(RDS) - Les règles sont les règles. Et au sport universitaire canadien, le règlement veut qu'après cinq années d'éligibilité, les athlètes doivent quitter et laisser leur place aux plus jeunes.

Le football n'échappe pas à cette règle. Et malheureusement, depuis deux ans, les équipes de football du Québec sont "victimes" de ce règlement à la position la plus importante, celle de quart-arrière.

Après le départ de Josh Sommerfeldt des Redmen de McGill à la fin de la saison 2002, voilà que le Rouge et Or de Laval, les Stingers de Concordia et les Gaitors de Bishop's ont respectivement dû se départir de Mathieu Bertrand, Jon Bond et Sylvain Desrochers, des quarts qui avaient animé l'attaque de ces équipes au cours des dernières années.

Avec l'arrivée de deux équipes d'expansion, les Carabins de Montréal en 2002 et le Vert et Or en 2003, on se retrouve avec une situation plutôt inusitée au poste de quart au Québec : les six équipes ont confié leur attaque à un quart partant sans véritable expérience.

Voici la fiche des six quarts partants avant la saison 2004. William Leclerc (Laval) : 7 en 9, Scott Syvret (Condordia) : 29 en 42, Matt Connell (McGill) : 3 en 3, Jonathan Jodoin (Montréal) : 13 en 36, Marc-André Tougas (Sherbrooke) : 63 en 128, ce qui fait de lui le quart le plus expérimenté au Québec... et il en est à sa deuxième année d'éligibilité. Pour sa part, Kyle Williams n'avait jamais joué au Québec avant cette saison.

Résultat, les équipes passent moins. Beaucoup moins même.

Le quart le plus productif en 2004 est Kyle Williams, lui qui a amassé des gains de 392 verges par la passe, ce qui lui confère le 11e rang au pays, le meneur étant Jonathan Hooton et ses 639 verges. Le deuxième quart le plus productif est Matt Connell, 19e au pays avec ses 274 verges. On retrouve ensuite Tougas (264), Syvret (212), Leclerc (130) et Jodoin (124). Divisez ces chiffres par deux et vous obtenez une moyenne de 116 verges par équipe par match. Si on additionne les statistiques de tous les quarts, on obtient une moyenne de 131 verges.

En contre-partie, les équipes courent beaucoup plus. Depuis le début de la saison, l'attaque au sol des Carabins, menée par Joseph Mroué, a récolté 388 verges au sol. Suivent dans l'ordre le Rouge et Or (378), les Redmen (297), les Gaitors (241), le Vert et Or (185) et les Stingers (76), ce qui donne une moyenne de 130 verges par équipe par match.

En comparaison, pas plus loin qu'en 2003, les équipes avaient obtenu en moyenne 199.30 verges par match par la passe contre 151.96 par match par la course.

On passe moins, donc on court plus. Mais on obtient de moins bonnes statistiques au sol. En d'autres mots, les défensives dominent.

Cette situation inusitée s'explique en grande partie par le manque d'expérience, et non le manque de talent, doit-on le souligner, des quarts au Québec.

Quand un entraîneur doit faire jouer un quart sans grande expérience, il hésite un peu plus à lui faire porter le poids de l'attaque sur ses épaules. Le travail d'un entraîneur est de gagner des matchs de football, pas de donner un spectacle avec des longs jeux de passe. Si un entraîneur trouve qu'il est moins risqué de courir avec le ballon plutôt que de faire prendre des risques à un jeune quart-arrière inexpérimenté, il doit le faire.

Quel intérêt aurait Glen Constantin à demander à William Leclerc de faire un « flea flicker » s'il sait que Jeronimo Huerta Flores a d'excellentes chances de gagner le premier jeu sur une course?

Il n'y a pas uniquement le fait que les entraîneurs hésitent à donner le ballon aux quarts qui explique la baisse de régime des attaques, il y a aussi le fait que les défensives adverses se sont ajustées à la situation, tel qu'indiqué plus haut.

Au cours des dernières années, les Alouettes ont montré ce que pouvait accomplir une défensive agressive en forçant les quarts adverses à se débarrasser du ballon et à commettre des erreurs. Pour une défensive, rien de mieux qu'un quart sans grande expérience pour le presser derrière sa ligne de mêlée et le forcer à commettre des erreurs, ce qu'on fait beaucoup au Québec en 2004. Et quand on ne blitze pas, on congestionne la ligne d'engagement avec huit joueurs défensifs, dans le but de contrer la course et au sol et on lance un message clair au quart adverse : tu devras nous battre avec la passe.

Aux quarts-arrières maintenant de répondre.

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Dans un autre ordre d'idée, comment passer sous silence la victoire des Carabins contre les Stingers dimanche dernier? Une victoire in extremis de 18-15 arrachée sur le terrain de l'ennemi sur le dernier jeu du match grâce au touché d'une verge de Joseph Mroué.

Oui, cette victoire est la première de l'histoire de l'équipe contre les Stingers. Oui, cette victoire permet aux Carabins d'occuper, à égalité avec Laval, le premier rang de la conférence Québec. Mais pour les joueurs des Carabins, ces deux éléments ci-haut mentionnés ne sont pas vraiment importants.

Ce qui est important pour les jeunes protégés de Jacques Dussault, c'est comment ils ont signé cette victoire. Comment ils ont signé cette victoire? En battant un arbitrage médiocre au quatrième quart et en réussissant, sous la pression de la situation et pour la première fois du match, à garder le ballon et traverser la défensive des Stingers. Chapeau.

Chapeau surtout à Jonathan Jodoin. Le jeune quart a montré une force de caractère que l'on n'avait jamais vue. Pendant tout le match, il a manqué de précision dans ses passes, alors que ses receveurs étaient plus souvent qu'autrement libres. Il aurait pu baisser la tête, mais il ne l'a pas fait. En fin de match, à deux reprises, en situation de deuxième essai et long, il a permis aux Carabins de gagner le premier jeu avec une passe précise à Stéphane Groulx.

Et dans les dernières secondes du match, avec une maigre verge à franchir, ils ont frappé un mur à leurs deux premiers essais. Ils auraient pu baisser la tête, mais ils ne l'ont pas fait. À la manière des plus grands, ils ont réussi à marquer le touché sur leur dernier essai.

Ils auraient pu se contenter d'un placement et créer l'égalité 15-15. S'ils avaient raté le troisième essai, ils auraient perdu. Mais la victoire, ils la voulaient tout de suite. Ils ont défié les Stingers et ils ont remporté leur pari. Il y a deux ans et peut-être même l'an dernier, les Carabins auraient probablement botté. Mais cette année, ils ont une attitude de champions.

Cette victoire est sans contredit la plus importante de l'histoire de cette jeune concession, un triomphe qui soudera un peu plus l'esprit de cette équipe encore jeune. Et qui sait, peut-être que cette victoire fermera le clapet à ceux qui ne cessent de dire que les Carabins ne méritent pas leur place au top 10.