Dernier club à confirmer sa place en séries éliminatoires, voilà que le Canadien est le tout premier à accéder au carré d’as de la LNH.

Ironique vous dites?

Certainement que je réponds. J’ajouterais toutefois que ce grand renversement de situation illustre plutôt à merveille la saison marquée de hauts très hauts et de bas très bas que le Canadien a vécus et a fait vivre à ses partisans depuis janvier.

En balayant les Jets de Winnipeg en quatre parties expéditives, le Canadien signe une grande victoire : celle de se retrouver avec les champions des trois autres divisions. Une présence surprenante sans doute un brin, mais une présence pleinement méritée.

Contre toute attente et alors que partisans et observateurs étaient prêts à raser le Centre Bell pour en construire un tout neuf et l’occuper avec de nouveaux dirigeants, un nouveau coach et de nouveaux joueurs, le Canadien a su trouver les moyens d’auréoler les performances sensationnelles de Carey Price devant le filet en première ronde en lui offrant finalement l’appui dont il avait besoin pour d’orchestrer la remontée gagnante aux dépens des Maple Leafs. Après cet exploit dont le Tout-Toronto ne s’est pas encore remis et dont on parlera encore bien longtemps aux quatre coins de la LNH, le Canadien a su contenir une équipe forte à l’attaque tout en profitant de ses terribles lacunes en défensive pour éclipser des Jets.

À part quelques poussées ici, quelques étincelles là, les Jets n’ont jamais été dans le coup. Dans la défaite, Blake Wheeler a déploré la perte de Mark Scheifele. Il a aussi convenu que lui et ses coéquipiers n’avaient pas joué à la hauteur de leur potentiel. Il a également louangé la grande qualité du jeu offert par le Canadien.

« Perdre l’un des 10 meilleurs joueurs de la Ligue nationale a fait très mal, car Mark nous rend tous meilleurs quand il est sur la patinoire. Je ne suis pas en train de dire que nous aurions battu le Canadien si Mark avait été là, mais nous aurions été meilleurs. Nous avons été incapables de trouver notre rythme dans cette série. On a une part du blâme à assumer. Mais il faut aussi ajouter que le Canadien a joué du hockey tellement exceptionnel et que leur gardien a été tellement dominant qu’ils ne nous ont pas donné la chance de trouver notre rythme », a témoigné le capitaine des Jets qui ont été balayés après avoir joué le même tour aux Oilers d’Edmonton en première ronde.

Cette accession au carré d’as est aussi le triomphe de Marc Bergevin. Et le mot triomphe n’est pas trop fort.

Critiqué sur tous les fronts, le directeur général peut maintenant brandir la bannière de champion de la division canadienne pour confirmer que les décisions qui lui ont valu d’être presque quotidiennement lapidé de critiques sur la place publique étaient peut-être les bonnes après tout. Au grand désespoir de ses nombreux détracteurs qui, à l’image de ceux de Price, devront se taire pendant un certain temps, et attendre les prochaines contre-performances du gardien – oui ça arrivera – et les prochains passages à vide de l’équipe – car oui il y en aura aussi – pour revenir à la charge.

Les détracteurs fourbissent leurs armes en souhaitant que le Canadien soit ramené sur le plancher des vaches en troisième ronde par l’Avalanche du Colorado ou les Golden Knights de Las Vegas. Deux clubs qui sont beaucoup plus forts que le Canadien il est vrai.

Mais peu importe ce qui arrive lors de la prochaine ronde, peu importe le fait que la division canadienne était la plus faible des quatre divisions remodelées par la LNH en raison de la Covid, il n’en demeure pas moins que c’est le Canadien qui en sort champion.

Même Gustafsson donne raison à Bergevin

À l’exception de Price et Brendan Gallagher, tous les joueurs qui ont contribué à l’ascension du Canadien au sein du carré d’as ont été repêchés, acquis ou embauchés par Bergevin.

Mais comme c’est Bergevin qui est allé « All In » en faisant de Price son plus haut salarié et l’un des 13 joueurs de la LNH empochant au moins 10 millions $ de la masse salariale totale de leur club respectif, et comme c’est lui qui a pris le pari d’offrir une prolongation de contrat de six ans et 39 millions $ à Gallagher pour le garder à Montréal, on peut vraiment dire que le club qui se retrouve au sein du carré d’as est le club de Marc Bergevin.

On comprend mieux pourquoi le directeur général affichait un large sourire de satisfaction en célébrant avec émotion la victoire de lundi. En félicitant un à un tous les joueurs qui défilaient devant lui en sortant de la patinoire pour se rendre au vestiaire.

Tyler Toffoli qu’il a embauché à titre de joueur autonome l’été dernier a marqué le but qui a permis d’éliminer les Jets en tout début de prolongation lundi. Avec ses quatre buts et 10 points, Toffoli domine le Canadien depuis le début des séries.

