Auger-Aliassime a fait le plein de confiance et d'expérience à Miami
ATP mardi, 2 avr. 2019. 15:27 mercredi, 11 déc. 2024. 17:47Après qu'il ait remporté sept matchs en 10 jours, réalisé une poussée de 24 places le conduisant jusqu’au 33e échelon et être passé tout près de participer à la finale d’un tournoi Masters 1000 au terme d’une bataille acharnée avec John Isner, Félix Auger-Aliassime avait une idée très claire de ce qu’il allait faire de sa première journée à Montréal en près de six mois.
« J’ai beaucoup dormi dimanche! », a lancé avec le sourire le joueur de 18 ans mardi matin, trois jours après la conclusion de son historique parcours à l’Omnium de Miami.
« Je n'ai pas fait grand-chose depuis que je suis revenu, a-t-il élaboré, avant de préciser qu’il allait reprendre l’entraînement dès la fin du point de presse qu’il a tenu au Centre national de tennis du Stade IGA. Je me suis reposé beaucoup, regardé des films et vu ma famille. Les choses normales d'un adolescent. »
Qu’à cela ne tienne, quiconque a suivi le début d’année d’Auger-Aliassime sait pertinemment que ce qui l’attend, maintenant qu’il s’est affirmé pour de bon comme une des principales étoiles montantes du tennis mondial, a bien peu à voir avec la normalité de la vie d’un adolescent telle qu’on la connaît.
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Des analystes et anciens joueurs Brad Gilbert à Patrick McEnroe en passant par le maestro Roger Federer et son adversaire des demi-finales, l'Américain John Isner, on ne compte plus les grands noms associés au tennis qui se sont dit impressionnés par l'attitude et l’ascension du Québécois de 18 ans, devenu jeudi dernier, après sa victoire sur le no 13 mondial Borna Coric (7-6, 6-2), le plus jeune demi-finaliste en simple masculin à ce tournoi créé en 1985.
Sa victoire face à Coric en quarts de finale à Miami marquait sa sixième de suite pour amorcer sa carrière face à des membres du top-25, après celles obtenues face à Hyeon Chung et Lucas Pouille en 2018, puis devant Fabio Fognini, Stefanos Tsitsipas et Nikoloz Basilashvili au cours des dernières semaines. Du lot, ses cinq plus récents succès n’ont nécessité que deux manches à Auger-Aliassime.
« Je le vois plus en termes de résultats qu’en m’arrêtant aux noms (des adversaires que j’ai battus), a-t-il précisé. En même temps, je sais que Tsitsipas, ça fait beaucoup parler parce que c’était un top-10. Mais après, c’est sûr que de gagner contre (Pablo) Cuevas, ça signifie beaucoup pour moi car ça m’a envoyé vers ma première finale. (...) Je dirais toutefois que ce qui m’importe le plus, c’est la constance que je démontre semaine après semaine. »
Cette régularité dans le jeu d’Auger-Aliassime s’est d’ailleurs manifestée par un bilan de 13 victoires contre quatre revers depuis le début de son parcours à l’Omnium de Rio de Janeiro, où il a atteint au mois de février sa première finale sur le circuit ATP.
Quand la nervosité fait des siennes
Même s’il admet que sa courbe d’apprentissage a emprunté une pente que lui-même n’anticipait pas aussi prononcée, il ne faut pas croire pour autant que le seul joueur de 18 ans répertorié parmi les 180 premiers au monde est entièrement satisfait des prestations offertes à Indian Wells et Miami depuis le début du mois. Ce serait de mal connaître le perfectionniste en lui.
Il suffisait de voir son air désemparé en conférence d’après-match suivant sa défaite aux mains d’Isner pour comprendre à quel point il croyait dur comme fer en ses chances de jouer pour les grands honneurs le lendemain.
Par deux fois, Auger-Aliassime a eu le service en main, voyant s’offrir à lui la possibilité d’empocher un set face à un rival qui à ses quatre premières rencontres n’avait concédé que deux maigres bris de service dans le tournoi. Les deux fois – de son propre aveu – celui qu’on surnomme « FAA » a été crispé par l’ampleur du moment et permis à Isner de survivre, forçant la tenue de deux bris d’égalité que le puissant serveur allait éventuellement gagner, 7 à 3 et 7 à 4.
D’abord, en avance cinq jeux à quatre en première manche, Auger-Aliassime a ouvert tout grand la porte au vétéran de 33 ans en envoyant son deuxième service dans le filet à trois reprises.
Puis au deuxième set, s’étant forgé une priorité de 5-3, le jeune tennisman a raté à 30-40 une volée brossée à proximité du filet qu’il réaliserait en temps normal les yeux fermés.
Peut-être trop conscient des enjeux? Toujours est-il que la nervosité a eu raison d’Auger-Aliassime.
C’était une réaction inhabituelle de la part du jeune homme, qui avait affiché jusque-là des nerfs d’acier, notamment dans les trois bris d’égalité qu’il avait disputés plus tôt dans la semaine, contre Hubert Hurkacz, Basilashvili et Coric.
