LONDRES, Royaume-Uni - Après deux années gâchées par les pépins physiques, Andre De Grasse, en lice samedi sur 100 m à Londres, commence à rattraper le temps perdu même si le chemin risque d'être long pour le Canadien, considéré avant ses déboires comme un possible successeur de la légende Usain Bolt. 

Les belles promesses des JO 2016 sont déjà très loin pour l'athlète de 24 ans, obligé aujourd'hui de courir après son passé glorieux. À Rio, le natif de Scarborough dans l'Ontario, à peine professionnel, avait estomaqué la planète athlétisme en décrochant deux médailles sur 100 m (bronze) et 200 m (argent). Bolt, avec qui il partage le même équipementier (Puma), n'avait pas hésité à l'adouber, affichant sa complicité avec le jeune Canadien par de franches accolades, allant même jusqu'à le chambrer en pleine course, juste avant l'arrivée de la demi-finale du 200 m. Une image qui avait fait le tour du monde. 

« Il va être très bon, il court comme moi «, avait ensuite lâché le Jamaïcain. 

La suite fut pourtant très compliquée pour De Grasse. Les Mondiaux 2017 auraient pu signer son avènement au sommet du sprint mais c'était sans compter sur une blessure aux ischio-jambiers qui lui fera rater le rendez-vous londonien. Dommage pour celui qui avait parcouru quelques semaines plus tôt la ligne droite en 9 sec 69/100, un chrono époustouflant mais non homologué en raison d'un vent trop fort (+ 4,8  m/s). 

« Les blessures m'ont fait grandir »

2018 ne fut pas plus simple avec de nouveaux soucis à la cuisse, un forfait pour les Jeux du Commonwealth et une saison encore écourtée. Logique donc que le malheureux De Grasse aspire enfin à un nouveau départ pour cette année. 

« Les blessures m'ont fait grandir. Cela demande un tel travail pour revenir au plus haut niveau que vous ne pouvez qu'apprécier d'être de retour. La première année après ma blessure, je ne pouvais même pas regarder de l'athlétisme à la télé, j'étais tellement effondré... Mais j'ai beaucoup appris et heureusement je suis jeune », a déclaré le Canadien à Londres, à la veille de s'élancer sur le 100 m de la 10e étape de la Ligue de diamant. 

Pour faire table rase du passé et écrire un nouveau chapitre de sa carrière, De Grasse a d'ailleurs pris une décision radicale en se séparant de Stuart McMillan, l'artisan de son éclosion, au profit de Rana Reider, basé en Floride.

« Au début, le changement d'atmosphère et d'environnement a été dur, a reconnu le sprinteur. Mais je commence à m'y habituer et maintenant je suis très à l'aise dans cette nouvelle structure. »

« J'ai plus de responsabilités »

Autre fait notable durant son absence des pistes: la naissance de sa fille il y a un an. « Cela m'a aussi beaucoup changé, j'ai plus de responsabilités, je suis plus mature, plus adulte », a-t-il estimé.

Reste désormais à mater la forte concurrence qui règne dans le sprint mondial avec notamment l'émergence de jeunes bolides, venus essentiellement des États-Unis, à l'image de Christian Coleman (23 ans) ou de Noah Lyles (22 ans). Le Canadien, qui vise à Londres son premier chrono sous les 10 secondes en 2019 sur la ligne droite, mesure parfaitement l'écart qui lui reste à combler tout en étant persuadé d'être sur la bonne voie. 

« Il y a de nouveaux gars qui arrivent et vont très vite. Tout le monde peut gagner, Bolt est parti et il n'y a plus un seul favori, c'est bon pour la compétition. Pour l'instant tout se passe bien pour moi et je suis heureux. Je progresse rapidement et mes blessures sont derrière moi. J'ai vraiment hâte d'arriver à la fin de la saison, aux Championnats du monde (27 septembre-6 octobre à Doha, ndlr), et de me retrouver là où j'étais avant », a affirmé De Grasse, qui a couru en 2019 son 200 m le plus rapide depuis les JO de Rio (19 sec 91/100 le 20 juin à Ostrava) et a terminé au moins 3e de toutes les courses auxquelles il a participé cette année. Ses adversaires sont prévenus.