Report, huis clos ou annulation. Quel sort attend la Coupe Rogers de Montréal? Il semble tôt pour aborder le sujet, le tournoi n’étant que dans quatre mois. Il est toutefois le prochain d’envergure sur la liste, à la suite de l’annulation de Wimbledon et du report du tournoi olympique.

Eugène Lapierre, directeur du tournoi de Montréal, l’admet, une décision devra être prise plus tôt que tard. « Pour moi, début juin, c’est la limite », répond-il lorsqu’on lui demande s’il y a une date butoir pour statuer sur les tournois de Montréal et Toronto. « Les directeurs des autres tournois d’été à qui je parle aussi reconnaissent que c’est la limite. »

Ces tournois d’été semblent loin mais toute l’incertitude créée par le contexte actuel rend le travail plus complexe. « Les directeurs des tournois sur gazon, prévus en juin, mettaient de la pression sur le circuit, mardi matin, lors d’une réunion. Ils disaient : donnez-nous une décision plus rapide. Leurs tournois approchaient et ils avaient hâte d’avoir une décision », raconte Lapierre à la suite d’une vidéoconférence avec les directeurs de tournois de la WTA. « Il y a beaucoup d’impatience. Dans l’inconnu, on essaie de prévoir des scénarios d’annulation, de remise du tournoi, de statu quo, c’est ça qui devient compliqué. Les directeurs ont le même discours : branchons-nous le plus rapidement possible. »

On veut être fixés rapidement, mais « en même temps, on ne veut pas perdre de chances de présenter un spectacle que tout le monde va vouloir voir », ajoute Lapierre. D’où toute la complexité des organisateurs d’événements et des dirigeants des différents circuits.

Report, huis clos ou annulation

Plusieurs scénarios sont envisagés et discutés pour tous les tournois. Eugène Lapierre a déjà fait savoir aux circuits féminin (WTA) et masculin (ATP) que le report des tournois de Montréal et Toronto est envisageable, fixant la mi-octobre comme période limite pour pouvoir tenir les tournois, en raison de la météo. « C’est une possibilité. C’est une information qu’on a fournie aux deux circuits », reconnaît Lapierre.

Une autre option, souvent soulevée pour d’autres sports, ne semble pas en être une viable pour la Coupe Rogers, celle du huis clos. Tout d’abord, le tennis étant international, ce sont des joueurs, entraîneurs et officiels de partout sur la planète qui transiteraient vers une même destination, même à huis clos, le risque serait présent.

Mais avant même d’aborder cet aspect, Lapierre intervient. « C’est une décision économique, avant de savoir si on peut faire voyager tout le monde », précise-t-il. « Pour des sports comme le baseball, en raison des droits télé excessivement payants, c’est une option envisageable de jouer à huis clos.  Notre tournoi, on n’en est pas là. Ça ne serait pas vraiment rentable de tenir l’événement, de payer les bourses des joueuses et des joueurs et de ne pas avoir de compensation suffisante, en n’ayant pas les revenus de la billetterie », explique Lapierre.

Financièrement, ce n’est pas valable de jouer à huis clos, ce n’est pas une option qu’on envisage. Ce serait préférable de reporter. »

C’est que les principales sources de revenus du tournoi de Montréal sont les partenaires, la billetterie et ensuite, les droits télévisuels. Une présentation à huis clos priverait les organisateurs de partenaires importants et des revenus de la billetterie.

Une annulation complète des deux événements n’est pas à exclure, même si Eugène Lapierre refuse de l’évoquer pour le moment. On travaille à présenter un maximum de tournois. Mais ça demeure un scénario probable, étant donné toute l’incertitude dans laquelle la planète est plongée. Si l’édition 2020 devait être annulée, Tennis Canada devrait revoir ses plans pour quelques années. « Ce serait un coup dur financièrement », avoue Lapierre. « C’est notre pain et notre beurre pour développer le sport. C’est avec les recettes des tournois qu’on est capable de développer le sport à l’année longue. Si on perd cette source de revenus, ça va prendre quelques années à s’en remettre. Il faudra procéder à une importante restructuration, mais on s’en remettrait. »

L’internationalité du tennis cause problème

Si présenter l’événement à huis clos n’est pas une option pour le tournoi de Montréal, elle aurait pu l’être pour un tournoi comme les Internationaux des États-Unis. « Je sais qu’ils en ont discuté. Le US Open commence à regarder différentes options mais je ne pense pas qu’ils vont opter pour le huis clos », croit Lapierre. « Même si on joue à huis clos, c’est quand même énormément de voyages vers New York, avec les joueuses/joueurs, leur entourage, les officiels et tout le monde que ça comprend, les cuisiniers le service de transport et tous les autres services aux athlètes », énumère celui qui s’y connaît en la matière. « S’il fallait qu’il y ait un individu qui soit déclaré positif à travers tout ça, ça devient un risque que je ne suis pas certain que les tournois veuillent prendre. »

C’est pourquoi plusieurs scénarios de calendrier sont évoqués et élaborés. « Un gros melting pot » comme l’illustre Lapierre. Parmi ceux discutés : faire des mini saisons pour chacune des surfaces, à l’automne, excluant le gazon. Par exemple, regrouper les tournois de terre battue autour de Roland-Garros. Et un ordre de priorité a été établi pour l’élaboration d’un éventuel calendrier, les Grands Chelems étant au haut de la liste suivi par les Masters (ATP) et Premier (WTA).

Autre scénario envisagé : prolonger la saison jusqu’à Noël. Normalement, la saison se termine fin octobre, laissant deux mois de repos aux joueuses et joueurs, si on exclut les Finales de toutes sortes. Jouer jusqu’à Noël signifie peu de repos avant le début de la saison 2021. « Ça fait partie des préoccupations de tout le monde », reconnaît Lapierre. « Quand on fait ces scénarios sur papier, on a beau se dire que les joueuses et joueurs vont être affamés parce qu’ils n’ont pas joué une grande partie de l’année, reste que ce ne sont pas des machines, ils ne peuvent pas jouer tout le temps. » Avant d’ajouter, « c’est peut-être une option préférable quand même que de ne rien présenter du tout. »

Pour le moment, Eugène Lapierre et tous les autres directeurs de tournoi prônent la patience.  Ils veulent mettre toutes les chances de leur côté afin de présenter des événements d’ici la fin 2020.

Ce qui nous amène à notre dernière question de l’entretien : est-ce que tout le monde a compris le message qu’il fallait éviter les décisions unilatérales ? « Oui, oui. Ça été clair tout de suite après la décision de Roland-Garros. D’ailleurs, le directeur du tournoi et la Fédération française de tennis sont un peu revenus dans de meilleures dispositions avec les autres, en disant : oui, on a annoncé notre date, mais on est quand même ouvert à discuter. »

Et les discussions seront nombreuses au cours des prochaines semaines.