Quel est le nom du premier marathon qui vous vient en tête? Celui auquel vous rêvez si vous êtes un coureur ou que vous connaissez si vous êtes un tant soit peu au fait de l’actualité et de l’histoire? Celui pour lequel, si vous rencontrez un coureur qui s’entraîne pour un marathon, vous lui demanderez presque assurément s’il y a déjà participé ou s’il a l’intention de le faire au cours des prochaines années?

Le marathon de Boston! Réponse facile.

Le marathon de Boston est la course sur route la plus célèbre de la planète. La 120e édition a lieu le lundi 18 avril 2016. Chaque année, 30 000 coureurs prennent le départ de cette course mythique et prestigieuse. Des centaines de milliers d’autres participent à un marathon ailleurs dans le monde dans le seul but de réussir le temps de qualification exigé par l’organisation bostonienne. Et, malheureusement, un grand nombre d’entre eux s’y font refuser l’accès puisque les inscriptions sont complètes après quelques heures seulement.

Mais pour ceux qui prennent le départ à Hopkinton, au Massachusetts, c’est un rêve qui se réalise. Même si les caméras du monde entier suivent uniquement les athlètes élites qui ont des chances de gagner, le reste de la cohorte de coureurs peut compter sur plus d’un demi-million de spectateurs massés le long du parcours pour les encourager.

Pourquoi le marathon de Boston fascine autant? Qu’est-ce qui explique cet engouement extraordinaire des coureurs cherchant à y participer? Pourquoi les meilleurs au monde s’y donnent-ils rendez-vous? Et pourquoi les Québécois ont-ils un lien particulier avec lui? La grande histoire de cette course hors du commun nous permet de mieux comprendre.

Une vieille tradition

Arthur Roth, gagnant du marathon de Boston en 1916Il faut d’abord savoir qu’il s’agit du plus vieux marathon annuel de la planète. La première édition fut présentée le 19 avril 1897. À cette époque, les longues compétitions de course à pied étaient plutôt rares. Un dénommé John Graham s’était inspiré du marathon présenté lors des premier Jeux olympiques moderne à Athènes en 1896 pour convaincre l’Association athlétique de Boston de se lancer dans l’aventure.

À peine une quinzaine de coureurs y ont participé et une dizaine parviendront à rallier l’arrivée. Disons que les techniques d’entraînement à l’époque n’étaient pas ce qu’elles sont de nos jours! John J. McDermott, même s’il arrête à six reprises pour marcher,  remporte cette première édition du marathon de Boston  avec une priorité de près de sept minutes sur son plus proche poursuivant. Son chrono peut sembler rapide, 2h55, mais la distance était plus courte qu’aujourd’hui.

En 1917, la longueur du parcours du marathon de Boston était de 39,43 kilomètres. Ce n’est qu’en 1924 qu’on ajusta le parcours à la nouvelle distance utilisée aux Jeux olympiques et qui est toujours la référence (42,195 kilomètres).

Un parcours craint

Le parcours du marathon de Boston est également une vedette en soi. À première vue, il semble facile grâce à un dénivelé négatif. Pourtant, il est considéré comme un des plus difficiles au monde en raison de plusieurs particularités. La portion la plus exigeante est certainement Newton Hills qui culmine avec la fameuse Heartbreak Hill près de Boston College.

La carte du parcours à BostonHeartbreak Hill est une douce (terrible!) ascension de 600 mètres entre les 32ème et 34ème kilomètres. C’est la dernière portion des Newton Hills qui débute au 26ème kilomètre. Cette côte offre un bon défi, parfois douloureux, aux jambes des participants habituées aux descentes de la première moitié du parcours. Les crampes y sont nombreuses. C’est souvent à cet endroit que les marathoniens y « frappent le mur »!

Tous les coureurs découvrant ce parcours souhaitent éviter de tomber dans le piège de partir trop vite pour ne pas ruiner leur fin de course. Pourtant, ils sont nombreux à se faire prendre.

Autre particularité du parcours bostonien, c’est qu’Il n’est pas homologué par la Fédération internationale d’athlétisme. On ne peut donc pas y enregistrer des records et ce pour deux raisons.

D’abord, son tracé ne forme pas une boucle. Une des règles du marathon stipule que le point de départ et d’arrivée d’une course ne soient pas éloignés de plus de 50 % de la distance totale de l’épreuve. À Boston, le départ est donné à Hopkinton, une belle petite ville située à 42 kilomètres. C’est donc un parcours en ligne droite et un vent de dos pourrait avantager les coureurs.

De plus, le maximum de dénivelé négatif ne doit pas dépasser un mètre par kilomètre. Boston ne répond pas à ce critère. Le record du marathon de Boston appartient au Kenyan Geoffrey Mutai. En 2011, il avait terminé en 2 heures 3 minutes et 2 secondes. Malheureusement pour les amateurs, Mutai a confirmé il y a quelques jours qu’il devait se retirer de l’édition 2016 puisqu’il n’avait pas atteint le niveau de forme souhaité. Il ne pourra pas tenter d’améliorer son record.

