Il y a un an, Novak Djokovic quittait Roland-Garros déboussolé. Depuis, c'est lui qui donne le tournis au circuit au point d'être en position sur la terre battue parisienne de répéter un exploit rarissime : détenir les quatre titres du Grand Chelem en même temps, à cheval sur deux ans.

Le revirement est vertigineux. Début juin dernier, Djokovic quitte Roland-Garros au trente-sixième dessous, mis K.-O. par la désillusion majuscule de son quart de finale perdu face à la surprise italienne Marco Cecchinato. Il faut se souvenir de sa conférence de presse expédiée à la va-vite, dans une petite salle plongée dans une semi-pénombre et pleine à craquer vu le prestige de l'interviewé.

À ce moment-là, Djoko vient de chuter face au 72e joueur mondial, pourtant arrivé à Paris sans jamais avoir gagné le moindre match en Grand Chelem (6-3, 7-6 (4), 1-6, 7-6 (11)). Ça fait alors deux ans que le Serbe, opéré au coude début 2018 après six mois de pause la saison précédente, court après l'envie et la forme. Il ne sait pas s'il va jouer la saison sur herbe. « Je ne veux pas penser au tennis à cet instant précis », lâche celui qui est éjecté du top-20 pour la première fois depuis 12 ans.

Un an plus tard, tout a changé. Djokovic s'est réinstallé sur le trône de no 1 mondial. Surtout, il détient les couronnes des trois derniers tournois du Grand Chelem, Wimbledon et les Internationaux des États-Unis 2018, plus les Internationaux d'Australie 2019. Si bien qu'un deuxième sacre à Roland-Garros lui permettrait de réaliser le Grand Chelem à cheval sur deux saisons pour la deuxième fois de sa carrière, après 2015-2016. Un exploit pourtant rarissime dans l'histoire du tennis.

Même Federer et Nadal s'y sont cassé les dents

Seuls l'Américain Donald Budge, en 1938, et l'Australien Rod Laver, en 1962 et 1969, ont fait mieux en complétant le Grand Chelem sur une même saison, mais à leur époque, tous les tournois majeurs, à l'exception de Roland-Garros, se jouaient sur gazon.

Tous les autres s'y sont cassé les dents, même Roger Federer et Rafael Nadal, les deux joueurs les plus décorés de l'histoire en Grand Chelem (20 et 17 respectivement). Le Grand Chelem sur deux ans, deux fois, le premier s'est trouvé au bord d'y parvenir, battu en finale de Roland-Garros en 2006 et 2007; le second s'en est lui approché une fois, début 2011.

Il y a trois ans, l'accomplissement tant convoité avait laissé Djokovic exsangue, à court d'objectifs et de motivation.

Le Serbe, qui a fêté ses 32 ans mercredi, se sent cette fois mieux armé pour y faire face.

« Gagner Roland-Garros en 2016 a été le plus grand soulagement que j'ai ressenti de toute ma vie », se souvenait-il au lendemain de son sacre en Australie fin janvier, son quinzième en Grand Chelem.

« Avant, je me mettais beaucoup de pression. J'ai perdu plusieurs finales de suite (2012, 2014 et 2015), puis j'ai réussi à gagner en 2016. Mon approche de Roland-Garros sera forcément très différente cette année. J'ai plus d'expérience pour gérer ce genre de situation », estimait-t-il.

Djokovic « a encore le temps »

« Je ne voudrais pas paraître arrogant, mais je l'ai déjà fait une fois, alors pourquoi ne pas le refaire?, osait Djoko. Il ne m'en manque plus qu'un. »

Le champion serbe, qui a dépassé l'Américain Pete Sampras (14) au troisième rang des joueurs les plus récompensés en Grand Chelem en s'imposant à Melbourne, voit beaucoup plus loin et plus haut. Jusqu'au record de couronnes majeures détenu par Federer.

L'a-t-il en tête? « Il est encore loin mais tant que je joue et que je gagne des tournois du Grand Chelem, c'est logique de conclure que oui, considérait-il. Je sais qu'il y a deux mecs devant moi pour l'instant au nombre de titres majeurs. Mais j'ai encore le temps. Je ne suis pas pressé. »

« Je me sens jeune, frais, en forme. Je ne pense pas à mon âge, je ne me mets aucune limite », complétait-il. 

« Écrire l'histoire du sport que j'aime profondément, bien sûr, ça me motive. Jouer les Grand Chelem, les plus gros tournois du circuit ATP, c'est ma priorité absolue cette saison et dans les saisons à venir », soulignait Djokovic dès fin janvier. Federer, Nadal et tous les autres sont prévenus.