Il est difficile d’ébranler David Foucault. Le colosse de six pieds sept pouces et de plus de 300 livres lève rarement les yeux devant l’adversaire sur la ligne de mêlée. Cependant, il était soumis à un stress intense il y a quelques jours. Il venait d’accepter de participer au mini-camp des recrues des Panthers de la Caroline.

« Durant la semaine, mon attitude avait changé, affirme Foucault. J’étais stressé et mes parents et amis me le faisaient remarquer. »

Un jeune joueur de football québécois qui affirme vouloir évoluer dans la NFL peut parfois faire sourire tellement il y en a peu. Et pourtant, Foucault était à quelques jours de réaliser le rêve, signer un contrat avec une formation du meilleur circuit de football au monde.

Le joueur de ligne offensive se rappelle de ses premiers pas avec les Diablos de La Prairie, dont il est aujourd’hui un ambassadeur. « J’ai tout de suite aimé ça le football, dit celui qui a fait ses débuts à l’âge de 12 ans. C’était le rêve de tous les gars de jouer dans la NFL. C’est à ces joueurs qu’on se compare. Ce sont nos modèles. »

Un camp des plus exigeants

Bien que Foucault ne sût pas à quoi s’attendre à son arrivée à Charlotte, son histoire avait traversé la frontière avant lui. Un physiothérapeute des Panthers, Jean-Baptiste Laporte, avait déjà travaillé avec lui au niveau collégial, chez les Lynx du Cégep Édouard-Montpetit, et avait déjà parlé de lui à quelques membres de l’organisation.

« Des joueurs vedettes comme le quart-arrière Cam Newton et le centre Ryan Kalil sont venus me parler. Ils m’ont posé des questions, dit celui qui est né à Lasalle, mais qui a grandi et habite toujours à La Prairie. Plein de joueurs réguliers venaient s’entraîner pendant notre camp des recrues. Je ne pensais jamais être accueilli de la sorte. »

Dès son arrivée dans l’organisation des Panthers, Foucault a vite compris que la réalité d’une équipe professionnelle est bien différente de ce qu’il a connu auparavant. La veille du début du camp, il devait apprendre un tout nouveau livre de jeux. Après la rencontre de groupe, il a étudié et fait des devoirs de 21h à 1h du matin. Le lendemain, il devait être sur le terrain dès 7h.

« Je n’ai jamais étudié comme ça !, lance en riant celui qui est étudiant en criminologie à l’UdeM. Les entraîneurs veulent que l’on apprenne les jeux rapidement. Sur le terrain, c’est certain que la vitesse est là. J’essayais de faire le moins d’erreurs possible pour bien paraître. J’y allais toujours à fond, même si je faisais une erreur. Je m’assurais au moins de ne pas la faire deux fois. »

Un passage marquant chez les Carabins

Bien qu’il soit à l’aise à cette position, David Foucault ne joue du côté offensif que depuis trois ans. Lorsqu’il s’est joint aux Carabins en 2010 après un séjour de quatre ans chez les Lynx du Collège Édouard-Montpetit, il était un joueur de ligne défensive. À son arrivée en poste chez les Bleus en tant qu’entraîneur-chef à la fin de l’année 2010, Danny Maciocia a vu le potentiel de son nouveau protégé.

« Nous lui avions suggéré de faire ce changement, se rappelle Maciocia. Je croyais qu’il avait une possibilité de gagner sa vie avec le football en changeant de position. Il a le potentiel de s’établir dans cette ligue si une équipe souhaite investir temps et argent sur un joueur avec de telles capacités physiques et mentales.

« Comme organisation, on veut aider nos joueurs à gagner leur vie avec le football si c’est leur souhait. Le parcours de David démontre que nous sommes capables de les développer et que nos contacts dans le milieu nous accordent de la crédibilité. C’est sans contredit un grand moment pour l’équipe de football des Carabins. »

« C’est à l’université que le football a commencé à être sérieux avec toutes les réunions, les entraînements. À partir de ce moment, jouer chez les pros est devenu mon but, souligne Foucault. Danny m’a dit qu’il croyait en mes chances et j’ai mis les efforts. »

Défaire sa valise

Foucault a passé pratiquement plus de temps aux États-Unis qu’à la maison depuis le début de l’année. Il vit à un rythme d’athlète professionnel depuis janvier. Il s’est entraîné six jours par semaine au complexe sportif d’Athletic Edge Sports à Bradenton, en Floride. Il s’est ensuite démarqué lors du camp régional de la NFL à Tampa Bay pour ensuite obtenir une invitation au super camp régional de Détroit en avril dernier.

