Surveillez plus tard aujourd’hui les interventions de Didier Orméjuste dans nos bulletins sportifs et dans la Zone Vidéo.

MONTRÉAL – Ce n’est qu’après avoir été confirmé dans ses fonctions d’entraîneur-chef de l’équipe de football masculine de l’Université McGill, en 2015, que Ronald Hilaire a pris la pleine mesure de la signification de sa promotion à ce poste prestigieux. 

À l’âge précoce de 30 ans, le Montréalais aux racines haïtiennes arrivait peu après le départ de Leroy Blugh des Gaiters de Bishop’s et rejoignait Gary Waterman chez les X-Men de St. FX parmi les seuls pilotes Noirs sur le grand échiquier du football universitaire canadien. 

« À McGill, c’était quelque chose qui n’avait jamais été fait. C’était assez exceptionnel de pouvoir faire partie de ce groupe d’entraîneurs qui avaient réussi à se rendre au sommet du coaching », repense Hilaire avec fierté. 

À première vue, peu de choses ont changé depuis cette nomination à saveur historique. En 2017, James Colzie III a été nommé à la tête des Huskies de St. Mary’s, portant à seulement trois le total d’hommes noirs en charge de l’un des 27 programmes de football du réseau U Sports. 

Mais bien avant que le monde du sport ne soit frappé par la vague de rectitude politique qui a été soulevée par la récente montée en force du mouvement Black Lives Matter, Hilaire avait décidé de faire sa part pour s’attaquer à cette anomalie. 

« J’ai réalisé que je pouvais faire une différence pour toutes les personnes de couleur qui voulaient potentiellement avoir l’opportunité de se rendre à ce niveau, a-t-il raconté mardi dans une entrevue menée conjointement avec le collègue Didier Orméjuste. Je déteste dire que je pouvais devenir un modèle, parce que tout le monde a ses qualités et ses défauts, mais quelqu’un dont elles pouvaient s’inspirer pour pouvoir continuer à travailler, à enrichir leurs connaissances et à gravir les échelons, à persévérer pour pouvoir un jour accéder à un poste comme celui-là. »

Concrètement, Hilaire a embauché quatre adjoints noirs depuis qu’on lui a confié les clés du programme centenaire de McGill. Joe Hagins, un gagnant de la Coupe Grey avec les Tiger-Cats de Hamilton, est responsable des demis défensifs en compagnie de Daves Dufresne. Corwyn Foster supervise les porteurs de ballon tandis que Cory Watson est en charge des receveurs.  

« À chaque fois que j’ai voulu engager un entraîneur, je ne me suis jamais attardé à la couleur de sa peau. J’ai juste regardé les compétences et ça s’avère que toutes ces personnes les possédaient. Mais c’est vrai que je me suis dit qu’il y avait une opportunité d’aller chercher des gens qui, normalement, n’auraient peut-être pas eu la chance d’être nommés dans une équipe d’entraîneurs. Ils sont maintenant dans la nôtre et ils font une différence. Je suis fier et heureux du staff qu’on a bâti. »  

« Pour moi, la diversité, c’est quelque chose de beau, d’incroyable, enfile le produit des Spartiates du Vieux-Montréal. Je pense que c’est l’une des choses qu’on apprend par le sport. La couleur de ta peau, ça ne dérange pas puisqu’on pousse tous vers un but commun. Je voulais que mon staff ressemble à ça également. Qu’on ait l’opportunité d’avoir toutes les couleurs possibles, de faire en sorte qu’on soit un microcosme de la vraie vie. Quand tu vas embarquer dans le vrai monde, il n’y aura pas juste des personnes blanches, noires ou brunes. Ça va être un melting pot et je veux que notre équipe soit représentative de ce melting pot, chez les entraîneurs comme chez les joueurs. »

Du travail à faire

Cette sensibilité qui forge aujourd’hui la philosophie de Ronald Hilaire lui a été transmise par un chapelet de mentors qui lui ont inculqué très tôt dans son parcours des valeurs humanistes et inclusives. La voie a été pavée par Marc Santerre, « l’ultime player’s coach », au Vieux-Montréal, pour être ensuite entretenue par Turner Gill à l’Université de Buffalo. 

« J’ai été extrêmement chanceux avec l’arrivée de Turner Gill, une personne qui a une grosse croyance en Dieu et qui prône l’importance de la famille. Il a amené des adjoints qui avaient la même vision que lui. J’ai eu la chance d’avoir comme coach de position Vantz Singletary, qui est le neveu de Mike Singletary, l’ancien secondeur des Bears de Chicago. À ce jour, on est toujours des amis, il était à mon banquet de fin d’année l’an dernier. Ça a été plus qu’un coach. Il m’a initié à l’aspect familial du football. »

Hilaire s’est inspiré de cette approche lorsqu’il a lui-même troqué les épaulières pour le casque d’écoute après une brève expérience avec les Stampeders de Calgary. Sa vision humaine, qu’il a su allier à un imposant bagage de connaissances, l’a guidé dans une ascension en accéléré qui est passée par un retour au Vieux-Montréal, puis par une alliance avec Danny Maciocia comme coordonnateur défensif des Carabins de l’Université de Montréal. Il a brièvement occupé le même rôle à McGill, sous Clint Uttley, avant de se retrouver dans le siège qu’il occupe depuis maintenant cinq ans.

« L’aspect humain du sport a toujours été très important pour moi. Je devenais toujours un meilleur joueur quand j’avais d’excellentes relations avec mes entraîneurs. Alors quand je me suis tourné vers le coaching, cette idée de redonner à mon prochain, d’établir une relation avec mon joueur qui m’amènerait à le connaître pour autre chose que ce qu’il pouvait m’apporter sur le terrain – d’où il sort, qu’est-ce qu’il fait, qu’est-ce qu’il veut devenir? – est venue relativement facilement pour moi. »

Cet univers qu’Hilaire idéalise comme un cocon de solidarité et de respect a démontré ses failles au cours des dernières années. Le football, malgré tous les idéaux qu’il véhicule, n’est pas immun au conservatisme têtu et à la peur du changement. Le jeune entraîneur, qui participe activement aux efforts de recherche du prochain nom des équipes masculines à McGill, admet que les récents événements qui ont frappé les États-Unis et dont le monde entier a ressenti les secousses l’ont poussé à la réflexion. 

« Je suis d’accord qu’il y a du travail à faire. On est dans une période où on réalise que beaucoup de choses ont été placées systémiquement à travers la société pour faire en sorte que les personnes de couleur n’aient pas les opportunités qu’elles auraient dû avoir. J’aime croire qu’en 2020, ces choses-là vont changer, mais ça va prendre du travail. Je pense qu’instaurer des stages ou des choses comme ça à l’intérieur du programme, à travers le pays, pourrait être quelque chose d’intéressant pour donner un aperçu à ces gens de ce que la vie pourrait être si elles se rendaient à ce niveau. »

« Il y a toujours du travail à faire dans n’importe quoi, poursuit Hilaire. En ce moment, on le voit à l’échelle globale avec Black Lives Matter. Dans le sport, on voit qu’on pourrait améliorer le ratio de personnes de couleur [dans des postes d’influence]. Il y a du travail à faire, mais personnellement, je suis plus que fier de pouvoir aider dans ce processus-là, de faire en sorte qu’on ait une communauté plus inclusive à l’intérieur du football. »