Pier-Olivier Lestage a perdu une occasion en or, mais ce n'est pas fini
Universitaire jeudi, 18 juin 2020. 08:00 jeudi, 18 juin 2020. 11:00MONTRÉAL – C’est un peu comme si la vie avait dit à Pier-Olivier Lestage : « J’ai une très bonne et une très mauvaise nouvelle pour toi. La bonne, tu es tombé dans l’œil d’un réputé entraîneur de ligne offensive avec un bagage de plus 25 ans dans la NFL. La mauvaise, une pandémie te privera d’un précieux camp avec lui et peut-être de la saison menant à ton repêchage. »
Heureusement, les athlètes sont programmés, tout au long de leur parcours, à se concentrer uniquement sur ce qu’ils peuvent contrôler. Cette fois, cette formule répétée ad nauseam se justifie pour éviter à Lestage de déprimer.
À vrai dire, la situation aurait pu être pire. Lestage, un prometteur espoir de ligne offensive, est venu bien près de ne jamais exposer son talent devant l’entraîneur Paul Alexander, qui a été reconnu comme l’un des meilleurs de sa profession, particulièrement grâce à son œuvre de 1994 à 2017 avec les Bengals de Cincinnati.
Le 13 mars, c’est la dernière journée pour laquelle l’accès a été autorisé au CEPSUM. Mais c’est surtout la journée qui a permis à Lestage – et d’autres coéquipiers de la ligne offensive – d’exposer son talent devant Alexander, qui a conclu sa carrière d’entraîneur en 2018.
« Dans un sens, on a été très chanceux parce qu’on a été le dernier arrêt de sa tournée nord-américaine et européenne prévue ce printemps », a convenu Mathieu Pronovost, l’entraîneur de la ligne offensive des Carabins, qui a été à l’origine de la visite de Paul Alexander, son « mentor » au niveau de sa vision de la position.
« Pis, c’est ça, de ce que j’ai compris, je l’ai quand même vraiment impressionné selon ce que Mathieu m’a dit. Évidemment, c’est une grosse, grosse reconnaissance surtout qu’il a dirigé des gars comme Andrew Withworth, des joueurs étoiles dans la NFL », a commenté Lestage avec humilité.
Il transgresserait les principes de la vocation de joueur de ligne offensive s’il se pétait les bretelles. Pronovost peut toutefois dévoiler l’ampleur de l’effet provoqué par Lestage sur Alexander.
« S’il n’y avait pas eu la COVID-19, il aurait été invité au début du mois de mai pour aller s’entraîner avec lui en compagnie de cinq ou six des meilleurs espoirs de la NCAA à cette position pour le repêchage 2021 de la NFL. Il m’a clairement dit : "He’s really good and I’d like to have him with us"», a confié Pronovost.
Ce n’est pas banal quand on sait qu’Alexander a encadré le développement des joueurs de ligne offensive qui ont été repêchés au sommet de leur position dans les deux dernières années. On fait référence à des athlètes comme Andrew Thomas (4e choix en 2020) et Jonah Williams (11e choix en 2019).
« Bien sûr, j’étais super flatté et excité. Mais évidemment, ça n’a pas eu lieu. De pouvoir apprendre d’un entraîneur qui a dirigé des légendes de la ligne offensive, c’est quelque chose d’alléchant », a reconnu Lestage qui espère pouvoir se reprendre éventuellement.
Pronovost peut être fier de son coup. Mais, au départ, il admet que l’idée n’était pas de mettre Lestage en vitrine. Alexander devait plutôt agir en tant que la tête d’affiche d’une clinique d’entraîneurs au CEPSUM. En raison du départ de Danny Maciocia, les Carabins ont décidé d’annuler cet événement puisque son remplacement, Marco Iadeluca, n’aurait été en poste que depuis quelques semaines.
Il aurait fallu être bête pour dire à Alexander de rester chez lui. Ainsi, il a été convenu qu’il s’adressait aux entraîneurs des Carabins – et à quelques joueurs intéressés – tout en organisant quelques exercices pour les joueurs de ligne offensive le lendemain.
