Terminé l’époque où Bianca Andreescu se présentait sur le terrain avec automatiquement le rôle de négligée. Son entraîneur Sylvain Bruneau est bien placé pour le savoir, lui qui a vécu aux premières loges la progression fulgurante de sa joueuse.

Presque tout sera différent en 2020. À la même période l’an dernier, sa protégée occupait le 175e rang au classement de la WTA, pour conclure la campagne au 152e échelon. Moins de 12 mois plus tard, sa protégée est championne à Indian Wells, à Toronto et en Grand Chelem avec les Internationaux des États-Unis, tout en occupant le cinquième rang.

L’attention des amateurs, des autres joueuses, des médias est certes une réalité pour le clan Andreescu, mais il se considère bien outillé pour faire face à la musique.

 « On a eu un avant-goût après Indian Wells. Ce sera un défi à bien gérer lors de la prochaine année alors qu’elle est passée d’un statut de parfaite inconnue à celle de cinquième joueuse mondiale. Là ce sera différent », a mentionné Bruneau lors d’une entrevue au balado À la volée.

« Il faut s’ajuster, car il y a beaucoup de demandes et de choses qu’elle aimerait faire. Elle a de grands projets et il faut rester concentrés sur ce qu’il y a à faire et ne pas trop s’éparpiller », a-t-il enchaîné au sujet de l’athlète de 19 ans.

Cette approche a fait ses preuves au fil de la saison. Après la pause en raison de sa blessure à l’épaule, la Canadienne a renoué avec la compétition avec fracas en remportant le titre dans sa cour lors de la Coupe Rogers. Considérée par certains comme favorite pour le dernier tournoi majeur de la saison, elle a su répondre à ses attentes plus qu’élevées avec un triomphe.

Lorsque vient le temps pour son entraîneur de faire un bilan de cette campagne, il ne peut qu’être encore surpris de tout ce qui est survenu.

« C’était évidemment une très belle année sur le plan des résultats, donc une année surprenante. On ne s’attendait pas en 2019 de terminer cinquième au classement mondial et d’être du tournoi de fin de saison. Le côté moins drôle est certainement les blessures qui ont miné quelque peu sa saison, mais dans l’ensemble, c’était une saison remarquable », a résumé Bruneau.

Et dire que cette campagne n’était pas dans les plans il y a tout juste un an. Bruneau s’est fait présenter le poste par Louis Borfiga, alors qu’il oeuvrait comme capitaine de la Coupe Fed. Même si la séparation se voulait douloureuse, alors qu’il craignait de voir certaines relations avec des joueuses s’effriter peu à peu comme il allait consacrer son énergie principalement à une seule joueuse, le dénouement est plus qu’heureux.

« Je savais qu’avec un transfert de responsabilités vers une seule joueuse, j’aurais moins de temps avec les autres, cela allait de soi. J’avais peur que les relations changent, mais tout s’est bien passé, les filles ont été très cool. L’expérience que j’ai vécue était incroyable », a-t-il expliqué.

« C’est certain que c’était un énorme changement. On a commencé à travailler ensemble en mars 2018 et on a vagabondé dans les petits tournois pour la suite de l’année. C’est sûr qu’en 2019 avec son coup d’éclat à Auckland, elle est passée des petits tournois à des plus importants qui ont mené tout d’abord à Indian Wells. C’était une super expérience, mais d’accompagner sur le plan personnel une joueuse qui atteint les finales de la Coupe Rogers, et à New York, pour moi aussi c’était une première. »

Et si la joueuse peut dire mission accomplie, le travail de son entraîneur n’est pas passé inaperçu. Après avoir été nommé meilleur entraîneur au pays, Bruneau est en lice pour le titre d’entraîneur de l’année sur le circuit de la WTA.

« C’est certain que ce sont de très belles mentions. Ce n’est pas étranger aux résultats qu’a connus Bianca, cette année, mais aussi tout le travail avec Tennis Canada », a reconnu avec humilité celui qui est opposé à Craig Tyzzer (entraîneur d'Ashleigh Barty) et Torben Beltz (entraîneur de Donna Vekic) pour le titre.

Un mariage plus qu’heureux

Si la séparation avec son titre de capitaine de la Coupe Fed s’est réalisée sans trop d’accrocs, c’est que l’entraîneur savait et a réalisé à quel point la relation qui se présentait à lui allait bien se dérouler comme son élève a un désir de vaincre qui lui est propre et elle ne lésine pas sur les efforts à mettre à l’entraînement.

« C’est un bon mariage. C’est une athlète très agréable avec laquelle travailler. Elle est très dédiée à progresser à tous les plans. Elle travaille fort sur le terrain, mais aussi en gymnase. Elle est sérieuse aussi pour la réhabilitation », a-t-il pris soin de mentionner.

« Je me suis régalé sur le plan de son jeu qui sort du jeu typique où les filles sont très puissantes. On a développé un style avec plus de variation, donc les plans de match sont plaisants. »

« Même si elle a 19 ans, elle aime présenter son opinion et il faut que tu sois prêt avec la tienne. J’y vois une évolution alors qu’au début elle ne répondait que " oui, oui, oui ". On voit qu’avec l’expérience acquise, elle sait où elle s’en va », a-t-il souligné.

Prochaine étape toutefois pour le clan Andreescu... un repos bien mérité. Bruneau prend bien soin de recharger les batteries après une campagne forte en émotions. L’entraîneur qui a vécu les triomphes de la Canadienne, ainsi que sa remise en forme, veut s’accorder une période de congé, mais il ne peut évidemment s’empêcher d’avoir un regard tourné vers 2020.

 « On a touché comment on veut que son entre-saison fonctionne et le début d’année, mais c’est certain qu’on doit encore discuter pour les objectifs. Quand on reprendra l’entraînement, on établira des objectifs plus précis, entre autres pour les résultats. »

« Je souhaitais pour Bianca qu’elle puisse faire le vide pour mieux refaire le plein ensuite afin de se relancer. C’est important pour tout le monde de faire de même au sein de l’équipe »,a-t-il nuancé.

Le retour à l’entraînement se fera début décembre et c’est à ce moment que les deux acolytes établiront des objectifs plus concrets en vue de la prochaine campagne.