Nick Suzuki qu’il a acquis des Golden Knights dans le cadre de la transaction qui a chassé de Montréal l’ancien capitaine Max Pacioretty s’est fait complice de deux des trois buts du Tricolore lundi, dont celui de la victoire. Ses huit points le placent au deuxième rang derrière Toffoli.

Cole Caufield qu’il a repêché n’a pas encore marqué en séries. Mais ce n’est pas faute d’avoir essayé comme le confirment ses 22 tirs obtenus en neuf matchs. Et bien qu’il n’ait pas encore trouvé le fond du filet, Caufield a impressionné par sa vitesse, sa combativité et l’ensemble de son talent. C’est d’ailleurs lui qui a servi la passe parfaite qui a permis à Toffoli de tirer dans une cage déserte lundi. C’est également Caufield qui s’était fait complice du but en prolongation de Suzuki qui a permis au Canadien de gagner le cinquième match de la série contre les Leafs et d’amorcer une remontée que personne, ou presque, ne voyait venir à Toronto, dans le reste du Canada et aussi un peu à Montréal...

Moins spectaculaire que Caufield, moins dominant que Suzuki, Jesperi Kotkaniemi a non seulement connu des séries intéressantes après avoir suivi le premier match des gradins. Un coup de fouet dont il avait peut-être besoin pour se secouer un brin. Mais KK a aussi et surtout profité de la deuxième ronde pour prouver à ceux qui en doutaient et à ceux qui avaient jonglé avec cette idée – je faisais partie du groupe – que le Canadien a peut-être bien fait de ne pas l’échanger aux Blue Jackets afin d’obtenir Pierre-Luc Dubois. Il faudra encore des années avant d’obtenir les bases de comparaisons nécessaires pour arriver à une conclusion juste et définitive dans ce dossier, mais pour l’instant, ces conclusions donnent raison au DG du Canadien.

Joel Armia – un cadeau reçu des Jets pour remercier Bergevin de les avoir soulagés du contrat du gardien Steve Mason – occupe le troisième rang des marqueurs du Canadien avec sept points et qui a enfilé deux des quatre buts qu’il revendique en désavantage numérique.

Et qui partage le troisième rang des marqueurs du CH avec Armia? Eh oui! Eric Staal que tout le monde voulait chasser de Montréal couvert de goudron et de plumes tellement il était inutile en fin de saison. Vrai que Staal ne jouait pas du gros hockey en fin de saison régulière. Mais Bergevin s’est justement tourné vers des vétérans à la date limite des transactions afin de mousser les chances de succès de son équipe en séries.

Bergevin avait donné un premier coup de barre avec l’acquisition de Corey Perry (six points, dont trois buts en séries) avant la saison. Il a maintenu sa philosophie à la date limite des transactions. Et quand on regarde la contribution offensive du trio de l’âge d’or et qu’on ajoute à cette contribution statistique l’impact positif que les « vieux » Perry et Staal ont eu sur le reste de l’équipe, il semble évident que le DG a eu raison.

Non?

Et voilà que lundi soir, c’est Erik Gustafsson qui a donné les devants 1-0 au Canadien en plus de rendre très massive, depuis son entrée en scène en séries, l’attaque à cinq bien passive qui était loin d’aider la cause du Canadien en début de première ronde. Blanchi lors de ses 13 premières supériorités numériques contre les Leafs, le Canadien a marqué six fois en 19 occasions (efficacité de 31,6 %) lors de ses sept derniers matchs. Gustafsson n’est pas le seul responsable de ce renversement de situation, mais il y a contribué.

Bien qu’il soit bien plus efficace dans la phase offensive que la phase défensive du jeu à la ligne bleue, Gustafsson affiche un différentiel de plus-3 jusqu’ici en séries, un rang derrière Armia qui domine à plus-4.

Le vieux Shea encore bon finalement

On continue?

Shea Weber est redevenu Shea Weber en séries. Il a connu une saison inquiétante j’en conviens. Il a perdu de la vitesse, j’en conviens aussi. Mais avec ce qu’il vient d’accomplir lors des deux premières rondes, il a démontré que ceux qui le croyaient au bout du rouleau étaient sautés bien trop vite aux conclusions. Et que ceux qui voyaient le moment venu de revenir à la charge pour reprocher à Bergevin de l’avoir acquis en retour de P.K. Subban devaient aller rejoindre les détracteurs de Price et patienter encore un peu avant de remettre en cause cette transaction.

Weber a été très bon. Il a assumé un gros leadership. Mais il n’a pas été le meilleur défenseur du Canadien depuis le début des séries. Joel Edmundson a été meilleur que lui. Une autre acquisition automnale de Bergevin.

À certains égards, Ben Chiarot a aussi été meilleur que Weber.

