Eric Bédard est encore amer, mais surtout incrédule. Sans avertissement, le 27 juin dernier, on lui annonçait qu’il n’était plus l’entraîneur-chef de l’équipe nationale masculine de courte piste après 10 mois seulement.

Ce matin de juin, Bédard dirigeait un entraînement régulier. Au terme de la séance, on lui a demandé de se rendre à l’Institut national du sport, au Stade olympique, pour y rencontrer Susan Auch, Chef de la direction de patinage de vitesse Canada, et Jennifer Cottin, Directrice haute performance en courte piste. La rencontre fut brève. Il était licencié. Les raisons évoquées : restructuration et contraintes budgétaires.

Ironiquement, quatre mois plus tard, Éric Bédard est de retour à l’Aréna Maurice-Richard, pour la Coupe du monde. Non pas pour l’équipe nationale, mais pour la compagnie Nagano Skate dont il est actionnaire (voir plus bas). « Je ne me sens pas mal à l’aise d’être ici.  Si j’avais un choix à faire aujourd’hui, c’est certain que je serais sur le bord de la bande avec les gars. Ça me manque, mais je n’ai pas de regret parce que tout ce que j’ai donné pendant un an, je l’ai fait avec le sentiment d’un coach qui était dévoué pour ses athlètes », déclare Bédard, lorsque rencontré à son kiosque vendredi.

Il était en demande. Des clients, mais aussi plusieurs de ses anciens protégés, comme Charles Hamelin, Pascal Dion et Steven Dubois, ont pris le temps de venir discuter avec lui, de longues minutes. Les discussions étaient légères, mais intéressées. Bédard les questionnait sur leurs performances. « Ce sont des signes qui ne mentent pas », ajoute Bédard. « Il n’y a personne qui leur a demandé de venir me parler. Ils auraient pu éviter le kiosque. » Autre signe qui en dit long sur la relation qu’il avait bâtie avec son équipe, « Samuel Girard, Charle Cournoyer (maintenant retraités), Pascal Dion et Steven Dubois sont tous venus à mon Académie cet été pour enseigner aux jeunes », mentionne Bédard, reconnaissant. « Si la relation n’avait pas été bonne, ils ne se seraient pas investis. »

 Rétrospection

Les jours et les semaines qui ont suivi le licenciement ont été difficiles. Bédard cherchait une vraie explication. « Je me suis questionné. J’en ai discuté avec les gars. Ils me disent encore qu’ils sont incrédules, ils ne comprennent pas la décision », confie Bédard. Ce que confirme Charles Hamelin, rencontré mardi dernier en marge de son entraînement. Les patineurs ont eu les mêmes explications : restructuration et contraintes budgétaires. Rien de plus.

L’ancien entraîneur a poussé sa quête, rencontrant différents intervenants du milieu. « J’en ai parlé avec les collègues, avec Fred Blackburn (l’entraîneur-chef de l’équipe féminine), avec les officiels de la fédération, des membres de la fédération québécoise. Est-ce qu’il y a quelque chose que je dois me reprocher? Tout le monde se questionne. Personne ne comprend », renchérit-il.

Pourtant, en mars dernier, tout juste avant les Championnats du monde, il a eu une rencontre avec ses patrons : excellent travail. Aucune réprimande.

« Le hamster se met à spinner. Est-ce que j’ai fait quelque chose de pas correct, qui n’a pas été appréciée, mais on n’a pas osé me le dire », se questionnait Bédard cet été. « C’était un choc. J’étais un peu amer de cette décision, mais d’un autre côté, j’ai toujours rebondi », affirme-t-il. « C’est ce que j’ai fait. J’ai pris du temps pour moi et j’ai rebondi avec mon plan B, la compagnie Nagano Skate », dit-il fièrement. « D’un côté, oui, ça fait mal, mais d’un autre, on avait des besoins criants chez Nagano Skate. »

 Nagano Skate, une fierté

Il a fondé la compagnie en 2016 avec François Drolet, médaillé d’or, à ses côtés au relai, aux Jeux de Nagano. Il décrit la compagnie comme une référence en équipement de patinage de vitesse courte piste, particulièrement dans l’aiguisage, et en coaching. C’est l’aspect enseignement qui stimule particulièrement Bédard. « L’été dernier, c’est plus de 600 jeunes à travers le Canada qui ont participé à l’Académie », précise-t-il avec la passion qu’on lui connaît. « Lorsqu’on arrive sur place et qu’on voit les yeux des jeunes (et ceux de l’ancien patineur!), ils sont encore plus excités que moi. Ils sortent grandis de cette expérience. On veut les aider avec les aspects techniques et vitesse du sport, mais on veut surtout les faire rêver », affirme Bédard. « Notre but, c’est que ces jeunes s’épanouissent dans le patin de vitesse. »

Le Québec, le Nouveau-Brunswick, l’Ontario et même le… Nunavut ont fait appel à leur expertise.

Entraîneur à  nouveau ?         

Via l’Académie, pour laquelle il construit les programmes d’entraînement, Bédard touche toujours au coaching. Mais qu’en est-il du coaching de haut niveau, sur un programme national? Pour le moment, il n’a pas reçu d’offre. Il n’a fait aucune démarche non plus, encore un peu amer de la tournure des événements avec l’équipe canadienne.

Ces dernières années, il a été entraîneur au sein de programmes nationaux en Italie et en Allemagne. Des expériences qu’il a adorées, mais il hésiterait à s’y replonger. Sa compagnie et sa vie familiale en sont les principales raisons. Il avoue toutefois qu’un rôle de mentorat pourrait l’intéresser, c’est-à-dire un poste qui n’implique que des déplacements ponctuels, sans avoir à quitter de façon permanente sa résidence de Trois-Rivières.

Si les offres se présentent, il écoutera certainement… mais n’acceptera pas à n’importe quel prix.  

La façon dont s’est terminé son « rêve de coacher l’équipe canadienne » n’a aucunement affecté sa passion pour son sport. Elle a peut-être seulement changé la manière dont il redonnera au patinage de vitesse.