COLLABORATION SPÉCIALE

La vie d'un professionnel sur le grand circuit est loin d'être une sinécure. D'abord et avant tout, se forger un horaire qui tient la route et qui fait du sens est déjà un mandat difficile à maîtriser. C'est impossible de prévoir ou contrôler le ratio victoires/défaites. Logiquement, tu essaies d'être à ton meilleur et fin prêt physiquement et mentalement pour les grands évènements comme les Grands Chelems et Masters 1000.

L'idéal, c'est d'avoir gagné suffisamment pour être en confiance mais pas trop pour ne pas être épuisé. En même temps, ce ne sont pas les seules épreuves qui sont importantes sur ce circuit au calendrier annuel qui dure presque 11 mois. Du même souffle quand le clan Auger-Aliassime donne sa parole, on honore ses engagements.

Cependant, un jeune joueur comme Félix qui aspire à de grandes choses égales ou plus grandes que celles des Federer, Nadal,  Djokovic et compagnie, il faut aussi apprendre à enchaîner les victoires, semaine après semaine, tout en voyageant d'un pays à l'autre. La difficulté à cette période de l'année si on choisit de participer aux tournois en Europe qui sont plus courus par les membres du top-10, c'est que jouer à l'intérieur à un niveau d'excellence, c'est violent pour le corps. Surtout de la manière que FAA se doit de performer pour mater les meilleurs ou ceux qui sont chauds, chauds, une semaine donnée.

Le tournoi de Marseille, mené de main de maitre par l'ancien joueur et homme d'affaires Jean-François Caujolle, permet à Félix de souffler un peu après son triomphe à Rotterdam puisqu'il commence son tournoi jeudi seulement. Mais le problème, et il s'agit d'un merveilleux problème, c'est que notre Québécois n'arrête pas de gagner, donc cela représente quatre matchs intenses de suite!

Tout de même, ce que j'aime le plus de sa part cette semaine malgré la défaite en finale, c'est dans sa façon de se battre. Quand on est confronté à une certaine limite physiquement, il faut forcément utiliser ses méninges un peu plus pour déjouer l'adversaire. Cela nous permet donc de le découvrir et de le voir d'un autre œil. 

D'abord, après la grande secousse de bonheur à Rotterdam, il faut toujours bien retomber les deux pieds sur terre. On sait bien que c'est un problème de riches, mais cela est difficile quand même à faire puisqu'on veut baigner un peu de temps dans ce bonheur et souffler un peu. Mais non, il faut faire la valise et à nouveau défaire la valise. Aller chercher des soins, retrouver ses marques à l'entraînement, rester discipliné, donner des entrevues et se préparer à faire face à tous ceux qui seront sur son chemin. Tout cela à une différence près : il est champion et forcément est très fier de l'être, donc pas question de faire acte de présence comme c'est le cas de bien d'autres mais pas des exceptionnels.

Devant Jo-Wilfred Tsonga d'entrée, ce n'est pas évident parce que devant son public, c'est certain que celui-ci va tout faire pour démontrer que malgré les blessures, il est encore capable de tenir têtes aux jeunes loups. En plus les deux joueurs ont beaucoup de choses en commun : une maman francophone et un papa africain, un jeu mené par un immense coup droit et service en plus de démontrer une physicalité hors du commun. Certes, Tsonga est un grand champion d'une autre époque mais tout de même réussit à revenir de l'arrière au premier set et embarquer la foule toute acquise à sa cause. Après avoir perdu son avance, heureusement que Félix le stoppe dans son élan au bris d'égalité pour dérouler par la suite. Soit dit en passant : que de générosité et d'admiration de la part de Tsonga envers Félix à la poignée de main. Wow, quelle classe de la part du Français!

Le joueur le plus surprenant de la semaine est très certainement Roman Safiullin, qui s'extirpe des qualifications en plus de gagner deux rencontres au bris d'égalité de la 3e manche et, cerise sur le sundae : battre le 4e mondial et premier favori Stefanos Tsitsipas, en deux sets s'il vous plait! Amusant de constater que le Russe calque son compatriote Aslan Karatsev avec un début d'année tonitruant à la Coupe de l'ATP pour nous démontrer qu'il vaut bien mieux que la 163e place à l'échiquier mondial. Avant de l'affronter en demie, Auger-Aliassime mate Ilya Ivashka en deux sets, mais perd tout de même son service deux fois ce qui n'est pas super à l'intérieur. Il gagne cependant la bataille de fond de terrain. 

Safiullin démontre face à Félix en demies qu'il est très coriace dans l'échange, alors notre Québécois est obligé d'être imaginatif en fond de terrain avec un mélange de changements de vitesse et de montées. La bonne nouvelle c'est que Félix évite de 3e set pour se garder un peu de réserve pour la suite. C'est une bonne chose parce qu'il démontre de plus en plus de fatigue et sa cheville droite le limite sur certains déplacements et donc sur certains choix de jeu aussi.

En finale, il retrouve Andrey Rublev qu'il a battu pour une 1re fois la semaine dernière. Félix bouge bien en début de match mais face à ce dur de dur, son manque de constance et mobilité lui font mal. Bravo pour sa hardiesse, son imagination et son grand désir de s'accrocher jusqu'à la fin mais c'est toute une commande battre le gros cogneur qu'est Rublev en étant diminué physiquement. Je crois que cela serait très sage de prendre du repos et d'éviter de se rendre à Dubaï avant la séquence demandante de Masters 1000 à Indian Wells et Miami qui commencent le 10 mars. 

Tout de même, deux semaines époustouflantes pour Félix qui le propulsent encore plus vers le haut du pavé. Comme c'est rempli de promesses tout cela!