Mais le meilleur de tous, du moins dans la phase offensive du jeu, c’est Jeff Petry qui l’a encore été. On est maintenant habitué de voir Petry survoler la glace tant il patine bien. On est habitué de le voir distribuer les rondelles tant il est fin passeur. On est habitué de le voir atteindre la cible avec des tirs juste assez puissants, mais toujours précis qui se transforment en but quelques fois et qui se transforment en retours qui peuvent sourire à ses coéquipiers bataillant autour de filet d’autres fois.

Et c’est qui qui est allé chercher ces quatre défenseurs? Bergevin.

Les performances des membres du top-4 combinées aux performances surprenantes de Gustafsson et de Brett Kulak dont la ténacité devrait tout de suite lui valoir la nomination à titre de candidat du Canadien dans la course au trophée Bill Masterton l’an prochain – s’il est toujours avec l’équipe – a permis à Dominique Ducharme de garder Alexander Romanov hors de la formation parce qu’il était devenu clair que c’était la décision à prendre.

Romanov a disputé le match de lundi parce que Petry ne pouvait chausser les patins. En fait, il pouvait très bien chausser les patins, mais il ne pouvait pas tenir et manier son bâton. Utilisé avec parcimonie afin de minimiser les risques d’erreurs – après une si longue absence il aurait été injuste de multiplier les minutes et de le lancer contre les meilleurs attaquants des Jets – s’est bien tiré d’affaire dans les 9 min 27 s qu’il a passé sur la patinoire.

Jouera-t-il à nouveau en troisième ronde ou en finale de la coupe Stanley si le Canadien de rend jusque-là?

Si les vétérans continuent de jouer comme ils le font, Romanov pourra difficilement obtenir une place ou plus de temps de jeu qu’il en a reçu lundi. Et ce sera très bien ainsi. Ce sera un signe que le Canadien n’est pas obligé d’en demander trop à ses jeunes parce que ceux qui doivent donner le ton maintenant sont en mesure de le faire.

Un autre signe que le directeur général a non seulement fait son travail, mais l’a bien fait.

Danault : un centre essentiel

Qui j’oublie?

Josh Anderson qu’on aimerait voir marquer avec la même régularité qu’il distribue les mises en échec. Je sais que c’est impossible tant Anderson est un missile à tête chercheuse d’adversaires quand il saute sur la glace. Mais voilà une autre acquisition de Bergevin qui donne des résultats plus que positifs.

Tout comme Paul Byron.

Ce qui m’amène à Phillip Danault. Non, mais quelles séries le centre québécois donne au Canadien et à ses partisans. Du hockey efficace aux deux bouts de la patinoire. Du hockey efficace qu’il déploie à chacune des présences qu’il effectue avec la complicité de Gallagher et de Jake Evans d’abord et d’Artturi Lehkonen qui est venu le remplacer après qu’il se soit fait passer le K.-O. par Scheifele. Du hockey efficace dont le Canadien pourrait difficilement se passer si Danault devait décider d’accepter plus d’argent ailleurs plutôt que de demeurer à Montréal à juste prix.

L’euphorie de la victoire étant beaucoup plus intéressante que l’agonie de la défaite, surtout à Montréal, peut-être que l’effervescence associée à la présence du Canadien au sein du carré d’as militera en faveur de la décision de Danault de demeurer à la maison.

D’ici à ce que cette décision ne tombe, Danault joue du grand hockey. Et c’est le moment de rappeler une fois encore que Bergevin l’a volé aux Blackhawks de Chicago et qu’il a chipé au passage un choix de deuxième ronde qui s’appelle aujourd’hui Romanov en retour de Dale Weise et Thomas Fleischman. Juste pour cette transaction, Bergevin mériterait une autre prolongation de contrat. Je lance ça juste comme ça...

Une prolongation de contrat dont Ducharme devrait profiter lui aussi. Car Ducharme a fait du sacré bon travail dans ses conditions très difficiles en saison et plus difficiles encore en début de première ronde contre Toronto.

Je profiterai d’ailleurs de la pause de quelques jours dont le Canadien profitera avant de croiser l’Avalanche du Colorado ou les Golden Knights de Las Vegas pour revenir sur le travail exceptionnel par un coach à qui on devrait déjà retirer le titre « par intérim » associé à son nom.

En terminant, quelques mots sur Scheifele. Cet excellent joueur vient d’encaisser la pire suspension que la LNH pouvait lui imposer en étant le témoin impuissant de l’élimination de son équipe. Une élimination à laquelle il a directement contribué en raison de la suspension dont il a écopé après son assaut aux dépens d’Evans. Une suspension qu’il devra compléter lors du prochain match des Jets l’automne prochain.

Comme quoi ce n’est pas en respectant le « code » que les joueurs de la LNH peuvent le mieux venger les coups vicieux dont ils sont victimes...

Le Canadien est en congé aujourd’hui. Je vais en profiter pour aller jouer au golf. On reconnecte plus tard...