SAN REMO (Italie) (AFP) - Le Tour d'Italie cycliste, dont la 18e étape a été annulée jeudi, a frôlé l'arrêt définitif à cause d'un mouvement de protestation des coureurs suite au "blitz" tardif de la brigade des stupéfiants (NAS) à San Remo.

Au cours de la journée la plus noire dans l'histoire de la course rose, les coureurs ont exprimé leur ras-le-bol dans la plus grande confusion avant que le dénouement intervienne en milieu d'après-midi.

Les organisateurs, en accord avec le jury, ont été conduits à annuler la grande étape alpestre (Imperia-Sant'Anna di Vinadio, 230 km) qui s'annonçait déterminante pour la victoire finale entre les Italiens Gilberto Simoni, porteur du maillot rose, et Dario Frigo, séparés par 15 secondes au classement général.

L'hypothèse d'une réduction de l'étape d'une centaine de kilomètres, qui avait recueilli l'assentiment des responsables d'équipes, a fait long feu devant la détermination des coureurs, réunis dès le matin à San Remo.

La salle du grand hôtel où ils ont pris place est devenue alors le vrai "QG" de la course, assiégé par les journalistes et les caméras de télévision, avec entrées et sorties médiatisées.

"Nous étions tous fâchés", a raconté le sprinteur italien Mario Cipollini après la descente spectaculaire opérée dans la soirée précédente par quelque 200 enquêteurs qui sont repartis avec divers produits à analyser.

Les modalités de l'opération ont été au coeur de la contestation du peloton, à majorité italienne.

Trois heures du matin

"Certains coureurs n'ont pas pu se coucher avant trois heures du matin", a relevé Manolo Saiz, directeur sportif de l'équipe ONCE et président de l'Association des groupes cyclistes professionnels (AIGCP).

Le président de l'Union cycliste internationale (UCI), Hein Verbruggen, dont la venue était prévue de longue date, a déclaré "comprendre l'indignation des coureurs" tout en se montrant favorable à la poursuite de l'épreuve.

"J'ai toujours dit, et déjà au Tour de France 1998, que j'étais favorable au travail de la justice. Mais, sur la forme, il y a beaucoup à redire", a ajouté Hein Verbruggen.

Le président de l'UCI a rappelé des précédents spectaculaires, notamment la descente de police auprès de l'équipe TVM pendant la journée de repos du Tour de France 1998.

Pendant quelques heures, le Giro 2001 a rappelé le Tour 1998, secoué par la tempête des affaires de dopage.

Les coureurs du Tour d'Italie, qui penchaient pour un arrêt définitif de la course à trois jours de l'arrivée à Milan, ont modifié leur position après plusieurs heures de réunion.

"Nous avons dit aux coureurs que nous allions faire une table ronde pour chercher des solutions", a déclaré le directeur du Giro, Carmine Castellano, qui a eu notamment le président du Comité olympique italien (CONI) au téléphone. "Les sponsors aussi sont intervenus".

Selon un directeur sportif d'une équipe italienne, Marco Pantani a tenu un rôle de premier plan dans la contestation.

Frustration totale

Le "Pirate", qui a fait l'objet d'une sanction pénale pour "fraude sportive" l'hiver dernier, a participé à l'assemblée des coureurs bien que son équipe ait confirmé en début de journée son "abandon" à la suite de ses problèmes de santé (grippe).

Toutes les équipes sont attendues au départ de la 19e étape, dont l'horaire (12h45) et le tracé de plaine (163 km) entre Alba et Busto Arsizio sont maintenus.

Enrico Ingrilli, le président de l'association italienne des coureurs, a confirmé la décision prise par l'assemblée. Il a souligné la "désapprobation" des coureurs sur les modalités de l'opération de la NAS en demandant "un dialogue constructif avec les autorités qui s'apprêtent à diriger l'Italie pour les prochaines années".

Sur le plan sportif, le Giro a perdu son étape la plus prestigieuse de la dernière semaine, ce qui a provoqué un sentiment de "frustration totale" selon l'expression de Jose Miguel Echavarri, directeur sportif de l'équipe espagnole Ibanesto.com.

Il ne reste plus qu'une seule étape difficile, samedi, à la veille de la conclusion.

Malgré la diminution de l'intérêt sportif, les organisateurs ont jeudi un afflux de demandes d'accréditation de la part de la presse internationale. Et surtout française, ont-ils souligné malicieusement.