MONTRÉAL - Un joueur de ligne offensive n’est jamais celui qu’on remarque le plus au football. Mais qu’à cela ne tienne, un bloqueur des Redmen de McGill ne passera pas inaperçu cette année.

Laurent Duvernay-Tardif a fait écarquiller bien des yeux depuis qu’il s’est joint aux Redmen en 2010. Le joueur de six pieds cinq pouces et 305 livres, qui est un étudiant émérite en médecine, a des habiletés physiques hors du commun pour un homme de sa taille.

« Il a du talent comme tu n’en vois pas souvent. En plus d’être brillant, il bouge d’une façon qu’un gars de sa grosseur n’est pas censé bouger », lance le coordonnateur offensif de McGill, Patrick Boies.

L’an dernier, à sa troisième saison de football universitaire, le bloqueur originaire de Mont-St-Hilaire a été nommé sur la première équipe d’étoiles au Canada. Il a également été choisi le joueur le plus utile à l’attaque au gala de son équipe. Il a participé au dernier Défi Est-Ouest qui regroupe les meilleurs espoirs admissibles au repêchage des joueurs canadiens de la LCF l’année suivante.

Lors du Défi Est-Ouest en mai dernier, Duvernay-Tardif a dominé les joueurs de ligne à l’attaque en terminant au premier rang lors des tests physiques. Il a entre autres levé 34 fois la barre de 225 livres, un sommet chez tous les joueurs présents, et a couru le sprint de 40 verges en 5,204 secondes soit le meilleur temps à sa position.

Laurent Duvernay-TardifPlus impressionnant encore, c’était seulement sa deuxième saison à cette position. Il est arrivé comme joueur de ligne défensive avec les Redmen, poste qu’il a continué d’occuper partiellement en 2012 en raison du manque de profondeur de son équipe.

Le produit du Phénix du Collège André-Grasset, alors en troisième division lorsqu’il en était un membre, est également un étudiant accompli en médecine. Le jeune homme de 22 ans a une moyenne académique de 3,9 sur 4,0 et prend ses études très au sérieux. Il a décroché plusieurs bourses dont les deux plus récentes de la part des Alouettes pour son excellence académique et pour le soutien à la réussite académique et sportive.

« Il est l’un des leaders de notre équipe. Il a un talent naturel. Il y a de l’intérêt du côté de la NFL à son endroit et évidemment beaucoup d’attention des dépisteurs de la Ligue canadienne, signale son entraîneur-chef, Clint Uttley. Il a deux vraiment bonnes options pour son avenir : potentiellement être un joueur professionnel ou devenir médecin. »

« Il doit continuer à peaufiner sa technique. Mais comme on dit : "sky is the limit". Il va peut-être même avoir des opportunités aux États-Unis », renchérit Boies.

La pression au rendez-vous

Duvernay-Tardif est bien au courant que les réflecteurs seront dirigés vers lui lors des matchs de McGill cette saison.

« Au début, j’étais très nerveux. Mais le Défi Est-Ouest m’a mis un plus en confiance. De jouer avec tous les meilleurs joueurs au Canada m’a permis de mettre la barre encore un peu plus haute », souligne Duvernay-Tardif.

Avec son emploi du temps très chargé en raison de ses études, le no 66 doit aussi s’adapter rapidement alors qu’il doit parfois s’absenter des entraînements. Comme l’an dernier, le bloqueur à gauche est arrivé au dernier entraînement du camp en raison d’un stage à l’extérieur de la ville.

« Il apprend très vite. L’an dernier, dès le premier match, il dominait les joueurs de ligne défensive et même certains parmi les meilleurs au Canada », estime Boies, qui a lui-même joué de 1997 à 2001 dans le circuit universitaire avec le Rouge et Or.

