Tout le Japon est sous le charme de Naomi Osaka
Inter. des États-Unis lundi, 10 sept. 2018. 12:25 vendredi, 13 déc. 2024. 15:45OKYO - Le japonais hésitant de Naomi Osaka, ses manières – elle s'est inclinée et s'est excusée après avoir battu Serena Williams en finale des Internationaux des États-Unis – et sa charmante simplicité ont rempli d'orgueil le Japon et fait ombrage aux nombreuses questions sur ses origines mixtes dans ce pays réputé pour être borné.
Deux jours après être devenue la première Japonaise à remporter un tournoi du Grand Chelem, Osaka continue d'alimenter les pages frontispices des trois quotidiens principaux du pays, ainsi que les discussions dans les missions de lignes ouvertes.
Ce qu'on dit lundi au Japon : Osaka est considérée comme Japonaise malgré son héritage mixte. La fierté nationale, du moins pour l'instant, supplante les questions sur l'identité culturelle et ce que représente être japonais.
Le comportement de Williams pendant cette finale chaotique, un sujet chaud aux États-Unis et ailleurs dans le monde, a été largement laissé de côté au Japon, où on a davantage mis l'accent sur le calme d'Osaka sous pression.
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Le plus important quotidien nippon, Tomiuri, a dit d'Osaka « qu'elle est une nouvelle héroïne dont le Japon est fier ». Selon le quotidien, c'est « sa force sur les courts et son innocence à l'extérieur de ceux-ci » qui la rendent sympathique.
Yomiuri a joué sur page frontispice une photo d'Osaka avec le trophée gagné à Flushing Meadows, comme l'ont fait les deux autres grands quotidiens du pays. Dans ses pages, Yomiuri titre : « Reine instantanée, puissante et stable ». Du côté du Asahi, on l'a baptisée « Nouvelle Reine », en mettant l'accent sur son mélange de « force et de douceur ».
Aucun des principaux quotidiens ne s'est attardé très longuement à ses origines, qui ont été largement documentées. Elle est née au Japon d'une mère nippone et d'un père haïtien; est déménagée aux États-Unis à 3 ans et vit maintenant en Floride, où elle s'entraîne depuis une dizaine d'années.
Dans un entretien accordé lundi à la chaîne de télévision japonaise TBS, on lui a demandé ce qu'elle voulait faire maintenant. Elle a répondu en japonais : « Manger un riz au curry avec des côtelettes de porc ». Elle est ensuite passée à l'anglais pour dire : « Je suis très honorée. Je ne sais pas comment le dire en japonais ». Elle a donné sensiblement les mêmes réponses en entrevue avec NTV, un autre réseau nippon.
Dans toute cette pression médiatique, elle n'a jamais perdu le sourire, un autre trait japonais, selon plusieurs quotidiens. Son japonais approximatif fonctionne à son avantage, alors qu'elle s'excuse occasionnellement lorsqu'elle prononce mal les mots ou ne les connaît carrément pas.
« Elle n'est pas quelqu'un qui s'affirme avec assurance, mais elle est réservée et humble, ce qui la fait sembler davantage comme une Japonaise », a souligné Junko Okamoto, spécialiste des communications, dans l'hebdomadaire Toyokeizai. Okamoto prétend également qu'Osaka pourrait devenir le visage des Jeux olympiques de Tokyo, en 202, ce qui lui rapporterait une mine d'or en commandites.
Selon Forbes, Williams est l'athlète féminine touchant les plus grosses sommes avec près de 18 millions $ US annuellement, presque uniquement en commandites. Le tabloïde The Evening Fuji, citant Forbes, a spéculé sur ce que pourrait toucher Osaka pour l'ensemble de sa carrière, suggérant qu'elle pourrait gagner plus de 100 millions $.
Le Mainichi, l'un des trois grands quotidiens, a d'ailleurs noté qu'Osaka portait une robe d'un designer japonais de grande renommée lors de la cérémonie des vainqueurs de Flushing Meadows.
Le grand-père d'Osaka, Tetsuo Osaka, a donné plusieurs interviews de son île nippone de Hakkaido, dans le nord du pays, où l'homme de 73 ans dirige une coopérative de pêche. Il prévoit de rencontrer sa petite-fille quand elle jouera la semaine prochaine un tournoi au Japon.
Leur relation semble solide dorénavant, mais le New York Times a rapporté que pendant plus de 10 ans, la mère d'Osaka, Tamaki, n'a eu que très peu de contacts avec sa famille au Japon.
Roland Kirishima, un photographe qui est mi-Japonais, mi-Écossais, a critiqué certains commentaires véhiculés sur internet remettant en question les origines d'Osaka. Certains ont questionné si elle était vraiment japonaise en raison de son teint plus foncé.
« Regardez la dernière équipe de France qui a remporté la Coupe du monde de football, a-t-il écrit sur Twitter. La moitié des joueurs sont des fils d'immigrants ou de diverses originies ethniques. Je suis surpris que tant de personnes au Japon soient obsédées par la pureté raciale. Nous sommes au 21e siècle. Laissons de côté cette étroitesse d'esprit. »
Il semble que le Japon ait au moins fait un premier pas.