LONDRES - Longtemps étiqueté perdant, Andy Murray s'est libéré de la pression qui étouffait son talent pour devenir en un an et trois grandes victoires aux Jeux olympiques, aux Internationaux des États-Unis et à Wimbledon dimanche le héros de l'Écosse et de toute la Grande-Bretagne.

Les Britanniques ont vu très tôt dans Murray le joueur capable de mettre fin à l'interminable attente d'un successeur à Fred Perry, leur dernier vainqueur en Grand Chelem, en 1936. De cette lourde mission, l'Écossais a eu du mal à supporter les servitudes. Jusqu'à l'été dernier, il battait ses plus grands rivaux dans les tournois mineurs mais succombait en Grand Chelem contre les mêmes, Roger Federer, Rafael Nadal et Novak Djokovic, paralysé par l'enjeu. Quatre fois il avait échoué en finale, comme son entraîneur Ivan Lendl, qui a su le persuader de persévérer.

C'est en septembre aux Internationaux des États-Unis que Murray a brisé la coquille. Enfermé dans les toilettes après avoir dilapidé un avantage de deux sets contre Djokovic, il s'est mis à hurler : « Celui-là, tu ne vas pas le laisser filer! »

Sa première victoire en Grand Chelem était au bout et l'époque où il marchait la tête basse, accablé par le sentiment de ne pas être à la hauteur de son ambition, s'achevait. Le long cheminement de l'enfant de Dunblane atteignait sa destination.

Tragédie

Murray est né le 15 mai 1987 dans cette petite ville d'Écosse, dans une famille de sportifs. Sa mère Judy, ancienne joueuse de tennis, lui fait faire ses premiers pas de joueur, « sans jamais le forcer » selon son frère Jamie, joueur professionnel de double. Adolescent, Murray poursuivra sa formation à Barcelone, incité par l'exemple de son rival et ami Rafael Nadal, qu'il connaît depuis l'âge de douze ans.

Son enfance est marquée par une terrible tragédie. En 1996, un forcené abat seize enfants et un professeur dans l'école primaire de Dunblane. Traumatisé, Murray, âgé de huit ans au moment du drame, n'évoquera publiquement le sujet que le mois dernier dans un documentaire sur sa vie diffusé par la BBC.

« On ne peut pas imaginer à quel point ce genre de choses est dur. Je suis content de faire quelque chose dont Dunblane puisse être fier », dira le champion, en maîtrisant difficilement son émotion.

Chez lui, Murray est depuis longtemps une idole qui compte parmi ses fans quelques Écossais célèbres, comme Sean Connery et Alex Ferguson, souvent vus à ses matchs. Ailleurs au contraire, le courant a du mal à passer. Timide face à la presse, le visage toujours fermé, le jeune joueur distille un discours sans fantaisie. Et lorsqu'il se risque à l'humour, c'est la gaffe, comme en 2006, avant le Mondial, quand il lance qu'il soutiendra « tous les adversaires de l'Angleterre ». « Nous haïssons Murray », attaque alors un tabloïd, mettant en doute son patriotisme britannique.

Bourreau de travail

Pourtant, s'il revendique son identité écossaise, Murray n'est pas un militant de la cause indépendantiste. Sans indiquer quel serait son vote au référendum de 2014, il a dit récemment que l'Écosse « ne devait pas se décider sur l'émotion ».

Le joueur a montré son attachement à l'Union Jack aux Jeux de Londres, où il réside, en mettant tout son coeur pour remporter la médaille d'or en simple - et l'argent en double mixte - sur le Central de Wimbledon, contre Roger Federer.

Le public qui jugeait parfois son jeu un peu trop prudent n'a pas marchandé ses applaudissements. A l'origine de ce changement d'attitude, les larmes versées un mois plus tôt sur le Central par un Murray accablé après sa quatrième défaite en finale de Grand Chelem, face au Suisse.

L'Écossais, certes, est discipliné et prend les choses très au sérieux. Bourreau de travail, il passe l'intersaison de décembre à suer en Floride au lieu de prendre des vacances. Il a aussi toujours mal accepté la défaite, « même au Monopoly et à la loterie », raconte son père, le très discret Will, dans le documentaire de la BBC. Mais Murray est aussi un homme « qui a le sens de l'humour », selon Lendl. « Un garçon humble, un type bien », résume Nadal.