Le plus prestigieux

Le marathon de Boston fait partie du World Marathon Majors (WMM) en compagnie de cinq autres marathons importants dans le monde. Berlin, Chicago, New York, Londres et Tokyo sont les autres, mais Boston demeure le plus prestigieux. N’y participe pas qui veut puisqu’il faut se qualifier pour avoir une chance de prendre le départ. En effet, cette qualification est loin de vous assurer une participation.

Les coureurs doivent obligatoirement présenter un temps de qualification enregistré lors d’un précédent marathon certifié. Par exemple, un homme de 45 ans souhaitant s’inscrire à Boston doit avoir terminé en 3h25 maximum. C’est rapide. Malgré tout, près de 4 600 coureurs ayant atteint les critères de sélection ont été rejeté cette année.

Une histoire québécoise

Le marathon de Boston est spécial pour de nombreux Québécois. Il y a d’abord la proximité qui permet à un grand nombre d’entre eux de tenter de se qualifier pour y courir. Mais également le fait que deux coureurs québécois ont marqué l’histoire de l’événement.

Gérard Côté lors de sa victoire en 1940Si vous allez à Boston et que vous parlez de Gérard Côté, on saura assurément de qui il s’agit. Côté, originaire de Ste-Hyacinthe, a remporté ce marathon à quatre reprises. C’est en 1948 qu’il a mis la main sur son quatrième sacre en devançant Ted Vogel. Il avait auparavant gagné les éditions de 1940, 1943 et 1944. À ce jour, quatre coureurs seulement ont réussi l’exploit de gagner à Boston aussi souvent. Côté est, à juste titre, encore considéré comme le plus grand coureur de l’histoire canadienne.

Il faut également souligner la victoire de Jacqueline Gareau le 21 avril 1980. Après avoir parcouru les 42,195 kilomètres, la québécoise se croyait en tête. Mais, surprise, une certaine Rosie Ruiz termine devant elle. Timide, Gareau n’ose pas trop poser de questions même si elle se doute que cette victoire est probablement attribuable à de la triche.

Heureusement, des journalistes démasqueront Ruiz après quelques jours d’enquête. Il y avait trop d’incohérences dans son récit. On découvrira finalement que Ruiz souhaitait impressionner son entourage. Elle avait réussi à se qualifier pour Boston en enregistrant un excellent chrono au marathon de New York où elle avait également triché. Si à New York elle avait utilisé le métro pour court-circuiter le parcours, à Boston elle attendit dans un hôtel près de la ligne d’arrivée jusqu’au bon moment pour se glisser à travers la foule et terminer la course.

Deux semaines après cette fin décevante, la ville de Boston fit revenir Gareau pour lui offrir les honneurs qui lui étaient dus. Bien malgré elle, le nom de la coureuse québécoise demeure associé à une des plus grandes tricheries du marathon le plus connu.

Kathrine SwitzerPlace aux femmes

Longtemps, les femmes furent interdites de participation aux différents marathons de la planète. On ne les croyait pas capable de courir sur une si longue distance. En 1966, les choses ont commencé à bouger en raison du courage et de la détermination de Roberta « Bobbi » Louise Gibb. Elle s’était cachée dans les buissons à quelques mètres du départ pour se joindre aux coureurs. Grâce aux encouragements des spectateurs, elle termina officieusement en 3 h 21 puisqu’elle n’avait pas de dossard officiel. C’était il y a cinquante ans.

Un an plus tard, Kathrine Switzer s’inscrit à la course en inscrivant un « K » dans la case du prénom. Même si les organisateurs tentent de lui arracher son dossard en pleine course, elle parvient à franchir l’arrivée et devient une grande vedette aux États-Unis. Finalement, en 1969, les femmes peuvent légalement courir au marathon de Boston. D’autres courses suivront l’exemple ailleurs dans le monde.

Un événement qui ne s’essouffle pas

Même si 2016 marque la 120e édition du marathon de Boston, il ne fait preuve d’aucun âgisme en continuant de dicter les modes, d’attirer l’élite et d’inspirer un grand nombre de gens à découvrir la course à pied. Les américains y sont plus attachés qu’à de nombreux autres événements sportifs d’un jour. Il se déroule le troisième lundi d’avril lors du Patriots’ Day qui rend hommage à une célèbre bataille militaire qui marqua le début de la guerre d’Indépendance américaine. C’est une véritable fête.

Les attentats survenus près du fil d’arrivée en 2013 sont à l’origine d’une devise régulièrement utilisée depuis : Boston Strong.  Ce triste événement a marqué l’imaginaire. Mais plutôt que de vivre dans la crainte et d’obéir à la peur, ils sont encore des dizaines de milliers de coureurs à envahir les rues  pour parcourir le célèbre parcours. Un attrait plus que centenaire pour cette ville qui désire démontrer que ses habitants demeurent forts.

Lorsqu’on parle de marathons, Boston est le plus noble de tous. Avec une histoire telle que la sienne, on doit s’incliner devant ce roi si fascinant.