NEW YORK (AP) - Qui est le plus grand? Il s'agit d'une question que l'on pose sur les morts, les retraités du tennis, les noms dont le palmarès est gravé dans le marbre, comme Pete Sampras et ses 14 titres en Grand Chelem. Mais Roger Federer est jeune, et bien vivant.

Et selon son adversaire impuissant de dimanche en finale des Internationaux des Etats-Unis, Andre Agassi, qui a affronté les champions de trois époques - Pete Sampras, Boris Becker, John McEnroe, Jimmy Connors ou encore Ivan Lendl - , il est le plus grand.

Les époques étant dissemblables, l'évolution de l'équipement, et surtout les raquettes changeant la donne, on a cependant du mal à déterminer les points de comparaisons fiables.

Parfois on esquive le débat en travaillant par 'découpes', en soulignant des facettes distinctes des champions, en évoquant le talent pur et le toucher d'un John McEnroe, la détermination, la condition physique et la solidité technique d'un Bjorn Borg où d'un Ivan Lendl, la flamboyance guerrière d'un Jimmy Connors.

Ce sont alors des rendez-vous et des rivalités qui ont marqué et ont rythmé les saisons: Borg-McEnroe, McEnroe-Connors, Edberg-Becker, Sampras-Agassi, entre bien d'autres. On y voit des qualités différentes et des personalités opposées, qui s'y affrontent.

Le débat change de nature avec l'avènement de Roger Federer car le Suisse semble être seul en piste, loin au-dessus de ses contemporains. Détenteur à 24 ans de six titres du Grand Chelem, il ne compte que trois défaites pour 70 victoires cette année, et surtout il reste sur sa lancée de 23 finales gagnées d'affilée. Une séquence sans précédent et qui laisse rêveur pour ce joueur qui semble réunir toutes les qualités du tennis à lui tout seul.

"Il joue d'une manière très spéciale. Je n'ai jamais rien vu de semblable", a reconnu Andre Agassi, pas seulement philosophe mais débordant de respect envers Federer.

"C'est le meilleur type contre lequel j'aie jamais joué. Pas de doute là-dessus. Et j'en ai vu passer, des champions!

"Je parle de son niveau, le nombre de ses options de jeu. Pete (Sampras) était un grand champion, bien sûr, mais il vous laissait une fenêtre ouverte. Vous étiez conscient, face à lui, de ce qu'il vous restait à faire. Pas contre Federer. Le nombre de ses possibilités semblent infini. Trouvez une ouverture et il trouvera, à son tour, la riposte."

Et il ne s'agit pas, pour Agassi, uniquement de la richesse technique du jeu du Suisse.

"Beaucoup de joueurs sont capables, ponctuellement, de vous sortir un tennis de rêve mais moi je pèse ce qu'ils font en Grand Chelem et surtout en finale, précisait Agassi.

"Quand on affronte un joueur dans ce contexte-là, on peut vraiment le juger. Et chaque fois, Roger Federer arrive toujours comme favori et il soutient ce poids et il gagne quand même. C'est fort, très fort. Combien de finales gagnés de suite? Vingt-trois? C'est fou..."

Federer lui-même, comme un jeunot réalisant tout juste l'ampleur des dégâts causés par son jeu, arrive difficilement à digérer sa réputation croissante et les éloges d'Agassi, tout en lui faisant plaisir, le laissaient un peu mal à l'aise.

Et quand on lui a demandé s'il se sentait comme le numéro un mondial, il a pris soin de relativiser son propre statut.

"Je suis actuellement le meilleur, oui. De ma génération. Mais je ne m'approche même pas des générations précédentes. Regardez un peu certains palmarès. Je suis un tout petit garçon à côté."

C'est certain, si l'on se fie uniquement aux chiffres. Et l'on revient aux 14 victoires majeures de Pete Sampras, qui impressionnent tant le Suisse.

Seulement, Andre Agassi, qui a fait contre les deux champions des matches d'enfer, ne parlait pas statistiques en propulsant Federer au firmament du tennis, mais qualité, en défense et en attaque. Il parlait de la richesse insondable du jeu du Suisse. Et il qualifiait Federer comme "le meilleur", ajoutant, "pas de doute là-dessus."

Il faudra peut-être le croire sur parole.