INDIAN WELLS, Calif. – À eux trois, Roger Federer, Rafael Nadal et Novak Djokovic dominent sans partage, ou presque, le tennis mondial et peuvent revendiquer une autorité morale sur leur sport. Sauf qu'ils ne parlent pas (plus?) d'une même voix, comme l'illustrent leurs divergences sur la question du président de l'ATP.

Depuis qu'il a remporté trois tournois du Grand Chelem consécutifs (Wimbledon et Internationaux des États-Unis 2018, Internationaux d'Australie 2019) et qu'il a repris place au sommet du classement ATP, Djokovic est redevenu le patron incontesté, sur les courts.

Le Serbe, éliminé mardi dès le 3e tour du Masters d'Indian Wells, est aussi le « patron » du tennis mondial dans l'ambiance plus feutrée des réunions et conseils d'administration de l'ATP, en sa qualité de président du puissant conseil des joueurs.

Et « Djoko » a décroché une victoire de plus avant le coup d'envoi du tournoi californien : l'actuel président de l'ATP, le Britannique Chris Kermode, quittera son poste à l'expiration de son contrat fin 2019.

Djokovic, qui pèse quinze titres du Grand Chelem et 128 millions de dollars en gains, s'est défendu d'avoir eu la tête de Kermode, un ancien honnête joueur professionnel de tennis âgé de 54 ans, devenu organisateur de tournoi puis patron de l'ATP en 2014.

« Je dois adopter la perspective de toutes les composantes de l'ATP, les joueurs, les tournois, les dirigeants, les représentants des joueurs et des tournois, nous faisons tous partie de la même institution », a-t-il insisté.

Augmentation des dotations

De fait, la décision de ne pas renouveler le contrat de Kermode a été prise à l'issue d'un vote du conseil d'administration de l'ATP, où siègent trois représentants des joueurs, mais pas Djokovic, trois représentants des organisateurs de tournois et le PDG lui-même.

Mais le Serbe ne cachait plus depuis plusieurs mois qu'il ne considérait plus Kermode comme l'homme de la situation, que ce soit pour l'essor du circuit masculin et surtout pour l'augmentation des dotations financières des tournois.

C'est peu dire que les deux autres superstars du tennis, Rafael Nadal et Roger Federer, n'ont pas apprécié ce qui s'est tramé en coulisses et à leur insu, selon eux.

« Ceux qui dirigent le conseil (des joueurs) n'ont pas fait du bon boulot, car comme ils nous représentent, ils devraient normalement nous demander notre avis. Pas pour les petites décisions, mais pour les importantes comme celle-ci », a ainsi asséné Rafael Nadal.

« J'ai toujours mon téléphone portable avec moi, je n'ai pas reçu le moindre SMS à ce sujet », a regretté le roi incontesté de la terre battue, sacré onze fois à Roland-Garros.

Roger Federer est encore plus remonté.

« Mon Dieu, qu'est ce qu'il se passe »

« Tout va bien pour le tennis, sauf quand on parle de politique et alors on se dit : "Mon Dieu, mais qu'est ce qu'il se passe!" », a estimé le joueur aux 100 titres ATP, dont vingt trophées du Grand Chelem, sur la chaîne de télévision Tennis Channel.

Le Suisse a révélé que Nadal était récemment venu chez lui pour discuter de l'avenir de leur sport et qu'ils étaient « sur la même ligne ».

Federer, vexé de ne pas voir été contacté par Djokovic, a prévenu qu'il voudrait reprendre « un rôle actif » dans le fonctionnement de l'ATP après avoir été président du conseil des joueurs de 2008 à 2014.

Les élections pour le renouvellement du conseil des joueurs, composé au total de dix membres, sont prévues en juillet 2020 et pourraient être houleuses.

Les représentants des joueurs ont tenté dans la soirée de mardi de faire la paix avec Nadal, Federer et autres mécontents.

Ils ont publié un communiqué dans lequel ils ont assuré qu'ils avaient joué leur rôle en consultant tous les joueurs et que « leur décision (sur l'avenir du PDG de l'ATP) n'avait pas été prise et défendue par une ou deux personnes, ou pour un projet particulier ».

« Nous pensons qu'un nouveau meneur va permettre de renforcer nos points forts, de nous développer et de faire face aux défis qui se présentent », ont-ils expliqué.

« Mais nous nous réjouissons que plusieurs icônes du tennis veuillent revenir dans les discussion politiques et nous aider dans la prochaine phase de notre croissance », conclut le texte.