« Pier-Olivier a attiré son attention sur les vidéos durant la première journée et il a confirmé ce qu’il avait vu, le lendemain, sur le terrain. Malheureusement, la COVID-19 est venue se mêler de cette belle suite. Mais les choses vont finir par rentrer dans l’ordre et on pourra relancer le tout », a noté Pronovost en précisant que Lestage sera aussi en mesure d’élargir sa visibilité via son agent Sasha Ghavami qui travaille auprès de Laurent Duvernay-Tardif, Antony Auclair, Marc-Antoine DeQuoy et plusieurs autres.
Il n’en demeure pas moins que c’est impossible de bloquer les craintes qui veulent se faufiler dans notre esprit lorsque le spectre d’une saison annulée se manifeste.
À lire également
« Oui, j’en ressens beaucoup, mais j’essaie de ne pas trop y penser. Ça ne sert à rien de le faire présentement. Je pense que c’est un défi mental, c’est un obstacle qu’on ne pouvait pas prévoir. Il n’y a pas tant de positif surtout quand t’es un athlète qui s’entraîne en vue du repêchage. J’essaie quand même de demeurer positif », a avoué ce bon cuisinier et amateur de musique country.
Après tout, ça se comprend puisque Lestage songeait déjà à la NFL et il s’agissait d’une chance en or.
« Ça fait un petit bout que j’y pense. Plus j’ai progressé avec le temps, plus j’ai développé confiance en moi et mon potentiel. Bien sûr, c’est encore à peaufiner! Je ne suis pas en train de dire que je suis le prochain Tyron Smith (un joueur étoile des Cowboys de Dallas). Mais je vois que c’est de plus en plus accessible et que j’ai envie de le faire », a raconté l’athlète de six pieds trois pouces qui désire atteindre 310 à 315 livres.
Au sud de la frontière, l’avenir de Lestage nécessiterait sans doute un déplacement au centre de la ligne étant donné qu’il n’est pas très grand. D’abord bloqueur au niveau collégial, il est devenu très à l’aise comme garde avec les Carabins et il apprend désormais les rudiments de la position de centre.
« Je crois en son potentiel du côté de la NFL parce qu’il est sérieux dans son approche. Certains joueurs se rendent compte trop tard que c’est essentiel. P-O, c’est tout le contraire de ça, il a déjà fait ce choix de vie », a témoigné Pronovost.
Athlétique, explosif et rapide, Lestage détient un autre atout dans son arsenal. Dans le cadre d’une balado organisée par les Carabins, il a été invité à choisir un émoji pour se définir comme joueur et il s’est empressé de sélectionner celui de la « pyramide brune » si on le dit gentiment, un choix qu’il assume.
« J’aime être arrogant sur le terrain et faire mes blocs de manière agressive. Je n’ai pas la langue dans ma poche non plus. À travers les années, je me suis un peu bâti une réputation de bad boy. J’essaie de respecter une certaine limite parce que ça reste du football et on fait ce sport pour s’amuser. Mais je crois que le football devrait se jouer comme ça. À la position à laquelle je joue, je trouve que c’est important d’être agressif », a expliqué Lestage qui a dû travailler sur cet aspect.
« C’est un jeune qui joue de manière très physique et hyper agressive. Il a même eu à effectuer des ajustements de ce côté au début de sa carrière universitaire. Il est très rigoureux dans sa façon de se préparer, mais il aime aussi rire avec ses coéquipiers. Il fait régner un bel environnement dans notre groupe de la ligne offensive, c’est rafraîchissant d’avoir un jeune comme lui dans notre équipe », a cerné Pronovost.
À travers la Ligue canadienne de football, son répertoire est déjà bien connu. Une source d’expérience d’une équipe nous a confirmé qu’il était un candidat de grande qualité pour le prochain repêchage.
« Il est très physique et violent au point d’attaque en plus de terminer ses blocs avec constance. Il est en mesure de maintenir son positionnement en protection de passe et de générer du mouvement sur les courses. »
Difficile de prédire quand pour le moment, mais ce serait étonnant que certaines équipes de la NFL ne lui donnent pas une autre chance de se faire valoir.