De l'aveu de Vasek Pospisil, il a paru long, le gouffre de huit mois séparant sa participation au tournoi de Paris-Bercy à la fin du mois d'octobre 2018 et son retour à la compétition à Wimbledon, le 1er juillet dernier, face à son jeune compatriote Félix Auger-Aliassime.

 

Opéré pour une hernie discale au début de l'année, Pospisil a connu des moments où il s'est ennuyé des courts encore plus qu'il ne se l'aurait imaginé. C'était du nouveau pour lui, n'ayant jamais dû s'absenter aussi longtemps depuis ses débuts dans le tennis. Mais à travers ce processus de retour à la forme, jamais le doute ne s'est installé dans l'esprit du tennisman canadien de 29 ans.

 

« Bien sûr, on ne sait pas trop à quoi s'attendre quand on s'embarque dans une convalescence comme celle-là. On ne peut que laisser ça entre les mains des médecins et espérer que tout se passe pour le mieux. Et jusqu'à maintenant, j'ai toutes les raisons d'être confiant (que le dos) tiendra le coup, a raconté Pospisil en entrevue avec le RDS.ca, lui qui renoue avec les terrains du Challenger de Granby cette semaine pour la première fois depuis qu'il a soulevé le trophée en simple, il y a sept ans.

 

La bonne nouvelle pour le sympathique athlète aux origines tchèques, c'est qu'il ne ressent plus la moindre douleur au dos depuis qu'il est passé sous le bistouri. La moins bonne : il se serait amplement passé cependant de l'agaçante blessure au poignet gauche qui le tenaille depuis une dizaine de jours.

 

Après avoir dû rayer Gatineau de son calendrier pour cette raison quelques heures avant ce qui aurait dû être son premier match de la compétition, il a pris la route de Granby où il s'est entraîné pendant quelques jours avec le nouveau retraité et instructeur de Tennis Canada, l'Ontarien Frank Dancevic.

 

Les sensations qu'il tentait de chasser ne se sont pas encore estompées. Résultat : il jouera pour la première fois de sa carrière en frappant uniquement avec sa main droite. On a pu l'observer mercredi matin pratiquer du mieux qu'il peut sa technique de revers à une main, un art que maîtrisait d'ailleurs très bien son ami Dancevic durant sa carrière de près de 20 ans.

 

« Je n'ai jamais frappé de revers à une main de ma vie en tournoi, a-t-il confié. Ça sera un essai (NDLR : il a remporté quelques heures plus tard son premier match 6-3, 6-3). Je sais que ça représente un défi, surtout en retour de service. Ça change beaucoup mon plan de match, mais je n'ai pas le choix, car je ressens de la douleur. On a fait des tests d'imagerie à résonance magnétique et ils ont été envoyés à mon médecin en République tchèque. J'attends de connaître le résultat en espérant que ce soit du court terme. »

 

Montréal en tête

 

Bref, il serait surprenant de voir Pospisil snober la voie de la prudence et s'entêter à jouer plusieurs matchs dans le tournoi montérégien s'il continue de ressentir de l'inconfort, sachant que la Coupe Rogers (3-11 août) à Montréal est la prochaine destination à son carnet. Présentement classé 210e, Pospisil peut s'attendre sans se tromper à recevoir une des quatre invitations octroyées par les organisateurs.

 

« C'est bien sûr un tournoi qui me tient beaucoup à coeur. J'y ai connu du succès il y a un certain nombre d'années, et un peu moins plus récemment. C'est une date que j'encercle sur mon calendrier. L'avantage qu'on peut retirer d'une foule qui vous soutient est tellement énorme. J'espère simplement que mon poignet va être suffisamment rétabli pour pouvoir profiter de cette chance. »

 

Beaucoup d'eau a coulé sous les ponts depuis que le Canadien, alors âgé de 22 ans, avait remporté en 2012 le plus ancien tournoi canadien du circuit Challenger à sa seule participation.

 

Dans l'année et demie qui a suivi, Pospisil a pris son envol sur le circuit au point d'aboutir en janvier 2014 à la 25e place mondiale, son meilleur positionnement à ce jour. Cinq années se sont écoulées depuis, et l'athlète de 6 pieds 4 pouces vit bien avec son statut de vétéran.

 

« Mentalement, je me sens très bien. Je suis prêt à revenir au jeu avec l'objectif de retourner au rang mondial d'un joueur de mon niveau. Je suis conscient que c'est un processus qui peut prendre du temps. C'est pourquoi je garde une attitude positive. Je suis motivé à réussir mon retour et c'est ce qui différencie les meilleurs joueurs du reste du peloton. Le désir de vaincre et de s'améliorer est crucial. J'ai encore ça à l'intérieur de moi même si j'approche la trentaine. »

 

Impliqué dans la vie politique du circuit

 

Élu pour un mandat de deux ans au sein du comité des joueurs de l'ATP en 2018, Vasek Pospisil retire une fierté de son rôle consistant à faire valoir les intérêts de ses comparses. En un an depuis son entrée en fonction, il a pu constater que de s'impliquer dans la vie politique du circuit renferme son lot de frustrations. Il a d'ailleurs compris certaines réalités de son sport qui lui avaient échappé et que bon nombre de joueurs ignorent ou choisissent d'ignorer encore à ce jour. Mais Pospisil n'échangerait son poste pour rien au monde.

 

« Quand on joue sur le circuit assez longtemps, on vient qu'à apprendre comment les choses se passent et à quel point les athlètes n'ont pas grand-chose à dire dans plusieurs dossiers qui les concernent. Je suis devenu passionné à l'idée de m'instruire sur ces questions et de me battre pour que certaines avancées se fassent. »

 

Le principal cheval de bataille de Pospisil et des neuf autres membres du comité présidé par le no 1 mondial Novak Djokovic : la représentation légale indépendante pour l'ensemble des joueurs. Dans l'état actuel des choses, les avocats à l'emploi du circuit représentent à la fois les intérêts des joueurs et les organisateurs des tournois. Un conflit d'intérêt qui défie toute logique selon Pospisil.

 

« On représente un des seuls sports possédant un tel rayonnement mondial et n'ayant pas cet avantage. Naturellement, quand quelqu'un ne représente pas tes intérêts spécifiques à l'intérieur d'une économie aussi grande que le tennis, quelqu'un s'enrichit à tes dépens. C'est déplorable qu'à ce jour, il n'y ait que les joueurs du top-100 qui vivent bien d'un sport qui chaque année engrange des milliards de dollars de profits. Ça veut dire que la grande majorité des joueurs, avec leurs frais médicaux et de voyagement ainsi que leurs dépenses en entraîneurs, peinent à faire un bon salaire par rapport aux autres sportifs de haut niveau. »


En termes de pouvoir de négociation, il faut reconnaître que le comité dont fait partie Pospisil pourrait difficilement renverser la structure établie. Le dernier mot reviendra toujours aux membres du conseil d'administration de l'ATP.

 

La meilleure façon de faire avancer les choses reste donc de miser sur des élus influents sur la planète tennis et capables de rallier les troupes autour d'une cause commune.

 

« Si plus de joueurs étaient au fait de l'importance de l'injustice dont ils sont victimes, ils s'indigneraient eux aussi, a assuré Pospisil. Il faut que les choses changent, et je tiens à faire ma part pour qu'on obtienne ce changement. »