BRUXELLES, Belgique - Une vaste opération de police internationale contre une mafia belgo-arménienne spécialisée dans le trucage de matchs de tennis a conduit mardi à 13 arrestations en Belgique et des perquisitions dans six autres pays dont les États-Unis, a annoncé la justice belge.

L'instruction confiée à un juge belge de la région de Gand (nord-ouest) a débouché sur des perquisitions également en Allemagne, France, Bulgarie, Slovaquie, aux Pays-Bas et aux Etats-Unis, a détaillé le parquet fédéral belge dans un communiqué.

L'enquête concerne des paris truqués sur les matchs des tournois secondaires (niveaux « Future » et « Challenger »), décrits récemment comme gangrénés par la corruption.

Elle cible « une organisation criminelle belgo-arménienne » utilisant des petites mains pour aller miser de l'argent sur des matchs au résultat préalablement convenu, de manière à « augmenter frauduleusement les gains de paris », a expliqué le parquet.

En Belgique, à l'issue de 21 perquisitions menées mardi matin, « 13 personnes ont été privées de liberté pour audition » principalement dans la région de Bruxelles. « Le juge d’instruction décidera ultérieurement de leur éventuel maintien en détention », selon la même source.

Aucune précision n'a été donnée sur le résultat des interventions policières, soutenues par Europol, dans les autres pays cités. Deux arrestations ont également eu lieu aux Pays-Bas, selon des médias néerlandais.

L'enquête soupçonne une corruption « active » de joueurs de tennis professionnels depuis 2014 à travers le monde. Elle vise aussi des faits de blanchiment d'argent.

Tout est parti des investigations de la Commission des jeux de hasard – dépendant du ministère belge de la Justice –, alertée dès 2015 par diverses officines de paris sur le fait que « de nombreuses personnes d’origine arménienne séjournant dans notre pays se seraient rendues coupables de trucage de matchs dans le milieu du tennis ».

Les suspects, indique encore le parquet fédéral, « répondent presque tous au même profil (pas de revenus, pas de travail, insolvables, etc.) ». « Conformément à des instructions claires, ils utiliseraient l’argent mis à leur disposition dans des bureaux de paris afin de miser sur des matchs de divisions inférieures à l’étranger pour lesquels les gains ne sont pas très élevés (5 000 à 15 000 dollars US). »

« Pas d'enregistrement vidéo »

Lors de ces tournois secondaires, est-il ajouté, « il n’y a généralement pas d’enregistrements par des caméras [...], si bien que les joueurs seraient plus facilement corruptibles et que les organisateurs de matchs truqués généreraient beaucoup d’argent ».

Selon un rapport indépendant publié en avril à Londres, et commandé par les organisations dirigeantes du tennis, les tournois de tennis « Future » et « Challenger » sont touchés par un véritable « tsunami » de matchs truqués.

Ce rapport reconnaissait qu'aucun niveau de compétition n'est épargné par ce phénomène, mais que les niveaux inférieurs étaient plus particulièrement touchés, notamment chez les messieurs.

L'Italien Marco Cecchinato, qui vient de se hisser, contre toute attente, en quarts de finale à Roland-Garros, a ainsi été impliqué dans une affaire de matchs arrangés lors d'un tournoi Challenger en 2015 qui a failli lui coûter une longue suspension.

Selon l'Unité pour l'intégrité du tennis (TIU) de la Fédération internationale (ITF), « des centaines de matchs du niveau Future (tant en simple qu'en double) ne sont pas disputées équitablement, avec un nombre qui diminue lorsque l'on monte dans les rangs des matchs professionnels ».

En janvier 2016, la BBC et le site BuzzFeed avaient affirmé que « lors de la décennie écoulée, 16 joueurs du top-50 mondial ont été signalés au comité d'éthique du tennis à propos de soupçons de matchs truqués ».

Les instances dirigeantes « dépassées »

Et d'ajouter : « Tous ces joueurs, parmi lesquels des vainqueurs en Grand Chelem, ont été autorisés à poursuivre leur carrière », sans qu'aucune sanction ne soit prise.

Plus d'une centaine de joueurs participant à des tournois partout dans le monde avaient été interrogés dans le cadre de cette étude par un panel indépendant.

Le rapport du panel n'avait pas « révélé un problème généralisé » dans les tournois du Grand Chelem et les principaux tournois du circuit, soulignant  qu'il y avait toutefois « certains problèmes à ces niveaux ».

Il listait toute une série de recommandations pour contrer la corruption dans le tennis, estimant que le système actuel utilisé par la TIU et les organisations dirigeantes du tennis est « inadéquat pour faire face à la nature et l'étendue du problème auquel ils font désormais face ».