Le 10 septembre prochain, le club de football du Rouge et Or de l'Université Laval amorcera, contre les Carabins de l'Université de Montréal, sa 11e saison officielle au sein de la Ligue universitaire canadienne. Déjà une décennie de passée. Que retenir de cette première décennie de football universitaire dans la Vieille Capitale ?

Excellence est le premier mot qui vient à l'esprit. Retournez dix ans en arrière. Quand le Rouge et Or a amorcé son existence (première saison hors-concours en 1995 et première saison officielle en 1996), le club avait des ressources limitées, probablement aussi limitées que les ambitions des partisans.

Qui, parmi les quelque 6000 personnes qui ont assisté au tout premier match de l'histoire contre les Redmen de McGill, aurait parié un "p'tit deux" que le Rouge et Or allait devenir cette redoutable machine de football? Qui aurait parié un "p'tit deux" que le Rouge et Or attirerait les des foules records semaine après semaine? Qui aurait parié un "p'tit deux" que le Rouge et Or allait remporter la coupe Vanier à trois reprises en dix ans? Bref, qui aurait parié que le Rouge et Or deviendrait une référence et un standard à atteindre à travers le pays?

Probablement pas grand-monde. Peu de gens sauf les dirigeants de l'équipe. Avant même que le Rouge et Or ne dispute son premier match, les attentes étaient déjà très élevées dans les bureaux du PEPS. On rêvait déjà à la victoire, à la coupe Vanier. Bref, déjà on voyait grand.

Ceux qui étaient là lors des premières heures n'ont pas peur de le dire : « À l'époque, on voulait que le programme devienne le meilleur au Canada et gagner la coupe Vanier en l'espace de cinq ans. C'était notre vision dès le départ», affirme le directeur du service des activités sportives, Gilles d'Ambroise.

Rien de moins. Gagner, ce n'était pas assez. Il fallait gagner le plus rapidement possible et devenir les meilleurs. Pour reprendre une expression sacrée au Québec : « Think big, st… ».

« On voyait ce qui se faisait aux États-Unis dans la NCAA et c'est ce qu'on voulait. On voulait créer un vrai happening, un sentiment d'appartenance fort et faire de notre club de football une locomotive pour faire la promotion des autres équipes de l'université. Pour que notre plan fonctionne, il fallait gagner. »

Ambitieux et arrogants, les dirigeants du Rouge et Or ?

« Il y avait beaucoup de scepticisme dans le milieu du football au Québec. On nous disait que nos objectifs étaient irréalistes parce que, au Québec, il faut l'avouer, le football n'était pas aussi populaire que le hockey. C'est vrai que la tradition n'est pas la même. C'est justement ce qui nous a poussés à travailler encore plus fort. »

« Mais on savait où on s'en allait. Nous étions les premiers sur ce terrain. Nous savions que nous serions les seuls à piger dans le bassin des joueurs francophones. C'était un terrain vierge… un gros plus pour nous », ajoute M. d'Ambroise.

Des victoires à la tonne

Et les résultats sur le terrain n'ont pas fait mentir les dirigeants bien longtemps. Après deux saisons normales d'adaptation (1-7 en 1996 et 3-5 en 1997), le Rouge et Or a collectionné les victoires.

Depuis que le Rouge et Or a officiellement joint les rangs du circuit canadien, il a conservé une fiche de 55 victoires et 25 défaites. Même si, dans ce dossier, on tient compte des saisons 1996 et 1997, le Rouge et Or a revendiqué la deuxième meilleure fiche au pays. La seule équipe ayant réussi à faire mieux que Laval : les Huskies de la Saskatchewan. Cette formation, qui a vu le jour dans les années 1920 et qui, contrairement au Rouge et Or, avait de solides bases au milieu des années '90, a, au cours de la même période, maintenu une fiche de 57-23.

De 2000 à 2005, Laval a conservé une fiche de 41-7. Encore une fois, c'est bon pour la deuxième meilleure fiche au pays. Quelle équipe a réussi à faire mieux que le Rouge et Or au cours de cette période ? Les Marauders de McMaster et leur dossier de 42-5-1 en saison régulière. C'est une victoire de plus en saison, mais le Rouge et Or est allé chercher cette victoire de différence en novembre 2003 à McMaster avant de remporter sa première de deux coupes Vanier consécutives.

Depuis 2003, aucune formation n'a remporté plus de matchs en saison que le Rouge et Or, Laval détenant une fiche de 22-2, tout comme la Saskatchewan et Laurier.

Record après record

D'autres chiffres prouvant l'excellence du Rouge et Or ? D'accord, mais que les autres équipes se le tiennent pour dit, dans cette catégorie, rien ne s'approche du Rouge et Or. Vous me voyez peut-être venir… oui, les assistances.

Depuis cinq ans, le Rouge et Or établit des standards pratiquement inatteignables pour les autres institutions en ce qui a trait aux assistances.

Entre 1995 et 1997, le Rouge et Or a attiré en moyenne 3500 spectateurs. Pour les trois saisons suivantes, on constate une augmentation d'environ 2500 amateurs par match (5174 en 1998, 7672 en 1999 - avec une première foule supérieure à 10 000 personnes, 12 242 contre la Saskatchewan en demi-finale canadienne -, et 10 115 en 2000).

Depuis la saison 2001, le PEPS n'a jamais accueilli une foule inférieure à 10 000 personnes. Incroyable mais vrai, le PEPS a accueilli plus de 10 000 personnes lors des 30 derniers matchs du Rouge et Or ! Lors de cette séquence, on a accueilli une foule supérieure à 15 000 personnes à 14 reprises !

