Le métier d’arbitre n’est pas de tout repos, mais il devient nettement plus agréable quand il permet de visiter quelques paradis de la planète comme l’Australie, la Californie, le Brésil, l’Espagne, Monte-Carlo, le Japon, la Nouvelle-Zélande…

Au cours des 15 dernières années, Chahir Fitouhi, un Tunisien d’origine qui demeure au Québec, a gravi les échelons de la hiérarchie de l’arbitrage du tennis. Âgé de seulement 33 ans, il a hérité de la certification argent en décembre 2012 et il ne lui reste qu’à gravir le niveau or pour arbitrer les finales des plus grands tournois du monde.

Cette semaine à Montréal, il a eu le plaisir d’arbitrer plusieurs matchs dont celui entre Gilles Simon et Nikolay Davydenko. Mais comme la terre tourne vite dans l’univers des arbitres, il a quitté le sol montréalais jeudi en direction de Calgary pour superviser un tournoi de la relève avant d’enchaîner avec les Internationaux des États-Unis.

Sans avoir atteint les sommets en tant que joueur, le sympathique arbitre consume son amour du tennis avec son travail.

« Au début, j’ai commencé parce que c’était une passion. C’est devenu une passion avancée, une passion semi-professionnelle et … une passion professionnelle ! C’est intéressant car on fait le tour du monde dans un domaine qu’on adore », a-t-il raconté pour expliquer sa décision de se diriger vers ce métier qui peut en effrayer plusieurs. Chahir Fitouhi

Si la suprématie du tennis est établie par les classements, les officiels sont également récompensés en vertu de leur rendement.

« On est évalué dans chaque tournoi et des rapports d’évaluation sont compilés à la fin de l’année. Les dirigeants décident ensuite si quelqu’un mérite de monter de niveau. C’est pourquoi on doit se concentrer sur nos tournois et réussir de bonnes performances pour que les opportunités suivent », a précisé l’interlocuteur dans une entrevue avec le RDS.ca.

Une vision de premier plan contribue à l’efficacité des juges de ligne et des arbitres de chaise, mais ces derniers doivent posséder d’autres qualités primordiales pour assurer le bon déroulement des affrontements. 

« Il faut posséder beaucoup de réflexes et d’instinct afin de sentir le jeu et l’état d’esprit des joueurs. La communication est aussi essentielle parce que tu peux discuter avec les arbitres au tennis alors que c’est moins le cas au soccer, au football ou au hockey par exemple », a identifié Fitouhi qui a reçu une distinction dans le cadre du gala de Tennis Canada à la Coupe Rogers pour son travail.

« Cet élément procure un pouvoir de communication plus élevé aux joueurs comparativement à tous les autres sports et l’arbitre doit être capable de gérer cet aspect. Tu dois arriver à convaincre et trouver la bonne explication en quelques secondes », a-t-il ajouté.

Les échanges costauds surviennent parfois sur le terrain et les amateurs assidus en viennent à connaître les tempéraments différents des arbitres.

« Quand on suit notre formation pour apprendre les rouages de ce boulot, ils nous apprennent la personnalité que nous devons avoir comme arbitre, mais nous avons chacun notre personnalité. Certains sont plus calmes et d’autres plus émotifs, mais des caractères différents peuvent mener à des arbitres aussi efficaces. Je ne peux pas juger la mienne, mais on essaie de faire notre travail en s’appliquant et en étant juste avec chacun », a confié celui qui arbitre également du tennis féminin (WTA) et des tournois de l’ITF en raison d’un partenariat de ces organisations avec l’ATP.

En participant à plus d’une centaine de matchs par année, Fitouhi et ses homologues sont témoins de matchs mémorables comme Mohamed Lahyani qui a vécu le privilège d’arbitrer le plus long duel de l’histoire du tennis professionnel entre John Isner et Nicolas Mahut.

« Mes matchs préférés sont ceux qui durent longtemps et qui peuvent pencher d’un côté comme de l’autre. J’ai de bons souvenirs particulièrement dans les tournois du Grand chelem et de la Coupe Davis où l’ambiance est spéciale », a relaté le grand voyageur.

Le rôle d’un arbitre de tennis implique de souvent côtoyer les mêmes athlètes, mais le contexte n’est pas propice à des rapprochements, aussi petits qu’ils pourraient l’être.

« On a une grande relation de respect et c’est le meilleur acquis et l’atout principal. Nous ne sommes pas là pour se faire des amis. Si quelqu’un doit être fâché après nous parce que nous avons bien fait notre travail, qu’il le soit ! Ça fait partie du métier et il faut surtout garder cette confiance avec les joueurs », a tranché l’homme au ton posé et au regard convaincant.

Un métier en évolution constante

La tâche ne se compare point en termes d’efforts sauf que les arbitres s’engagent aussi dans des marathons durant les périodes chargées du calendrier, mais Fitouhi est loin de s’en plaindre.

Chahir Fitouhi« Je suis sur la route depuis le 26 juin et j’ai dû avoir cinq jours de repos depuis cette date, mais les mois d’octobre, novembre et décembre s’avèrent beaucoup plus tranquilles. Pour la saison de la terre battue, je pars en Europe pendant deux mois en commençant par Monte-Carlo pour finir à Roland-Garros (sur la photo)», a-t-il détaillé.

Même si les voyagements se multiplient, les arbitres ont le privilège de pouvoir passer quelques jours dans chacune de leurs destinations et certains endroits finissent par les séduire davantage.

« Chaque tournoi a son charme, mais j’aime beaucoup travailler en Asie sinon aux États-Unis parce que les foules sont très imposantes. J’adore aussi le tournoi de Monte-Carlo, que je fais depuis quelques années, puisque les paysages sont magnifiques et l’ambiance est détendue », a ciblé celui qui admet que les matchs de Coupe Davis ajoute au niveau de difficulté car il doit aussi gérer la foule.

Afin d’aider les arbitres dans le contrôle des matchs, le tennis professionnel a instauré les reprises vidéos. Sans tarder, elles sont devenues très appréciées des joueurs, des amateurs et des arbitres. Ce n’est donc pas surprenant que l’ATP planche sur de nouveaux projets pour améliorer le jeu. Par exemple, un projet est testé à des niveaux inférieurs pour abolir le droit de recommencer son service quand la balle touche le filet et tombe dans le carré.

Les changements utiles sont les bienvenus alors que la complexité du métier repose plutôt dans la multitude de règlements régissant le tennis.

« Le plus exigeant demeure l’interprétation des règlements. Au soccer, à titre comparatif, leur livre de règlements contient 22 articles alors que nous avons 300 pages sur l’ATP avec une quarantaine d’articles », a mentionné Fitouhi.

En raison de son statut international, les autorités du tennis utilisent le soccer pour comparer leurs méthodes.

« Nous avons regardé un documentaire sur le travail des arbitres à la Coupe d’Europe durant l’un de nos stages de formation. C’est intéressant pour voir les points en commun, les spécificités, les comportements de leurs arbitres et les différences des règlements… », a confirmé l’homme au français impeccable.

Par la nature du travail, les volontaires ne se bousculent pas pour assurer la relève de cette profession. Mais à écouter cet arbitre qui approche du niveau le plus élevé, cette carrière possède plusieurs éléments pour charmer les passionnés du tennis.

« Pour savoir si les gens ont un intérêt, ils peuvent venir participer à un stage d’initiation offert par Tennis Canada et ils pourront participer à de petits tournois au niveau junior. Il faut l’essayer et c’est agréable quand tu apprécies ce sport. Il suffit ensuite de monter l’échelle », a conclu Fitouhi avec enthousiasme.