On avait droit à une finale entre deux des plus belles organisations du football universitaire canadien. Mais avec une victoire de 44-21 aux dépends des Mustangs de l'Université Western Ontario, le Rouge et Or n'a laissé aucun doute possible.

S'il y a plusieurs très bonnes équipes au pays, il n'y a qu'une seule superpuissance. Désormais, on peut même parler d'hégémonie lavalloise.

Les joueurs de Glen Constantin ont démontré pourquoi, en réécrivant le livre des records de la coupe Vanier. Du coup, ils remportent le cinquième championnat canadien de leur courte histoire, et leur quatrième en six ans!

Trop forts

Multipliant les gros jeux, l'offensive a été beaucoup trop explosive pour les Mustangs, qui ont accordé des touchés de 63, 74, 82, et 92 verges! De son côté, la défensive a su créer sa part de revirements, limitant l'offensive en blanc et mauve à sa deuxième moins bonne performance de la saison.

Si l'offensive et la défensive ont joué un excellent match, c'est sur les unités spéciales que la partie s'est jouée. Alors que la marque était de 13-0 et que rien n'était encore joué, Julian Feoli-Gudino a retourné un botté de dégagement sur 74 verges, pour inscrire un superbe touché, qui donnait une avance de 20 points à son équipe. Après ce jeu, les Mustangs n'ont plus jamais été dans le coup et, après deux touchés de plus de 80 verges, inscrits par Feoli-Gudino et Mathieu Bouvette, le pointage était de 34-7 en faveur du Rouge et Or. Puis, une course de 63 verges de la révélation de l'année, Sébastien Lévesque, et c'en était vraiment fini de la troupe de Greg Marshall. Score final : 44-21.

Il faut parler de la défensive, qui même si elle a accordé son plus haut total de points de la saison, a encore une fois joué un fort match. Contre une excellente offensive, dirigée de main de maître par son quart Michael Faulds, l'unité a une fois de plus tiré son épingle du jeu. La ligne défensive a réussi à mettre beaucoup de pression sur Faulds, le rabattant au sol derrière sa ligne à quatre reprises. De plus, elle a complètement enrayé le jeu au sol des Mustangs, qui se sont donc tournés vers une offensive complètement unidimensionnelle et, par le fait même, beaucoup plus facile à arrêter.

Surtout avec une tertiaire comme celle du Rouge et Or, une unité qui n'a pas tellement fait parler d'elle cette saison, mais qui a joué du football de très grande qualité. On a particulièrement aimé le travail d'Alex Surprenant, de Jonathan Laliberté, et de Dominique Noël, qui ont tous changé l'allure du match à leur manière. Surprenant avec une interception retournée profondément en zone adverse, Laliberté avec un échappé provoqué, alors qu'il est arrivé à pleine vitesse avec son casque directement sur le ballon, et Noël avec ses nombreux solides plaqués.

Petits détails

Bizarrement, la plus grande différence entre les deux équipes n'a pas semblé être au niveau du talent brut, du gabarit, ou encore de la stratégie déployée par les entraîneurs. C'est plutôt sur les petits détails fondamentaux, que Laval possédait l'avantage le plus net. Signe d'une équipe extrêmement bien dirigée, les joueurs semblaient toujours accomplir leur responsabilité, plutôt que de vouloir sans cesse réussir le gros jeu; ils semblaient toujours prendre le bon angle de poursuite, de manière à ce que le porteur de ballon se retrouve avec une mer de joueurs rouges autour de lui. Du côté des Mustangs, on a vu beaucoup de plaqués ratés par des joueurs qui ont tenté d'arracher la tête du joueur adverse plutôt que d'y aller d'un plaqué sûr.

Voilà toutes des choses qui sont enseignées dès l'école secondaire, et on prend souvent pour acquis qu'au niveau universitaire, tout ceci est bien assimilé. Mais bien souvent, ce sont ces petits détails qui font la différence. On en a eu la preuve, samedi.

Après avoir vu la défensive de Calgary se faire découper en morceaux lorsqu'elle jouait de la couverture homme-à-homme, en demi-finale, on croyait que les entraîneurs des Mustangs avaient pris des notes. Mais encore une fois, sur les deux plus longs touchés par la passe, Benoît Groulx a reconnu qu'il s'agissait de couverture homme-à-homme, et il a fait payer ses adversaires. La première fois, sur une double feinte de Julian Feoli-Gudino qui a facilement distancé sou couvreur, terminant sa course 82 verges plus loin, dans la zone des buts. La seconde, sur une passe de 92 verges où Mathieu Bouvette a réussi à briser plusieurs plaqués, pour ensuite filer jusque dans la zone payante. C'était d'ailleurs le plus long jeu de l'histoire de la Coupe Vanier.

