Quel sport ingrat que le patinage artistique... non seulement la demande athlétique est-elle immense, mais en plus il faut que le patineur exprime des sentiments, qu'il ne se contente pas seulement d'exécuter le mouvement, mais aussi de le rendre beau. Lorsqu'un sprinter remporte une course, il importe peu qu'il l'ait fait avec style, qu'il ait couru élégamment. Seul le chrono sera l'implacable témoin de son triomphe. Le patineur artistique sera toujours confronté aux deux volets du sport qu'il a choisi: la technique et l'artistique. Pas étonnant que parfois il y ait un tel écart entre les deux notes.

Cet écart nous l'avons vu chez de nombreuses femmes hier soir, des patineuses qui ont su séduire les juges par leur charme et leur présence sur la glace, mais dont les failles techniques ne les ont quand même pas abusés. On attendait portant avec excitation l'arrivée du sang neuf, comme Nicole Watt et Marianne Dubuc, mais la forte pression de la compétition sénior aura fait son oeuvre. Marianne Dubuc par exemple, était dévastée après son programme court qui lui aura valu de pauvres notes techniques. Des erreurs également pour la jeune Nicole Watt qui fait bien moins que ses quinze ans et qui avait ébloui tout le monde avec ses sauts l'an dernier.

De son côté Annie Bellemare a fait un peu craindre en ratant son premier saut, mais s'est fort bien reprise par la suite. Sereine après son programme court, beaucoup plus que lors de sa semaine d'entraînement en dents de scie, elle occupe le 2e rang du classement provisoire. Pas de surprise en tête donc, où on retrouve l'incontournable Jennifer
Robinson qui n'aura qu'à patiner de façon honnête aujourd'hui (samedi) pour remporter son 4e titre canadien.

Il faut tout de même admettre que Jennifer traverses ses championnats avec toujours la même grâce, la même élégance et la même gentillesse. Le seul reproche qu'on peut lui adresser, c'est de ne pas renouveler le style, mais elle joue si habilement sur ses atouts, une silhouette et une allure très classiques avec des pirouettes magnifiques, qu'on ne peut pas trop lui en vouloir.

En danse, foxtrot, quickstep et charleston forment l'ossature de la danse originale cette année. Toutes les têtes étaient tournées vers Shae-Lynn Bourne et Victor Kraatz, de retour aux canadiens après un an d'absence. Ce retour ajoutait beaucoup de pression aux champions en titre Marie-France Dubreuil et Patrice Lauzon... avec raison! Bourne et Kraatz ont exécuté leur chorégraphie fort complexe avec une précision chirurgicale. Pas de temps morts, pas de soupirs dans le programme, et si un jour Shae-Lynn a souffert d'une blessure à un genou, ce n'est plus qu'un vague souvenir aujourd'hui. L'ovation debout qu'ils ont reçu, la seule accordée en danse est un témoin équitable de la justesse de leur interprétation.

C'est la vitesse et la complexité de leur routine qui les démarquait des québécois Dubreuil et Lauzon, alors que ceux-ci allaient chercher une deuxième place à l'unanimité chez les juges. Mais c'est cependant dans la danse libre que l'on verra vraiment la couleur de ces couples exceptionnels. Le podium à prévoir est celui formé de Bourne et Kraatz, Dubreuil et Lauzon, Wing et Lowe. Mais entre le moment où on leur mettra les médailles au cou, il reste à venir des moments d'extase pour les spectateurs*

Potinage artistique

Vous pensez qu'il a fait froid à Montréal? Consolez-vous en pensant que l'hôtel où nous sommes logés à Winnipeg, le Fairmount, est exactement à l'intersection réputée la plus froide au Canada, celle où se croisent Portage avenue et Main street. La rumeur veut que par jours de grands vents le mercure y descende à -60 degrés. Je ne sais pas si la journée d'hier entrait dans cette catégorie, mais si ce n'était pas le cas, je n'aimerais pas y être le cas échéant.