Au tennis, comme au golf, c'est déjà un exploit de faire partie du dernier week-end puisque les meilleurs bataillent farouchement pour mériter leur place. Dans le monde de la petite balle jaune feutrée, cela veut dire qu'il ne reste que quatre protagonistes.

 

Ce n'est pas une fin en soi, mais avouez que c'est impossible de se faire une place dans le carré d'as sans présenter du jeu extrêmement solide et d'avoir aussi surmonté les moments creux. C'est le cas pour trois Canadiens, soit Denis Shapovalov et Milos Raonic à Saint-Pétersbourg, ainsi que Félix Auger-Aliassime à Cologne.

 

Notre Québécois est le seul à s'extirper gagnant de sa demie devant le coriace joueur espagnol Roberto Bautista Agut. Il s'agit d'une sixième finale en carrière pour Félix et croyez-moi, ce n'est pas un hasard qu'il soit en ronde ultime sur surface dure à l'intérieur pour une troisième fois cette année, après Rotterdam et Marseille. Vous avez sûrement constaté comme moi durant le dernier US Open jusqu'à quel point Félix aime les hautes cadences en fond de terrain et mener le jeu avec son coup droit.
 

En début de tournoi face à Henri Laaksonen et Radu Albot, Félix est tendu pendant un set et formidablement relâché dans le second. Normal, puisqu'il n'a gagné qu'un match lors de ses trois derniers tournois et retrouver pleinement la confiance ne revient pas en claquant des doigts. Il faut puiser, travailler, y croire en tout temps et donc rester positif. Ces deux victoires lui permettent au moins, et c'est déjà beaucoup, de relâcher les nerfs.

Quelle belle différence cela fait en demies devant l'Espagnol Roberto Bautista Agut, un des joueurs métronome des plus coriaces sur le circuit. FAA est épatant de vivacité alors qu'il frappe toutes ses cibles, aussi petites soient-elles. La qualité de balle dans l'échange de notre québécois est revenue ce qui lui permet d'ouvrir le jeu avec efficacité. En plus, il est généralement majestueux au service. Donc ceci étant dit, tout est en place pour livrer un match plein face au no 7 mondial, Alexander Zverev en finale.

 

Maintenant, c'est certain que chaque présence en ronde ultime est unique et le défi aujourd'hui c'est de ne pas être intimidé par le finaliste du Grand Chelem à New York. Les deux sont copains et s'entraînent ensemble à Monaco. De plus, lors des deux matchs qu'ils ont joué l'un contre l'autre l'an passé, FAA est majoritairement absent, incapable de prendre sa place et de se battre à la hauteur de son talent. Il faut tout de même rappeler que l'Allemand est membre du top-10 depuis juillet 2017 et qu'il possède une première balle de service de grande qualité, surtout à l'intérieur.

 

Malheureusement, Félix commence mal le match et est brisé d'entrée. Cela donne le ton alors que Zverev garde son emprise sur lui pour lui arracher son service trois fois dans le premier set. À peu près le même scénario au second set. Il y avait un peu d'espoir à 2-4 d'y aller d'une remontée mais Zverev a rerfermé la porte en assurant l'essentiel. Juste jouer très bien alors qu'on tire de l'arrière, ce n'est pas assez à ce niveau-là. Il faut fouiller pour délier ce qui retient notre grand talent. J'étais peinée de le voir après le match, assis sur sa chaise sans broncher, le regard si triste. 

 

Des progrès notables pour Shapovalov

 

Pour sa part, Denis Shapovalov quitte la Russie déçu que son service le laisse tomber face à Andrey Rublev. Shapo joue à un tel niveau durant toute la semaine notamment pour disposer du triple champion Grand Chelem Stan Wawrinka, en plus d'écraser comme des moustiques Viktor Troicki et Ilya Ivashka. La cadence est tellement élevée au premier set devant Rublev, alors que notre Canadien possède une myriade d'options d'attaque. Créatif, explosif et opportuniste : voilà comment décrire le jeu de Denis jusqu'à 1-2 au deuxième set alors qu'il mène pourtant 40-0 au service. Son rythme au service se détraque et juste dans cette partie, il commet quatre doubles fautes! Ouch! Rublev est poussé vers le haut sans rien faire, tandis que Denis coule, goutte par goutte, jusqu'à la défaite en trois sets (huit doubles fautes au total). Il faut continuer de travailler la stabilité émotive même si ses progrès sont notables.

 

Un petit mot sur Milos Raonic, qui dispose de J.J. Wolf, Alexander Bublik et Karen Khachanov avant de tomber en trois sets devant Borna Coric en demies. Bizarrement, Milos a tendance à livrer des performances inégales au cours de ses matchs. Parfois il joue le rôle du rouleau compresseur que rien ni personne peut arrêter. Ce fut le cas aux premiers sets face à Khachanov et Coric. Il est intouchable avec son service et coup droit à la Thor, dieu de la foudre. Puis, il devient plus défensif, ce qui donne à ses adversaires la chance de se faire une place dans le match. Contre Coric, je le crois physiquement diminué mais contre Khachanov, je n'arrive pas à m'expliquer pourquoi il s'égare tactiquement. 

 

Ah, rien n'est facile contre le gratin de la société alors que les moindres moments de faiblesses sont analysés à la loupe. Nos trois Canadiens sont dans le top-22 et tout comme Roger Federer, Rafael Nadal et Novak Djokovic ont su le faire pendant toute leur carrière, il faut sans cesse trouver en soi le désir et les moyens de progresser. Ultimement, chaque recul peut se transformer et devenir un retour en force; chaque déconvenue peut vouloir dire un nouveau départ et une défaillance si bien analysée et disséquée se transformera en récompense éventuellement. Allez, il faut y croire!