PARIS (AP) - Roger Federer se souviendra longtemps qu'il faillit entrer dans l'histoire, un dimanche de 2006 à Roland-Garros, avant de se buter à l'insubmersible Rafael Nadal.

Vainqueur 1-6, 6-1, 6-4, 7-6 (4) aux dépens du Suisse en finale des Internationaux de France, dimanche, l'Espagnol a porté son total de victoires sur terre battue à 60. Il est du même coup devenu le premier joueur à remporter ses deux premiers tournois à Roland-Garros.

Ce duel de trois heures entre les deux meilleurs joueurs du moment a souri au spécialiste, au battant, au plus puissant, qui a désormais remporté six des sept batailles livrées par les figures de proue du tennis masculin.

En enlevant ce 14e match d'affilée à Porte d'Auteuil, Nadal a fait plus que battre son rival. Il a aussi sauvé le vieux record de Rod Laver, qui reste le dernier joueur à s'être octroyé les quatre manches du Grand Chelem consécutivement, en 1969.

Et si le légendaire Australien a pu garder son bien, c'est à cause de cette première somptueuse offerte au public du court Philippe-Chatrier: le meilleur joueur sur terre battue de l'histoire contre l'un des tous meilleurs tout court. Hasard d'une génération.

Mais le talent du Suisse n'a pas suffi. Il n'a fait illusion qu'une manche, la première, empochée 6-1, avant d'être étouffé par la puissance, par les frappes suffocantes du gaucher majorcain.

Le scénario du début de match était pourtant tout à l'avantage de Federer. Le Suisse décidait de sauter à la gorge du "corsaire blanc", de le bousculer, sans desserrer son étreinte. Incapable d'installer son rythme, de prolonger l'échange, Nadal tentait bien de marteler le revers de son adversaire, une tactique qui allait payer plus tard, mais qui échouait d'abord.

Tactiquement, l'entame du numéro un mondial était parfaite: 28 minutes avaient passé, l'Espagnol avait, à deux reprises concédé son service, et Federer menait 5-0. Nadal ne parvenait qu'à s'octroyer un jeu de répit avant d'abandonner la manche à son rival 6-1, en à peine 37 minutes.

Mais voilà, contre Nadal, il ne faut pas relâcher son attention; Une volée étourdie de "Rodgeur" dans le filet, un passing fabuleux de "Rafa", et le Suisse perdait son service, pour la première fois.

La machine Nadal était relancée, à fond: 3-0, puis un nouveau bris de service alors que le revers de Federer lui faisait des misères, 5-1 puis le deuxième set en 32 minutes.

Les 16 000 spectateurs rêvaient d'un duo et ils étaient servis.

Le quatrième jeu du troisième set était particulièrement somptueux. Nadal y sauvait trois balles de bris. Et c'est le Bâlois qui craquait le premier: deux nouvelles fautes inhabituelles, un smash ripé et un coup droit frileux lui coûtaient son service (2-3).

Le tempo imposé par le bras gauche de Nadal devenait infernal. Un jeu blanc à 5-3 le démontrait cruellement. Et le jeune bûcheron de 20 ans empochait la manche 6-4 après 2h05 de jeu.

L'entreprise de démolition continuait et il y avait quelque chose de triste à voir un joueur aussi doué et consacré que Federer accumuler fautes et bourdes.

Dans la foulée, l'Espagnol s'en allait porter l'estocade. Il se détachait à 2-0, puis maintenait cet avantage jusqu'à servir pour le match à 5-3. Le numéro un mondial, à l'énergie, s'accordait le sursis d'un bris de service, mais cédait finalement dans le jeu décisif après 3h02 de jeu.

Un passing de revers croisé mettait fin aux rêves du Suisse: adieu victoire, chelem, record. Nadal était passé par là. Le plus grand champion de sa génération n'est qu'un homme. Et n'a qu'un rival, qui prend aussi une belle revanche sur une saison où on l'avait annoncé perdu pour le tennis en raison de blessures aux pieds.

"Je n'ai jamais connu un joueur aussi fort que lui. C'est un des plus grands joueurs de tous les temps", a reconnu l'Espagnol.

Et Federer entend bien le prouver une fois de plus la saison prochaine.

"L'an dernier, j'étais en demi-finale, cette année en finale. Ma carrière a toujours avancé comme ça, alors pourquoi pas mieux l'an prochain", a-t-il espéré.