Hégémonie lavalloise

La victoire du Rouge et Or amène à se poser plusieurs questions sur la santé de la ligue de football universitaire canadienne. C'est bien beau que le calibre de jeu augmente d'année en année, mais si on sait d'avance qui va gagner, comme c'est pratiquement le cas actuellement, le spectacle perd de son intérêt. C'était le cas en Forumule 1, il y a quelques années, quand Michael Schumacher et sa Ferrari étaient tout simplement dans une ligue à part. C'était le cas, également, quand on n'avait même pas à se demander si Roger Federer allait gagner, alors qu'il enchaînait les victoires en Grand Chelem avec la régularité d'une montre suisse réglée au quart de tour.

Il n'est pas normal de voir la même équipe remporter six fois d'affilée le championnat de sa conférence. Il est encore moins normal que durant cette période, elle ait été couronnée championne canadienne à quatre reprises.

On ne peut certainement pas blâmer le Rouge et Or pour cette domination. L'équipe gagne continuellement, mais elle gagne avec classe, en augmentant chaque année son niveau de jeu. De fait, elle force les autres équipes à s'améliorer continuellement, pour espérer réduire l'écart qui les sépare de Laval.

Mais le problème, justement, c'est qu'on a l'impression que le Rouge et Or continue de s'améliorer plus rapidement que les autres équipes, creusant un peu plus le fossé, chaque année.

The rich get richer, comme ils disent…

Domination québécoise

Gerry McGrath, entraîneur-chef des Sitngers de Concordia, affirmait que si son équipe avait battu le Rouge et Or, lors de la coupe Dunsmore, elle aurait réussi à mettre la main sur la coupe Vanier.

À voir l'opposition que Laval a reçue, contre Calgary et Western, on ne peut s'empêcher de penser comme lui. Force est d'admettre que le match le plus difficile que les champions auront eu à jouer, cette saison, c'est contre les Stingers.

Voilà qui prouve, encore une fois, que le meilleur football au pays se joue dans notre belle province. Bien sûr qu'il y a de bonnes équipes ailleurs au Canada. Mais il n'y a aucune conférence, actuellement, où le calibre est aussi fort qu'au Québec. C'est dommage pour des équipes comme Concordia, Montréal ou même Sherbrooke, qui auraient probablement pu sortir gagnants de leur conférence à quelques reprises, lors des dernières années, s'ils jouaient ailleurs au pays.

On se dit que comme il y a de plus en plus de bons joueurs qui sortent des rangs collégiaux, le talent va finir par se répartir, et qu'une belle parité va un jour s'installer dans la ligue québécoise. Mais pour l'instant, les meilleurs joueurs veulent jouer pour la meilleure équipe, avec les résultats qu'on connaît. Peut-on vraiment leur en vouloir?

Encore meilleurs l'an prochain?

Le plus épeurant dans tout cela, c'est que le Rouge et Or perdra très peu de joueurs, pendant la saison morte. De fait, l'édition 2009 pourrait être encore meilleure que celle qui vient de remporter la Coupe Vanier avec une facilité déconcertante. Des joueurs comme Matt Leblanc, Steve Landry, Mathieu Parent, Luc Brodeur-Jourdain, Vincent Turgeon et Laurent Lavigne-Masse ont terminé leur carrière universitaire, et leur départ se fera sentir, mais aucun d'entre eux n'est irremplaçable. La ligne offensive ne sera sûrement pas aussi dominante que cette saison, alors que trois de ses membres se sont retrouvés sur la première équipe d'étoiles canadienne, et que deux de ceux-ci ne seront pas de retour (Brodeur-Jourdain et Turgeon). Mais avec le joueur par excellence au pays, Benoît Groulx, de retour pour une cinquième année, l'offensive devrait encore une fois faire tourner bien des têtes.

On a spécialement hâte de voir si les porteurs Sébastien Lévesque et Maxime Béland seront en mesure de prendre l'attaque au sol sur leurs épaules pour une saison complète. En défensive, si Étienne Légaré revient pour une cinquième saison, la ligne va encore une fois être l'une des forces de l'équipe, tandis que la tertiaire, qui reste pratiquement inchangée, continuera son excellent travail.

Et ce qu'il y a de plus important, c'est que Glen Constantin et son équipe d'entraîneurs seront de retour, fidèles au poste. Tant qu'ils seront en place, on risque de revoir le Rouge et Or en finale canadienne assez souvent.