Avec Daria Kasatkina, Kristina Kucova constitue la plus belle surprise du tournoi de la Coupe Rogers à Montréal.

À commencer par Yanina Wickmayer (36e mondiale), puis la huitième favorite Carla Suarez Navarro, la Slovaque a ajouté la Québécoise Eugenie Bouchard (no 42) à son tableau de chasse jeudi. Classée 121e sur la planète, sa présence en quarts de finale détonne parmi ses rivales.

En entrevue immédiatement après la rencontre, sur le terrain, la joueuse issue des qualifications semblait retenir ses larmes. Des larmes de joie, bien sûr. Cette victoire porte une place spéciale dans son cœur.

Le parcours d'Eugenie prend fin

« Je suis très heureuse. Je suis aussi très fatiguée, mais c’est un bon sentiment. Ça me donne de l’énergie pour le prochain match. C’est le plus beau moment de ma carrière jusqu’à présent. »

« Grâce à ce match, je passe dans le top-100. J’ai bûché pour en arriver à ce moment toute ma vie. Je suis tellement heureuse. Je ne sais pas si ça change ma vie, je ne crois pas, mais je vais toujours me souvenir de ce moment, quand j’ai battu Genie à Montréal et que j’ai percé le top-100. Ça signifie beaucoup pour moi. »

Kucova, 25 ans, est une grande négligée depuis le début du tournoi, et hier, en plus, elle faisait face à la chouchou du public québécois. Qu’à cela ne tienne, elle ne s’est pas laissé intimider.

« C’est incroyable. Les gens l’encourageaient beaucoup, je m’y attendais avant la rencontre. J’ai essayé de rester concentrée sur la partie. Je ne voyais pas très bien la balle au début parce que je n’ai pas beaucoup d’expérience dans les matchs en soirée, puis je m'y suis habituée. C’était mieux par la suite. Je jouais beaucoup mieux au troisième set. »

Bouchard avait amorcé en force la rencontre, prenant même une avance de 4-0 avant que les choses ne se resserrent. Elle a finalement pris l’avance un set à zéro, puis le vent a tourné. 

Bouchard se laisse emporter par ses émotions

« Dans la première et la deuxième manche, j’ai tenté de changer le rythme parce que je crois que Genie aime jouer très agressivement. J’ai essayé de changer le rythme avec des effets brossés ou des slices. Ça ne marchait peut-être pas, mais éventuellement elle a commencé à rater le genre de frappes où elle réussit habituellement des coups gagnants. Peut-être qu’elle a senti mon changement de rythme en fin de compte... »

Kucova avait peut-être la majorité de la foule contre elle, et aucun entraîneur à ses côtés, mais elle avait à tout le moins une super admiratrice dans la foule, elle qui s’est liée d’amitié avec une Québécoise rencontrée à l’occasion d'un affrontement Slovaquie-Canada en Coupe Fed, en 2014, au PEPS de l’Université Laval. De plus, sa famille était à l’écoute en direct de la Slovaquie, notamment sa sœur, qui la suit régulièrement sur le circuit.

« Toute ma famille me regarde de la maison », dit Kucova, alors qu’il était aux alentours de 5 h du matin chez elle au moment du match. Ma sœur regardait. Elle me donne des conseils. Elle a présentement des examens finaux à l’école et elle va me rejoindre sur le tour plus tard. »

« Un long processus »

La transition du niveau junior au niveau professionnel a été complexe pour Kucova et sa progression ne se déroulait pas nécessairement à la vitesse voulue. Cette saison, les meilleurs résultats de Kucova sont une participation aux quarts de finale à Istanbul, en Croatie et à Kuala Lumpur. Le reste du temps, surtout dans les tournois plus importants, son chemin s'arrêtait souvent en qualifications. Reste à voir quel genre d'impact son parcours à la Coupe Rogers pourrait avoir sur la suite de sa carrière.

« Ç’a été un long processus. Remporter les Internationaux des États-Unis dans la classe junior (en 2007) aurait dû me donner beaucoup de confiance. En fin de compte, ça n’a pas été le cas, c’était étrange. Chez les femmes, j’ai atteint le 103e rang, mon meilleur classement à ce jour, puis j’ai été affectée par plusieurs blessures. J’ai dû prendre une pause de six mois. Ç’a été difficile de revenir et de trouver un bon équilibre entre le temps de préparation et le temps de repos afin de rester en santé tout en demeurant active. Maintenant je suis plus vieille, j’essaie de prendre soin de mon corps. Je suis très contente d’être parvenue à franchir le cap du top-100. »

Kristina Kucova

Kucova a par ailleurs la particularité de jouer son coup droit ainsi que son revers à deux mains comme Monica Seles, Marion Bartoli, Peng Shuai et Fabrice Santoro le faisaient notamment. C’est une habitude acquise très jeune qu’elle n’a pas été en mesure de corriger par la suite.

« Quand j’ai commencé à jouer au tennis, mes parents m’ont offert une raquette trop lourde, je ne pouvais pas la tenir avec une seule main. Mon père disait que ce n’était pas un problème, que je pourrais passer à un coup droit à une main quand je serais plus vieille. Je n’y accordais pas d’importance jusqu’à l’âge de 10 ans, quand j'ai constaté en regardant les autres filles que je jouais différemment. J’ai dit à mon père que je voulais changer et il était d’accord. On a essayé, mais ça n’a pas du tout marché, alors on en est resté là. Il m’a rappelé que Monica Seles était également une excellente joueuse, que ce n’est pas une raison de changer ou d’arrêter le tennis à cause de ça. »

Vendredi soir, Kucova sera de retour sur le central pour affronter Johanna Konta. Probablement trop sous le coup de l’émotion hier, elle avait de la difficulté à savoir à quoi s’attendre de ce duel.

« Je ne sais pas. Je vais essayer de regarder des vidéos d’elle pour analyser sa façon de jouer récemment. Je vais me battre pour chaque point. »