LOS ANGELES – Adoubé par Serena Williams et Billie Jean King lors de sa nomination en 2015, Steve Simon, le patron de la WTA monté au bras de fer avec Pékin dans l'affaire Peng Shuai, est un dirigeant avisé et innovant, aux convictions progressistes.

Simon ne pensait certainement pas sa stratégie risquée quand il a fait de la Chine la principale source de revenus du circuit féminin, en signant notamment en 2018 un contrat juteux sur 10 ans avec Shenzhen pour l'organisation des Finales de la WTA – rendez-vous bouclant traditionnellement la saison, qui compte neuf autres tournois dans ce pays – pour une dotation totale de 30 millions de dollars.

Pourtant, trois ans plus tard, les intérêts financiers de la WTA dans « l'Empire du milieu » se trouvent considérablement fragilisés par les possibles conséquences de l'affaire Peng Shuai, ex-no 1 mondiale en double, qui a accusé début novembre un ancien haut responsable du Parti communiste chinois, Zhang Gaoli, de l'avoir contrainte à un rapport sexuel.

Pour une raison simple, mais dont la teneur est quasi-inédite dans les relations qu'entretiennent les différentes instances sportives mondiales avec ce pays au marché si lucratif: Steve Simon a mis à exécution ses menaces mercredi en annonçant « la suspension immédiate de tous les tournois WTA en Chine, y compris Hong Kong ».

« Leadership »

« Nous sommes tout à fait prêts à retirer nos activités et à faire face à toutes les complications qui en découlent. Parce que c'est plus important que les affaires », avait-il déjà prévenu au moment de la disparition de Peng Shuai, à propos de ses accusations pour lesquelles il avait demandé une enquête « transparente et juste », avant qu'elle réapparaisse le 21 novembre dans un restaurant de Pékin et lors d'un tournoi de tennis organisé à Pékin.

Là où le Comité international olympique (CIO) est montré du doigt pour sa discrétion, à deux mois des Jeux d'hiver de Pékin, la WTA fait preuve d'un « leadership » qui a rendu « fière » Billie Jean King, légende du tennis, fondatrice de l'instance en 1973 et infatigable militante pour l'égalité des sexes.

Une position partagée par l'ex-no 1 mondial Andy Roddick, qui a salué sur Twitter mercredi la suspension des tournois chinois sur le circuit WTA : « Bien agir est bien plus facile quand ça ne coûte rien. Respect. »

Pour ceux qui, comme Billie Jean King, connaissent l'homme de 66 ans, nulle surprise. Ce Californien, entré de plain-pied dans le tennis en 1989 en tant que commercial pour le tournoi d'Indian Wells après six ans chez Adidas, avant d'en prendre la direction en 2004 et d'en faire le « 5e Grand Chelem », est reconnu pour son savoir-faire et son penchant pour l'innovation (son tournoi fut le premier à adopter la technologie « hawkeye » sur tous les courts). Mais il est surtout apprécié du microcosme qui l'entoure pour ses qualités humaines.

« Réfléchi et respectueux »

Ainsi Serena Williams les louait-elle, en novembre 2015 quand il fut nommé à la tête de la WTA, rappelant son rôle déterminant pour la convaincre de revenir jouer à Indian Wells quelques mois plus tôt, après 14 ans de boycott en raison du « racisme ressenti » lorsque sa soeur Venus et elle y jouèrent en 2001.

« Steve n'aurait pas pu être plus utile, professionnel et d'un aussi grand soutien. Je sais à quel point il se soucie de l'opinion des joueuses. Il est à l'écoute, il a nos meilleurs intérêts à l'esprit », affirmait-elle.

Billie Jean King estimait dans un même élan que Simon était « la bonne personne pour ce poste », louant un homme « réfléchi, respectueux ».

S'exprimant sur sa nouvelle mission à la tête de la WTA, l'intéressé expliquait alors qu'« il ne s'agissait pas seulement de tennis, mais de sport féminin ».

« L'une des choses qui doit se produire dans ce monde, c'est que des gens comme moi, de sexe masculin, doivent faire un pas en avant et prôner une véritable égalité, commencer à faire des changements parce que c'est la bonne chose à faire. »