« Contrairement aux matchs précédents, l’importance du moment m’a atteint psychologiquement. Il a accentué la pression et je n’ai pas réussi à conclure. C’est important de prendre un peu de recul après une défaite. Elles sont toutes difficiles à avaler, mais surtout lorsqu’on est aussi proche d’accomplir quelque chose de très important », a reconnu le jeune prodige.
Après la déception d’avoir vu filer entre ses doigts une présence en finale, Auger-Aliassime s’était résigné mardi à voir le bon côté de la chose en affirmant que cela prouvait « qu’il reste place à amélioration dans mon jeu et que je suis humain. »
C’est d’ailleurs cet ardent désir de s’améliorer et son souci du détail qui expliquent qu’Auger-Aliassime se soit imposé – malgré les nombreuses heures passées sur les courts durant son séjour en Floride – de regagner les terrains d’entraînement afin de pratiquer son lancer de balle et la qualité de ses services dans les moments suivant sa défaite aux mains d’Isner.
« Je n’avais pas l’intention que ce soit médiatisé, mais c’est une sorte de thérapie pour moi. Et ce n’est pas parce que je suis rendu là où je suis aujourd’hui. J’ai fait ça toute ma vie. Quand je ne suis pas satisfait ou que quelque chose ne va pas comme je veux, je retourne travailler. Ça m’a fait du bien et j’ai passé à autre chose après. »
La perspective d’une finale contre Shapovalov
Dès que son compatriote Denis Shapovalov et lui ont obtenu leur billet pour les quarts de finale à Miami, les supporters au nord de la frontière américaine se sont mis à rêver à l’éventualité d’une finale entre les deux joyaux du programme de tennis canadien. Les yeux d’Auger-Aliassime se sont illuminés mardi lorsque cette perspective lui a été rappelée.
« C’est sûr que (Denis et moi), on a commencé à y penser à partir des quarts de finale, sachant qu’il y avait beaucoup de chemin à faire encore. C’est sûr qu’en étant tous les deux en demi-finales, c’était quelque chose de possible. Les gens en parlaient beaucoup. Ça aurait été formidable pour nous et pour les gens à la maison. En même temps, ce n’est que partie remise. Ce n’est qu’un début et j’espère qu’un jour, ça arrivera! »
Le début de saison plus que prometteur que connaissent trois jeunes représentants de l’unifolié, Auger-Aliassime, Shapovalov et Bianca Andreescu, fait évidemment bien plaisir au Montréalais, qui dit souhaiter inspirer la prochaine génération de joueurs.
« Le mot que je retiens, c’est que c’est encourageant. Il y a beaucoup de confiance qui entoure le tennis canadien en ce moment. Après, il ne faut pas se perdre là-dedans non plus et se concentrer chacun sur nos carrières respectives. Je pense que c’est de cette façon qu’on va se donner la meilleure chance de représenter le tennis canadien du mieux qu’on peut. »
Une nouvelle transition vers la terre battue
Après quelques journées d’entraînement en sol montréalais, Auger-Aliassime dirigera bientôt ses énergies vers le tournoi de Monte-Carlo, auquel il participera à la mi-avril. Cette compétition donnera le ton à la portion européenne du calendrier sur terre battue, une surface qui lui sied particulièrement bien.
Il attend toujours de voir s’il obtiendra un laissez-passer des organisateurs comme ce fut le cas en 2018, mais se dit prêt à passer par le tableau des qualifications advenant qu’il ne bénéficierait pas de leur générosité. Viendra ensuite une halte en Espagne; après Barcelone, il y aura au début du mois de mai le tournoi de Madrid, dans lequel sa place est déjà assurée, en vertu de l’invitation qui lui a été tendue en début de semaine.
À compter des prochaines semaines, Auger-Aliassime sera à même de constater jusqu’à quel point sa récente décision d’aménager à Monaco l’aidera à peaufiner encore un peu plus les divers aspects de son jeu, et qui sait, peut-être aussi à s’assurer d’entrer dans les prochains tournois majeurs en tant que tête de série, sachant qu’il est à un tout petit point du 32e rang de la hiérarchie mondiale, une position détenue par le Serbe Laslo Djere.
« L’idée principale, c’était d’éviter les grands voyagements, et d’avoir une base en Europe où je peux m’entraîner toute l’année avec des joueurs du top-10, a-t-il expliqué à ce sujet. Professionnellement parlant, c’était la meilleure décision pour moi. »
Les conditions semblent être réunies pour que l’émergence de Félix Auger-Aliassime poursuive son cours, d’autant plus qu’il n’a que 52 points à défendre au classement durant le segment du calendrier menant à Roland-Garros.
Auger-Aliassime aura donc la liberté d’exprimer son talent sur l’ocre sans craindre de redonner les places qu’il a méthodiquement gagnées depuis qu’il a commencé l’année au 108e rang mondial.