La meilleure moyenne annuelle : 15 889 personnes en 2004. Le record pour un seul match : 19 200 spectateurs pour le match d'ouverture 2005 contre les Redmen.

Ah oui, j'oubliais de rappeler que le PEPS compte 10 200 sièges!

Autant en 2004 qu'en 2005, Laval revendique les 5 meilleures foules de la saison régulière au Canada. En 2003, c'est un peu moins bien : seulement les 4 meilleures foules de la saison !

Au cours de cette période, on compte seulement 5 foules supérieures à 10 000 personnes au Canada en saison régulière : deux fois à McMaster (12 646 et 11 015), deux fois à Western (10 788 et 10 120) et une fois à Queen's (10 818).

« Encore là, c'est un travail de longue haleine. Notre plan était d'attirer autant les étudiants au stade que les gens de la grande région de Québec. Grâce à notre travail auprès des partenaires privés, on a réussi à tisser un réseau de contacts assez incroyables afin que tout le monde à Québec s'identifie au club. Bien humblement, nous estimons avoir relevé le défi. Je suis très fier de notre modèle de développement. On peut maintenant dire que le Rouge et Or est maintenant l'équipe de toute une région », poursuit M. D'Ambroise.

La reconnaissance des pros

Mais si le Rouge et Or obtient autant de succès sur le terrain que dans les estrades, il en récolte encore plus dans un autre aspect plus important que les victoires et les foules records : la reconnaissance des professionnels.

Depuis 1998, le Rouge et Or a vu un impressionnant total de 21 joueurs être repêchés. Cette année-là, alors que Laval venait de disputer sa troisième année dans le circuit canadien, deux joueurs du Rouge et Or ont été repêchés par une équipe de la Ligue canadienne de football : le demi-défensif Bernard Gravel et le secondeur Francisco Pepe-Esposito, tous deux par les Lions de la Colombie-Britannique.

Depuis, 19 joueurs ont été repêchés par les pros. André Trudel et Pascal Chéron en 1999, Benoit Meloche et Jean-Vincent Posy-Audette en 2000, Alexandre Gauthier et François Boulianne en 2002, Carl Gourgues et Mathieu Bertrand en 2003, Frédérick Tremblay, Pascal Masson et Martin Gagnon en 2004, Miguel Robédé, Mathieu Proulx, Philippe Audet, Phillip Gauthier et Pierre Tremblay en 2005, Dominic Picard, Jean-Philippe Abraham et Nicolas Bisaillon.

Du lot, deux joueurs sélectionnés au tout premier rang du repêchage : Gauthier et Robédé. Aucune autre université canadienne ne peut revendiquer tel exploit au cours de la même période.

Autre fait à noter, les cinq athlètes repêchés en 2005 l'ont été lors des deux premières rondes. Un accomplissement qu'aucune institution n'est passée près d'égalité depuis l'arrivée du Rouge et Or dans le circuit.

En faisant le calcul auprès de toutes les universités, on constate qu'une seule équipe, depuis 1998, a vu plus de ses prospects être choisis par la LCF : les Bisons du Manitoba, une formation qui existe depuis 1922. Un grand total de 22 joueurs des Bisons ont été repêchés. Toutefois, en analysant l'encan amateur, on constate que seulement 4 des 22 joueurs des Bisons ont été repêchés lors des trois premières rondes. En contre-partie, 11 joueurs du Rouge et Or ont été repêchés lors des trois premiers tours. C'est presque le triple.

Des chiffres qui font grandement plaisir à Glen Constantin.

« Les dirigeants des équipes de la LCF me disent qu'ils choisissent nos joueurs pour deux raisons. Premièrement, les joueurs québécois sont plus matures en terminant l'université car ils sont passés par le réseau collégial. Ils sont plus vieux et ils sont encadrés depuis plus longtemps », explique Constantin.

« Deuxièmement, nos joueurs sont très bien préparés. Jouer pour le Rouge et Or, c'est se consacrer au football 12 mois par année. La préparation physique est primordiale pour nous. On regarde beaucoup ce qui se fait aux Etats-Unis pour la préparation des joueurs. Les entraînements sur le terrain y sont tout aussi exigeants. On a également les moyens d'amener nos joueurs en Floride pour un camp de préparation au cours de l'hiver. Dans cette optique, j'estime, sans vouloir dénigrer le travail de quiconque, qu'ils sont peut-être plus prêts que ceux des autres universités à affronter la Ligue canadienne », lance Constantin, un sourire en coin.

Outre cette préparation à l'américaine, qui favorise grandement l'endurance des joueurs du Rouge et Or en fin de match, les protégés de Glen Constantin bénéficient également d'un large réseau de contacts à travers le Canada.

Danny Maciocia, l'actuel entraîneur-chef des Eskimos d'Edmonton, connaît bien les joueurs du Québec, lu qui est également le pilote d'Équipe Canada lors du Championnat mondial junior de la NFL. Le coordonnateur défensif de Maciocia : hé oui, Glen Constantin.

N'oublions pas aussi le camp d'évaluation du Rouge et Or tenu au début du printemps au PEPS, un camp unique au Canada où sont invités plusieurs recruteurs et dirigeants de la Ligue canadienne….

… et le Défi Est-Ouest tenu cette année au PEPS en mai, match auquel ont participé quatre représentants du Rouge et Or.

Le mot d'ordre est clair : il faut montrer les joueurs le plus souvent possible. Plus les joueurs seront scrutés et exposés, plus leurs chances d'être repêchés augmentent. Et qu'est-ce qui se passe quand on aime un produit ? On en redemande…

Et ainsi tourne la roue