisé sans savoir exactement ce que je voulais et je me suis avancée sans me poser trop de questions... » Ça, c’était au début. Parce qu’aujourd’hui, Corinne Péron est à la tête d’une organisation qui marche (sans jeu de mots!) rondement et qui réunit maintenant quatre cents trekkeuses en deux sessions, en plus d’une trentaine de membres de l’organisation. Une organisation bien huilée, une équipe à l’image de sa leader.
« Je suis quelqu’un de perfectionniste, dit Corinne Péron, je n’ai pas beaucoup de place pour l’approximation et je travaille énormément. La sécurité de mes trekkeuses et leur confort, c’est ma priorité. C’est ce que j’explique à mon équipe, choisie pour adhérer aux mêmes valeurs de gentillesse, de bienveillance et de don de soi. Cette organisation est le reflet des émotions que je veux transmettre aux participantes. Deux cents femmes à la fois sur le terrain, c’est gérable, ajoute-t-elle. Cinquante équipes par session c’est suffisant, on ne veut pas faire du business-événement. On veut garder cette proximité avec les participantes et que le bivouac soit à l’échelle humaine ». Corinne souhaite le retour des femmes d’ici sur le trek, écartées par la difficulté de voyager en pandémie. « Elles mettent de la bonne humeur sur le bivouac, souligne Corinne, parce que ce sont des femmes qui sont toujours gaies, souriantes, qui voient le côté positif des choses et qui ne sont pas râleuses du tout. Ça fait partie de leur état d’esprit! »
Le trek se déroule sur quatre jours où les équipes auront à marcher une trentaine de kilomètres par étape dans les paysages somptueux de Merzouga, Erfoud, Tafilalet, Ouzina et Jaïd, mettant au défi leur corps et leur cerveau en pointant aux trois bornes qui jalonnent chacun des parcours. Les participantes naviguent à la boussole, GPS interdit, et doivent tracer leur chemin sur des cartes fournies par l’organisation. À chacune des bornes, elles ont à répondre à des questions pour engranger des points au classement. « À la première, explique Corinne, ce sont des questions culturelles sur le Maroc. Je voulais que les femmes s’imprègnent du pays qu’elles visitent et si elles veulent répondre correctement, il leur faudra étudier un peu. À la 2e borne, il y a une vingtaine de questions, par exemple sur le thème de l’écologie, et enfin à la troisième, on propose un défi supplémentaire, qui amènera bien souvent quelques kilomètres de plus, mais qui apporte quelque chose de magique. C’est en quelque sorte l’apothéose de la journée là où elles vont se dépasser vraiment. Presque toutes les équipes font ce défi. »
« Ce qui est intéressant, poursuit-elle avec enthousiasme, c’est que ce trek implique la tête et les jambes. Sur une équipe de quatre femmes, il y en a toujours une plus sportive qui va tirer son équipe, une plus intellectuelle qui va marquer des points sur les questions, une qui est plus fine en navigation. Il y en a toujours une qui a une particularité que les autres n’ont pas et qui fait qu’elles sont complémentaires. L’important, c’est qu’elles soient là pour les mêmes raisons. »
Un volet caritatif fait partie l’aventure, chapeauté par l’association Défi du cœur. « C’est important pour moi, explique Corinne, de dire merci quand on est accueillies de la sorte par les Marocains et de donner à notre tour. Alors pendant une journée, les 200 femmes de chaque session vont œuvrer pour aider les populations locales en plantant des palmiers – on en a planté plus de mille jusqu’à maintenant – ou des moringas. Les habitants commencent à récolter les dattes de ces palmiers et peuvent les vendre, se réjouit-elle. On a aussi construit des murs, des habitations pour les nomades, des fours à pain... »
Geneviève Fournier a déjà fait le trek et y retournera en 2023. « Ce défi rejoignait mes valeurs et j’adore la marche. Alors, faire de la randonnée dans un environnement que tu ne connais pas et que tu penses hostile de prime abord, mais que tu t'aperçois que tu es capable d’évoluer dans ce décor avec naturel et fluidité, c’est extraordinaire. On a le silence du désert, la nature qui nous entoure et l’occasion de faire une pause dans notre vie. Et sur le plan physique, j’étais bien préparée. »
« L’aventure, insiste Corinne Péron, ce n’est pas que la semaine où les femmes font le trek, elle débute au moment de l’inscription. Les participantes vont devoir se préparer physiquement, développer une chimie et une cohésion avec leur équipe. C’est souvent quand elles rentrent chez elles après le trek qu’elles réalisent ce qu’elles ont fait, quand elles ferment les yeux et revoient ces images fantastiques dans leur tête, quand elles pensent aux rencontres qu’elles ont faites, aux histoires qu’elles ont écoutées. Elles portent ça pendant des mois et 30% d’entre elles reviennent, ce qui est énorme! »
« Le désert, c’est magnifique, soupire Geneviève. C’est magique surtout au moment où le soleil se couche. La lumière est si belle, tout est paisible. Il y a quelque chose qui nous sort de notre zone de confort et qui nous amène ailleurs. Le paysage, cette immensité de sable, ce ciel si bleu. Je n’avais jamais rien vu de tel ».
Je peux comprendre Geneviève. J’ai fait ce trek en mars 2018 et les textes que j’avais écrits sur mon expérience sont encore disponibles sur rds.ca. Ce fut une expérience extraordinaire, même si je connaissais déjà bien le désert. Mais remuer tous ces souvenirs, repenser aux moments de doute comme à ceux d’euphorie, aux vents de sable qui nous ont malmenées tout en nous offrant le mélancolique chant des dunes, me souvenir de l’ambiance chaleureuse du bivouac coloré, me donne des envies d’y retourner. Corinne Péron a raison. C’est une drogue. Je ferai peut-être partie des 30 %...
Si vous ressentez l’appel du désert, même s’il vous est encore inconnu, et souhaitez plus d’informations sur les dates, le budget (très abordable) du trek, le formulaire d'inscription et autres détails, visitez le site de l’organisation.