L’ombre n’a jamais dérangé Daniel Nestor, bien au contraire. Blagueur et détendu, le champion de 80 titres en double demeure gêné au moment d’aborder son influence sur le tennis canadien alors que la retraite approche.

« Je ne me considère pas comme une personne très inspirante », lance-t-il d’abord en riant.

« Si j’étais un partisan et que je me regardais jouer, je ne suis pas certain que je serais inspiré », ajoute l’Ontarien avec trop d’humilité. « J’essaie d’être le plus professionnel que je peux et je suis très compétitif même si les gens ne le savent pas tant. »

Grand nom particulièrement au Canada anglais, Nestor brille sur la scène internationale du double depuis la conquête de son premier titre en 1994. Malgré son palmarès éloquent, le gaucher de 40 ans peine à parler de son influence sur le développement du sport au pays.

« Je ne peux pas répondre à cela, il faudrait demander aux entraîneurs et joueurs », préfère-t-il répondre.

Justement, les commentaires élogieux se multiplient à l’approche de sa retraite dont le moment demeure à déterminer. Nul autre que Novak Djokovic, le numéro un mondial, a nommé Nestor en premier lorsque questionné sur l’éventuel duel Serbie-Canada en Coupe Davis.

Si le Djoker a vanté son expérience et ses qualités indéniables en double, Milos Raonic a louangé son impact au sein de l’équipe et il a insisté sur sa personnalité amusante.

« Son influence est très positive ! C’est spécialement le cas depuis deux ans car notre équipe est très jeune et il nous donne beaucoup d’informations et de conseils. Même s’il est plus âgé, il rigole encore beaucoup avec nous. Il peut être timide, mais il parvient à détendre l’atmosphère puisqu’il a vécu ces situations tellement souvent. C’est un peu comme avoir un deuxième capitaine », a dévoilé Raonic.

Nestor préfère regarder du côté de son jeune compatriote pour mesurer l’impact d’un athlète sur la discipline.

Daniel Nestor« J’ai connu du succès, mais je crois surtout que j’ai été agréable avec les autres et je pense qu’ils me respectent pour cela. Mais à propos d’exercer un impact, Milos en fait un plus important depuis trois ans. Le Canada n’avait pas eu un joueur de la trempe de Boris Becker ou Björn Bjorg. Je veux dire quelqu’un toujours sous les feux de la rampe qui bat les meilleurs de la planète », a-t-il confié lors d’une entrevue avec le RDS.ca. 

« Le double ne fait jamais les manchettes ou presque. Mais la situation n’a jamais été meilleure pour le tennis canadien et ça va continuer dans le bon sens », a prétendu Nestor avec confiance.

En vertu de son expérience et de ses nombreux tours de la planète, le champion olympique à Sydney en 2000 peut aisément cibler les raisons de cette progression.

« Les choses ont changé pour le mieux en commençant par l’excellent centre d’entraînement développé à Montréal. Nous avons maintenant tout ce qui est requis et Tennis Canada a aussi démontré son engagement en embauchant des personnes réputées de l’extérieur. Je ne dis pas que les entraîneurs canadiens ne sont pas à la hauteur, mais c’est utile d’avoir un mélange pour aider la cause », a détaillé le sympathique vainqueur de huit titres en Grand chelem.

Un premier titre à Montréal?

Nestor a remporté les quatre tournois majeurs en plus de triompher aux quatre coins de la planète incluant en Suisse, en Chine, en Autriche, en Italie, à Monte-Carlo, en Allemagne, en Russie, au Mexique, à Dubaï, au Qatar, au Japon ….

Mais aussi surprenant que ça puisse paraître, il n’a jamais été couronné à Montréal comparativement à deux championnats à Toronto en 2000 et 2008. Ses meilleurs résultats devant le public montréalais demeurent une demi-finale en 2009 et 2011.

« Je ne sais pas comment expliquer cela. Pourtant, j’aime beaucoup jouer ici et je trouve que le tournoi est mieux que celui de Toronto dont au niveau de l’atmosphère. Je me suis donc fixé le défi de mieux faire et je suis toujours emballé à l’idée de jouer au Canada », a lancé Nestor qui a connu ses meilleurs moments avec Mark Knowles, Nenad Zimonjic et Max Mirnyi.

Mériter les grands honneurs à Montréal, en compagnie du Suédois Robert Lindstedt, serait un magnifique accomplissement sauf que vaincre la Serbie – et Djokovic - en demi-finale de la Coupe Davis en septembre représenterait un exploit encore plus imposant.

« Nous avons un superbe groupe dans lequel la chimie est agréable et voilà pourquoi j’aime continuer avec eux. En plus de Milos, Vasek (Pospisil) joue très bien et nous avons beaucoup plus de profondeur que dans le passé. »

« Bien sûr, ils sont les grands favoris et ils comptent sur le meilleur joueur au monde, mais heureusement, tout peut arriver en Coupe Davis », a mentionné le père d’une fille de cinq ans (sur la photo à droite) et d’un bébé de cinq mois. 

Daniel NestorUn seul petit regret

La carrière d’un joueur de tennis peut sembler très attrayante et remplie d’aspects positifs, mais elle comporte une tonne d’obstacles. Nestor, qui veut au minimum poursuivre sa carrière l’an prochain, en retire d’ailleurs sa plus grande source de fierté.

« On vit beaucoup de hauts et de bas. Je suis content d’avoir pu persévérer à travers cela. En fait, un joueur de tennis vit toujours plus de déceptions que de réjouissances parce que tu perds plus souvent que tu ne gagnes », a-t-il rappelé.

Le parcours de Nestor en double demeure tout de même très reluisant n’étant devancé que par les frères Mike et Bob Bryan ainsi que Todd Woodbridge au niveau des titres. S’il s’est hissé au sommet de la pyramide mondiale en double, il est parvenu à obtenir le 58e échelon en simple en 1999.

Il aurait aimé s’imposer autant en simple, mais il ne pouvait se battre contre certains facteurs.

« Je ne pense pas que le talent était le problème, je crois que je n’étais pas assez fort physiquement pour tenir mon bout à toutes les semaines à ce niveau. J’ai pu rivaliser avec les meilleurs, mais il faut le faire constamment pour se maintenir au sommet et mon corps ne tenait pas la route. »

« Si je regrette une chose, c’est la façon dont j’ai géré mon tennis quand j’étais plus jeune. Je n’ai pas fait assez de travail physique et je suis devenu plus sérieux à partir de 19 ans », a reconnu Nestor.

Comme il le dit si bien, on apprécie davantage la plupart des choses en vieillissant et c’est le cas pour les nombreux voyages qu’il partage souvent avec sa femme et ses enfants.

Pour le moment, il se dirige vers un saut graduel vers le métier d’entraîneur. Il ne risque pas de chercher un poste très longtemps et il a commencé à initier sa fille Tiana au tennis.

« Elle a débuté tranquillement, mais elle ne s’intéresse à rien pendant plus de deux minutes actuellement! En espérant que ça change… », a-t-il conclu en riant. Si l’on se fie à la persévérance de son père, ça ne devrait pas tarder.