LONDRES - Après cinq victoires, Roger Federer est tombé à Wimbledon, comme son idole Bjorn Borg 27 ans plus tôt, mais son match immense face à Rafael Nadal en finale dimanche coupe court à toute comparaison: le numéro un mondial est tout sauf un joueur sur le déclin.

Dès la fin du match, il a d'ailleurs rassuré le Court central: il sera de retour l'an prochain. L'hommage du vainqueur du jour n'avait pas les accents d'une fausse politesse: "Il est toujours le numéro un, il est toujours le meilleur, il a gagné cinq fois ici", il est "le meilleur joueur de l'histoire."

Federer n'a aucune raison d'imiter le Suédois qui, peu ou prou au même âge, 26 ans, avait été battu par un autre joueur de 22 ans, John McEnroe. Un mois et demi plus tard, au US Open, l'Américain récidivait et envoyait Borg à une retraite inattendue.

Federer devra toutefois surmonter l'immense déception qu'il n'arrivait pas à dissimuler dimanche: c'est "la défaite la plus dure" de sa carrière, un "désastre", "incomparable" avec la volée de bois vert reçue à Roland-Garros face au même adversaire en juin (6-1, 6-3, 6-0). Et quand il parlait de l'avenir, des Jeux olympiques et du US Open, ses deux prochains objectifs, le Suisse disait vouloir "essayer" de recommencer à bien jouer.

Au vu de ce qu'il a montré dimanche, jusqu'au bout de la nuit et de la finale la plus longue de l'histoire (4h48), Federer a pourtant tout à fait les moyens de remporter encore deux Grands Chelems et de rejoindre Pete Sampras dans la légende, avec 14 titres majeurs, dont sept à Wimbledon.

Une finale d'anthologie

Roland-Garros avait pu faire croire au déclin d'un joueur en tête du classement mondial depuis 2004. La défaite de dimanche n'est que celle d'un immense champion battu par un autre immense champion au terme d'une finale d'anthologie, une des plus grandes de l'histoire du tournoi, avec celle de l'an dernier entre les mêmes et le Borg-McEnroe de 1981.

Les deux premiers sets et le début du troisième avaient montré un Federer émoussé, baladé en fond de court et moins performant que l'an passé au service. Puis, après trois balles de bris sauvées, synonymes de balles de match, est venue la pluie providentielle et une première interruption. Et c'est un joueur d'exception qui est revenu des vestiaires.

Dans le bris d'égalité du troisième set, il passe quatre aces et un service gagnant pour revenir à deux manches à une.

Dans le quatrième, sans jamais laisser l'Espagnol menacer son service, il est monstrueux dans le bris d'égalité, annulant deux balles de match sans trembler le moins du monde: d'abord avec un service gagnant, puis un passing de revers long de ligne de folie, alors qu'il était dominé dans l'échange.

Dans l'ultime manche, il sauvera encore quatre balles de bris, une balle de match. Avant de céder face au seul joueur du circuit à pouvoir le considérer d'égal à égal.

Peu importe que Federer ait perdu neuf matches cette année, soit autant que durant l'année 2007, qu'il n'ait gagné aucun Grand Chelem depuis le début de la saison quand il en avait empoché douze depuis Wimbledon 2003.

Federer a laissé son grand rival empiéter sur le gazon, son royaume. Il n'en est pas moins grand.