LONDRES (AFP) - Souvent dans une situation difficile, le Suisse Roger Federer (N.1) n'a pas tremblé pour remporter la finale du 118e tournoi de tennis sur gazon de Wimbledon contre l'Américain Andy Roddick (N.2), 4-6, 7-5, 7-6 (7/3), 6-4, dimanche.

Malgré cette victoire moins brillante que prévue, le génie du champion suisse n'a pas été mis en doute. "Il joue un tennis incroyable", a convenu l'Australien Lleyton Hewitt. "C'est incontestablement le plus talentueux du monde", a renchéri Roddick. "Sans doute le meilleur de tous les temps", ont claironné les anciens champions John McEnroe et Boris Becker.

Il s'ennuie parfois sur un court

Federer reconnaît que, depuis qu'il a cessé de fulminer et de jeter sa raquette à tous les diables pour afficher un calme imperturbable, il est devenu extrêmement sûr de lui. Avant lui, le Suédois Bjorn Borg avait suivi la même métamorphose. Le miracle est qu'il n'ait jamais franchi la frontière qui sépare l'assurance de l'arrogance.

Chacun se plaît à souligner la gentillesse de ce champion parfait. "Ma victoire l'an dernier à Wimbledon est arrivée au bon moment dans ma carrière et ne pouvait pas me tourner la tête. J'étais assez fort pour maîtriser tout ce qui a suivi", commente-t-il à propos de l'éclosion naturelle de son génie.

Comme tous les génies, il n'a pas un fonctionnement linéaire. "Quand j'avais 18 ans, j'avais parfois l'impression d'en avoir 30 et d'autres fois d'en avoir 15", se souvient-il. Aujourd'hui, il lui arrive de s'ennuyer au cours d'un match, de paraître brièvement absent.

"Il peut se permettre le luxe de bailler et de perdre par moments. Mais alors qu'il perd parce qu'il s'ennuie, tous les autres perdent en se battant à mort", analyse Roddick. Le réveil est alors saisissant pour ses adversaires, quand il hausse le niveau de son jeu et passe de l'excellence au sublime.

Sans rien d'agressif, magnifiquement équilibré dans le mouvement, il peut faire que de très bons joueurs paraissent mauvais par comparaison. Tous les techniciens assurent qu'il ne faut pas se fier à la grande impression de facilité qu'il dégage. En réalité, il fait des choses très compliquées en donnant à penser qu'il a bien d'autres atouts en réserve.

Difficile, pour un génie, de se mettre dans la peau d'un apprenti dépendant des autres. A la fin de l'année dernière, Federer a remercié son entraîneur suédois Peter Lundgren en expliquant avec une élégante discrétion que le courant ne passait plus entre eux. En fait, le penchant pour la boisson de Lundgren et ses absences répétées et prolongées lui étaient devenues insupportables.

Plus d'entraîneur à son service

Depuis, le N.1 mondial n'a plus d'entraîneur et ne semble pas presser d'en retrouver malgré les nombreux avis l'exhortant à mettre fin à cette situation. "C'est incroyable le nombre de courriers électroniques et de conseils que j'ai reçus. Avant, j'accordais trop d'importance à ce qu'on disait de moi. Maintenant, je suis en paix avec moi-même et je ne lis plus les journaux", confie-t-il.

Sa sérénité sur un court est effectivement stupéfiante. Il la doit en grande partie à sa fiancée, l'ancien joueuse tchèque Miroslava Vavrinec, surnommée "Mirka", qui a pris une place importante dans l'organisation de son entourage, et à son physiothérapeute Pavel Kovac. "Mon but n'est pas de ressembler à quelqu'un, mais d'être moi-même et d'avoir ma propre carrière", résume-t-il.

"Je vais voir au cours des sept ou huit prochaines années si j'arrive à lui dérober un titre", avait déclaré Roddick avant la finale. Cette fois-ci, c'est raté !