Laurent Duvernay-Tardif« Je dois réapprendre à jouer en équipe et rebâtir les liens. Il faut se rappeler comment ça fonctionnait avec tes partenaires de ligne. La ligne offensive n’est pas comme être un receveur de passe par exemple. C’est plus un travail d’équipe puisqu’on ne touche pas au ballon », soulève celui qui poursuivra ses études durant la saison morte si jamais il perce dans la LCF.

Conséquence de sa polyvalence et de ses aptitudes, Duvernay-Tardif a été employé parfois sur la ligne défensive durant les deux dernières saisons. Mais son entraîneur assure que son joueur étoile pourra se concentrer sur son rôle à l’attaque en 2013.

Duvernay-Tardif est également un des quatre capitaines des Redmen en compagnie du quart-arrière Jonathan Collin, du demi défensif Zachary Lord et du receveur Yannick Langelier-Vanasse.

« C’est un bon gars pour notre équipe qui donne l’exemple par son attitude et par son éthique de travail. Ça te met en confiance lorsque tu es sur le terrain avec lui. Tu sais qu’il va déplacer des joueurs », mentionne Collin.

Changement de philosophie

Les Redmen de McGill ont accédé aux séries du RSEQ en 2012 pour la première depuis 2006 grâce à une fiche de 3-6. Ils ont remporté deux matchs contre Bishop’s - un par défaut - et leur troisième gain était contre Mount Allison, une université du Nouveau-Brunswick.

Par contre, de 2007 à 2011, la formation qui évolue au Stade Percival-Molson n’a gagné que trois parties, toutes lors de la campagne 2009.

Les Redmen ont longtemps pigé hors du Québec pour remplir leur alignement, ce qui n’a pas amené de succès. Depuis deux ans, la philosophie a changé depuis que Clint Uttley pilote l’équipe.

« McGill devient de plus en plus une équipe francophone. Quand je suis arrivé, il y avait plus d’anglophones que de francophones, raconte le capitaine de la défense, Zachary Lord. Je dirais 60 % d’anglophones contre 40 % de francophones. Maintenant, ce doit être 75 % contre 25 % en faveur des francophones. »

C’est pour cette raison que Uttley a engagé Patrick Boies comme coordonnateur à l’attaque en janvier 2012 puisque celui-ci a une très bonne connaissance du réseau collégial.

« Quand "Coach Uttley" a décidé d’aller chercher Boies, c’était pour avoir une meilleure base de recrutement au Québec et aussi pour connaître les divisions, les équipes et les entraîneurs pour avoir plus d’information sur les joueurs », explique Lord qui a joué pour les Diablos de Trois-Rivières au cégep.

Boies et Lord sont tous deux d’avis que le meilleur football préuniversitaire se joue au Québec. Les joueurs sont également un peu plus vieux et développés physiquement à leur sortie du collégial tandis que dans le reste du Canada les étudiants passent directement de l’école secondaire à l’université.

La mentalité de recrutement a également changé.

« Si tu n’essaies pas de recruter les meilleurs joueurs, tu ne les auras pas. On ne se gêne pas d’aller vers les joueurs qu’on veut. On ne veut pas se contenter des miettes », certifie Boies.

Les Redmen pourront donc compter sur la deuxième vague de ce recrutement renouvelé. Ils ont mis la main sur un des quarts qui était très sollicité, soit Pierre-Luc Dussault qui a évolué avec les Titans de Limoilou.

Collin sera le quart partant cette année, lui qui dispute sa cinquième et dernière année à McGill. Uttley devrait donner un peu de temps de jeu dès cette saison à Dussault pour préparer la relève.

McGill a aussi recruté le plaqueur défensif des Spartiates du Vieux-Montréal, Kadeem Lewis, qui pourra avoir un impact dès cette saison.

Néanmoins, Uttley a encore une formation très jeune sous la main. « Généralement, un programme se bâtit en quatre ans. Nous sommes donc à la deuxième étape de la construction et j’aimerais accélérer le processus le plus possible », conclut-il.