Les Redmen de l'Université McGill traînent dans les bas-fonds de la Ligue de football universitaire du Québec, depuis quelques années.

La preuve, c'est qu'ils n'ont remporté que cinq victoires au cours des trois dernières saisons, et que l'an dernier ils n'ont pas remporté un seul match! Disons qu'on est loin de l'équipe qui a été championne de la coupe Vanier en 1987…

Mais avant de porter un jugement sur la qualité des joueurs ou du personnel d'entraîneurs, il faut comprendre que l'équipe est dans une situation bien particulière. Déjà, comme les deux autres universités anglophones du circuit (Concordia et Bishop's), les Redmen ont grandement souffert, au cours des dernières années, du développement accéléré qu'a connu le football dans le milieu francophone. Rappelons qu'il n'y a pas si longtemps, le football était surtout un sport pratiqué par les adeptes de la langue de Shakespeare, au Québec.

Récemment, et spécialement depuis l'arrivée successive des Carabins et du Vert & Or dans la LFUQ, la tâche est beaucoup plus ardue pour une université anglophone d'attirer les meilleurs joueurs francophones de la province. Surtout que l'Université de Montréal est venue empiéter directement dans le bassin de recrutement montréalais, originalement réservé à McGill et Concordia. Et l'Université Sherbrooke a fait exactement la même chose dans les cantons de l'Est, région où Bishop's avait le monopole.

Pour remédier à la situation les trois universités ont dû se tourner davantage vers des joueurs provenant du reste du Canada, ou même des États-Unis. Ça a parfois donné d'excellents résultats, comme ce fut le cas avec Jamall Lee (Bishop's), les frères Donovan (Concordia) ou Erik Galas (McGill), par exemple. Mais en général, les joueurs qui arrivent de l'extérieur du Québec ne sont pas au même niveau que ceux qui sortent du CÉGEP.

En effet, à cause des différences du système académique, et parce que les joueurs québécois jouent généralement trois ans au niveau collégial, une recrue d'une autre province a souvent deux ans de moins qu'une recrue du Québec.

Ça donne parfois des matchs où des hommes jouent contre des adolescents. Ça donne également des rencontres qui se terminent 41-7, ou 45-5…

Dans le cas plus spécifique de McGill, le plus gros désavantage de l'équipe ne se situe pas au niveau de la langue, mais au niveau académique. Car ce n'est pas n'importe qui qui est admis dans cette Université de renom, et les joueurs de football ne font pas exception à la règle.

Ainsi, parmi les meilleurs joueurs de football au pays, seulement quelques uns ont le dossier académique pour être acceptés à McGill. Et ces quelques joueurs se font également recruter par bien d'autres universités.

«C'est frustrant de passer du temps à recruter un joueur qui finit par ne pas être accepté à cause de ses notes, explique l'entraîneur-chef des Redmen Sonny Wolfe. Dans un cas comme ceci, on gaspille le temps du joueur, et on gaspille notre temps à nous.»

«C'est surtout frustrant quand le joueur en question a 87 ou 88 de moyenne générale, mais que ça reste insuffisant pour être admis dans le programme souhaité.»

De nombreuses recrues malgré tout

Malgré des difficultés évidentes, Sonny Wolfe et son équipe ont réussi à recruter près de 40 joueurs, en vue de la prochaine saison. Et de l'avis de l'entraîneur-chef, certains pourraient être appelés à se démarquer assez vite.

«Comme nous n'avons remporté aucune victoire l'an dernier, il est clair que nous avions besoin de renfort à pas mal toutes les positions.»

D'abord, Wolfe cherchait désespérément un botteur. On le comprend, parce qu'en l'absence d'un joueur capable d'effectuer les bottés de précision, son équipe n'a pas tenté un seul placement, l'an dernier! Aucune équipe n'avait réussi pareil exploit depuis les Mounties de Mount Allison, en 1979.

Pour remédier à cette situation, l'équipe a été chercher Austin Anderson, fils du légendaire Gary Anderson qui a joué pendant 24 ans dans la NFL, réécrivant au passage le livre des records à sa position.

En plus d'Anderson, Wolfe semblait particulièrement heureux d'avoir ajouté à son équipe le porteur Taylor Kuprowski, le joueur de ligne offensive Dan McManus et le receveur Gabriel Aubry. Le premier est originaire de l'Ontario, et amènera de la vitesse à sa nouvelle équipe. McManus a remporté le Bol d'Or avec les Cheetahs de Vanier l'an dernier, et du haut de ses six pieds trois pouces et 285 livres, il a le physique de l'emploi. Aubry, quant à lui, évoluait pour les Triades de l'Outaouais et a remporté le prix de l'athlète combinant le mieux sport et études dans son équipe, l'an dernier.

L'entraîneur-chef est également confiant que certains joueurs moins connus vont devenir de très bons atouts pour son équipe, au fil des ans.

«Beaucoup de jeunes ont un très bon potentiel, explique-t-il. Je pense notamment que Charles Peltrop va devenir un excellent joueur pour nous.» Peltrop, un secondeur, a joué son football secondaire pour les Aigles du Collège Jean-Eudes avant d'aller étudier en Ontario.

Wolfe a également souligné les noms du demi-défensif Matt Quigley, de l'ailier défensif Cam Stockman, du secondeur Scott Tiller, et du receveur Jesse Zimmer.

Déceptions

L'une des plus grosses déceptions de l'entraîneur-chef a été de perdre le garde Pierre-Paul Grondin, en raison de ses notes.

«On pensait vraiment que ses notes allaient être assez fortes pour le faire accepter. C'est dommage parce que c'est un joueur qui a fait l'équipe d'étoiles dans le Collégial AAA et c'est sûr qu'il nous aurait beaucoup aidé.»

Grondin ira finalement jouer pour le Vert & Or de l'Université Sherbrooke.

Un autre joueur que l'ancien entraîneur des Carabins voyait dans sa soupe est le botteur William Dion. L'ancien des Cougars de Champlain-Lennoxville a également décidé de poursuivre sa carrière pour le Vert & Or.

Un entraîneur satisfait

En somme, Sonny Wolfe se dit satisfait de sa cuvée 2008. «On n'est jamais satisfait à 100%, mais comme c'était ma première vraie période de recrutement à la barre de l'équipe, je suis content de ce que nous avons fait, affirme-t-il. On a énormément appris, et il y a des erreurs qu'on a faites cette année, qu'on ne refera pas l'an prochain.»

Questionné à savoir s'il trouvait frustrant de recruter avec des contraintes académiques aussi fortes, celui qui a commencé sa carrière d'entraîneur en 1968 avec les Maples Leafs de NDG répond de manière ambivalente.

«C'est sûr que ça nous complique la vie, mais je crois que chaque université a ses forces et ses faiblesses. En même temps, on a tellement à offrir aux jeunes qui viennent chez nous. Nos installations sont incroyables, et au plan académique, McGill est probablement la meilleure université au Canada, et l'une des plus reconnues au monde!»

C'est vrai, mais reste qu'au niveau purement football, les Redmen ont un handicap indéniable par rapport aux autres équipes de la LFUQ. Une chose est sûre, si Sonny Wolfe réussit à faire de son équipe une formation compétitive capable de gagner à chaque match, on devra lui lever notre chapeau!