Un Wimbledon pas comme les autres
COLLABORATION SPÉCIALE
Chez les hommes en finale, déjà on se pourléchait les babines à l'idée de pouvoir vivre un moment unique alors que le bad, very bad boy du tennis Nick Kyrgios disputait à 27 ans une première finale Grand Chelem! Même lui, n'y croyait plus. Je le cite : « On a toujours dit que je n'avais pas de discipline, de capacités mentales et physiques pour aller loin. Comme cela peut changer alors qu'il y a deux ans j'étais même suicidaire! »
Touché aux abdominaux cinq jours avant le début de la quinzaine et forcé de déclarer forfait à Majorque en ronde des 16, l'Australien est à quatre points de perdre d'entrée à Wimbledon devant l'invité des organisateurs Paul Jubb, 219e au monde. Au fil des tours Nick passe peut-être par toute la gamme des émotions, mais joue bien le rôle du survivant prêt à tout pour aller chercher le titre. « Je suis plus mature alors que mon équipe et moi on pousse dans la même direction. Je ne sors pas le soir, je reste plutôt à la maison pour me reposer. » Wow, mais quel changement alors qu'il y a quelques années, son agent l'avait sorti d'un pub à 4 heures du matin car il affrontait le jour même Rafael Nadal!
C'est certain que l'Australien a battu Novak deux fois en deux rencontres en 2017 et pour lui, il s'agit très certainement d'une sorte de repère, mais dans les faits pas tant que cela. Rappelons que cette année-là, le Serbe souffre d'une blessure au coude qu'il traine depuis longtemps. Même Andre Agassi qui le suivait à cette époque, lui lance un ultimatum en avril de la même année: tu te fais opérer ou notre association est terminée. Le kid de Las Vegas retourne à la maison, alors que Djokovic se décide finalement 10 mois plus tard à passer sous le bistouri en février 2018. Entretemps il glisse jusqu'à la 22e place. Dégagé des douleurs qui contaminent son jeu, il terminera l'année au sommet du classement. Donc on s'entend que la situation est bien différente maintenant et que Djokovic tient mordicus à se rapprocher à une unité de Rafael Nadal et ses 22 titres Grands Chelems. Toutes sortes de galères quand même il a vécu le Serbe depuis son terrible échec aux Olympiques de Tokyo l'été passé.
Tout cela c'est bien beau, mais aujourd'hui, le maître du plus beau central du monde pour une 7e fois, c'est le Serbe Novak Djokovic. Certes, il est nerveux d'entrée de jeu alors que l'Australien est rempli d'une belle énergie. Cette fébrilité lui coûte un bris de service, (le seul du match pour lui) et la première manche. Peu importe, Djoko reste calme, trouve des solutions en réception de service tout en ne ratant pratiquement plus rien en échange. Je me demande d'ailleurs pourquoi Kyrgios, après avoir œuvré si bien en attaque pendant quasiment toute la première manche, se contente de rester en fond de terrain. J'ai l'impression que déjà, Nick est trop juste physiquement, ce qu'il confirmera en entrevue après le match. Dommage tout de même qu'il ne profite pas des quatre balles de bris obtenues en fin de deuxième manche, alors que le Serbe sert pour le set. Après cela, le fait qu'il n'arrive plus à rester serein nous en dit long sur ses états d'âme et son énergie. Pendant que Nick s'énerve pour un tout et un rien et qu'il monologue, Novak tisse sa toile et ligote sa proie pour gagner en quatre manches. Le voilà champion Grand Chelem pour une 21e fois. Vous savez quoi? J'ai même trouvé qu'il a eu de la classe sur le terrain et en entrevues durant la quinzaine...
Chez les dames, notons le premier triomphe d'Elena Rybakina, qui surmonte tous les obstacles sur son chemin durant la quinzaine. Malade à Paris alors qu'elle attrape la Covid, elle se présente sur gazon en souffrant d'allergies. Alors forcément, ses attentes ne sont pas très grandes. Lorsqu'on regarde d'un peu plus près sa fiche, on réalise qu'en début 2020, la Kazakhe est l'une des meilleures avec quatre finales dont un titre lors de ses cinq premiers tournois avant d'être stoppée dans son incroyable élan par le fameux virus.
Ons Jabeur possède plus d'expérience et de succès puisqu'elle se situe au 2e rang mondial. La Tunisienne joue d'ailleurs un premier set d'une grande beauté en contrant d'abord la puissance de l'adversaire, tout en parfumant certains élans de touches bien senties. Le problème c'est que Jabeur perd sa constance et lucidité dès le début de la 2e manche. Rybakina prend confiance et ira jusqu'au bout de son rêve. Belle comme une fleur qui s'ouvre, Elena résout toutes les énigmes par sa puissance et la justesse de ses choix. Née à Moscou mais commanditée par le Kazakhstan, c'est devant les bonzes du All England qu'elle s'ouvre au monde entier pour mieux s'épanouir. Spécial tout de même comme timing et que cela interpelle qui de droit tout de même.
Finalement, vous savez jusqu'à quel point j'aime suivre la vie de ces merveilleux combattants, surtout durant une quinzaine parce qu'ils se donnent à fond. Pas seulement pour vivre les émotions qu'ils nous procurent à l'intérieur des rencontres, mais aussi les écouter nous raconter des histoires sur notamment leur cheminement en plus des comptes-rendus de matches. Déçue mais pas trop démoralisée, la finaliste Ons Jabeur nous réserve quelques perles en conférence de presse. Après un premier set tellement bien ficelé en finale, la Tunisienne s'égare. Un journaliste lui demande ce qu'elle se dit dans son for intérieur à ce moment-là. Sans perdre une seconde, elle se confie: « Je m'encourage comme si je parle à quelqu'un en me disant ceci: je crois en toi Ons et je t'aime! » Fou rire dans la salle.
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Quand on lui demande si elle est surprise qu'Elena n'ait pas réagi après avoir gagné la balle de Championnat elle rétorque: « Oui visiblement il va falloir que je lui montre comment on célèbre un moment comme celui-là! » Fou rire numéro 2. Puis finalement, on la questionne sur son attitude durant la rencontre à savoir si elle croyait vraiment que c'était possible d'aller chercher la victoire et le titre. « Bien sûr que j'y croyais, j'ai même pris en photo le Venus Rosewater Dish sur mon cellulaire hier pour m'inspirer et rêver un peu plus. » Elle s'empresse de montrer aux nombreux journalistes la photo en question du trophée de la gagnante avant de rajouter: « Visiblement, je n'ai pas pris le bon trophée en photo ». Fou rire généralisé... Elle est unique Ons Jabeur et le fait d'être capable de se moquer d'elle-même quelques minutes après avoir vécu une grande déception, pour elle mais aussi pour les gens de son pays et du continent africain, c'est absolument phénoménal. Je l'admire.
Très réservée sur le terrain et dans la vie en général, Rybakina partage généreusement elle aussi en conférence de presse. Je lui réserve le mot de la fin car nous avons découvert une jeune dame de 23 ans qui est honnête, talentueuse et humble. Alors qu'elle raconte une fois de plus après son triomphe en finale son histoire de joueuse au potentiel immense chez les juniors, elle remercie ses parents qui l'ont financé au meilleur de leurs capacités MAIS sans pousser. C'est à ce moment qu'elle éclate en sanglots avant de lancer : « Vous vouliez voir plus d'émotions de ma part et bien voilà! » Applaudissements bien nourris de la part des journalistes. Ta vie va changer à tout jamais Elena mais je t'en prie, toi, ne change pas...