Avant de quitter le Québec, son agent lui recommandait de n’amener qu’une valise et d’en préparer une deuxième à envoyer en cas de succès. Foucault a fait fi de cette recommandation et a tout emporté dès le départ et il a gagné son pari. Il a appris qu’il signait un contrat, deux jours après son arrivée. Cependant, c’est lorsqu’il a appris la nouvelle à ses parents qu’il a ressenti l’ampleur de sa réussite.

« Nous sommes très étourdis par cette nouvelle, a dit sa mère Andrée Perrault quelques jours plus tard. C’est le rêve de notre fils, mais pour nous, ça semblait inaccessible. Nous avons toujours cru en son talent, mais il n’a jamais gagné de trophée ou reçu d’honneur. Il a fait tant de sacrifices et il est déterminé. Nous sommes convaincus qu’il va faire l’équipe. »

Foucault devient le deuxième athlète de la famille à atteindre un circuit professionnel majeur. Son cousin Joël Perrault a joué 96 matchs dans la Ligue nationale de hockey de 2005 à 2011, principalement avec les Coyotes de Phoenix. « Nous avons de bons gênes, a ajouté Mme Perrault en riant. Ces jeunes nous font vivre des émotions extraordinaires. »

Malgré le succès, David assure qu’il restera le même, avec la même générosité. « Je ne vais pas changer, dit celui qui a obtenu son premier emploi à Jeunesse au soleil, où il a travaillé pendant trois ans. J’ai toujours la passion et même si j’ai signé un contrat, je dois continuer de travailler fort, il y a encore plusieurs étapes à franchir. »

Il lui reste effectivement beaucoup à faire durant son séjour en Caroline du Nord, mais Foucault devra encore utiliser sa valise. Il reviendra au Québec à la mi-juin, pour ensuite repartir en juillet pour participer au camp d’entraînement des Panthers.

L’entraîneur-chef des Panthers Ron Rivera croit en son potentiel. « Il est athlétique et il semble bien comprendre les tactiques que nous voulons lui enseigner, a-t-il dit via un communiqué de la formation. Il est très intrigant pour nous. »

Un pied dans la LCF

Quelques jours avant son arrivée en Caroline, David Foucault avait déjà vécu de grandes émotions. Les Alouettes de Montréal en ont fait leur tout premier choix lors de la séance de repêchage de la Ligue canadienne de football (LCF), le cinquième au total. Entouré de ses parents et amis, Foucault a levé le poing au ciel lorsqu’il a appris par téléphone qu’il était sélectionné.

Avec son coéquipier Antoine Pruneau, choisi tout juste devant lui par le Rouge et Noir d’Ottawa, ils devenaient les premiers joueurs de l’histoire des Carabins à être choisis en première ronde de la LCF.

« C’était une journée historique pour les Carabins et je suis très fier de faire partie de ça, a dit le jeune homme de 25 ans. Je suis vraiment excité de faire partie des Alouettes. C’est l’équipe de mon enfance. Mon père m’amenait les voir quand j’étais jeune. »

La porte des Alouettes lui est donc toujours ouverte si son aventure dans la NFL devait se terminer plus tôt que prévu.

Un rare étudiant-athlète québécois dans la NFL

Les joueurs de football québécois ont très peu de modèles dans la NFL. Une semaine avant le repêchage de la LCF, Laurent Duvernay-Tardif, des Redmen de McGill, a été sélectionné par les Chiefs de Kansas City. Avant lui, le dernier Québécois sélectionné avait été Randy Chevrier en 2001, également de McGill.

Foucault est le premier joueur de l’histoire des Carabins à signer un contrat avec une organisation de la NFL. Et il est seulement le deuxième Québécois développé dans une université francophone de la province à suivre ce parcours, l’autre étant Samuel Giguère, un ancien du Vert & Or de Sherbrooke.

« C’est tout un exploit que vient d’accomplir David, souligne Danny Maciocia. Après seulement deux jours d’entraînement, les Panthers ne voulaient pas le laisser partir sans lui faire signer un contrat. Il a travaillé très fort et beaucoup de gens de notre organisation ont travaillé sur ce dossier avec son agent afin de le placer dans une situation où il pourrait réussir. Nous sommes évidemment très heureux pour lui. »

Foucault a tout de même retrouvé l’un de ses compatriotes en Caroline, alors que l’Albertain et ancien des Dinos de Calgary Linden Gaydosh fait également partie de la formation des Panthers. « On se comprend bien, dit Foucault. Il est passé par le même parcours lui aussi. »

C’est maintenant au tour de David Foucault de servir de modèle. Il peut inspirer les joueurs qui évoluent au sein d’un programme universitaire québécois, mais aussi tous les jeunes du football mineur qui ouvrent grands les yeux devant le spectacle de la NFL.