Les cloches du midi viennent à peine de retentir à l’école secondaire l’Odyssée/Dominique-Racine de Chicoutimi qu’André L’Espérance est déjà en train d’arpenter les couloirs pour rejoindre le centre-ressource. Les jeunes atteints de déficience intellectuelle l’attendent impatiemment pour leur cours hebdomadaire de boccia.

À mi-chemin entre la pétanque et le curling, la boccia est un jeu de précision qui exige une intense concentration. Cette discipline paralympique est accessible aux athlètes ayant de graves handicaps locomoteurs ou mentaux. L’objectif est de placer la balle le plus près du cochonnet, tout en étant en position assise. Seuls ou en équipe et en fonction de leurs capacités, les participants peuvent faire leur jeu en faisant glisser leur balle sur une rampe ou en la lançant eux-mêmes.

« Les jeunes raffolent de cette activité », constate celui qui a découvert la boccia par hasard et qui l’enseigne depuis maintenant 20 ans. André L’Espérance passe une heure, chaque mercredi midi, en compagnie des élèves toujours pressés de venir s’exercer. Déterminés à aller jouer, les jeunes connaissent le chemin jusqu’au gymnase par cœur. « Ils savent où ils s’en vont! », lâche M. L’Espérance, fier, tout en prenant le temps de saluer chaque personne qu’il croise dans les couloirs. Cette année, l’enseignant a investi près de 200 $ dans de nouvelles boules pour ses élèves.

Une fois encore, il aura la chance d’accompagner une de ses élèves, Vicky Tremblay, âgée de 19 ans, aux Jeux du Québec en mars 2017.

« Elle a de grandes chances de médaille, on travaille fort pour y arriver, confie celui qui ne compte plus les heures passées au gymnase. On fait des pratiques privées plusieurs fois par semaine pour être prêts. »

La boccia est apparue pour la première fois aux Jeux du Québec de Saguenay, en 2013. Les joueurs de l’école secondaire n’ont jamais été confrontés à d’autres sportifs locaux, faute d’équipes régionales.

Apports bénéfiques

Pendant l’entraînement, André L’Espérance porte plusieurs chapeaux. Celui de l’entraîneur lorsqu’il donne des conseils à Vicky, et qu’il réfléchit à la stratégie dans le but de la pousser à s’améliorer. Celui de l’assistant sportif lorsqu’il doit donner la balle à Jérémie pour que le jeune puisse la lancer. Celui d’un fidèle ami lorsqu’il croise le regard de Rachel et qu’ils se comprennent d’un seul coup d’œil, sans dire un mot. Au fil des années, l’homme a réussi à faire aimer ce sport, assez pour que les anciens élèves soient nostalgiques des belles années et aillent s’inscrire dans les clubs pour adultes, comme celui d’Arvida.

« J’aime vraiment le sport. Je préfère faire du sport plutôt que le regarder à la télé », explique la jeune Vicky, souffrant de paralysie sur tout un côté de son corps. Elle n’est pourtant pas encore stressée à l’idée de participer à ses premiers Jeux du Québec. Rencontre après rencontre, son entraîneur a remarqué des améliorations autant sur le plan de sa santé que dans son interaction avec les autres personnes de son âge. Quand elle n’est pas concentrée à regarder la trajectoire de sa balle, Vicky a le sourire accroché aux lèvres, signe de son bonheur.

« Ça m’apporte plus à moi qu’à eux, je les vois aller, s’investir, et ça me rend fier », lâche André L’Espérance, tout en baissant le regard, humble. Son initiative permet aux jeunes du centre-ressource de l’école secondaire l’Odyssée/Dominique-Racine de sortir de leurs paradigmes.

« La compétition, les rencontres avec d’autres jeunes, ce sont des choses qu’ils n’ont pas l’habitude de faire, mais que la boccia leur permet de faire », se réjouit celui qui a réussi à faire de ces rencontres hebdomadaires une tradition.

Étudiants polyvalents

La boccia n’est pas le seul sport proposé aux étudiants souffrant d’un handicap dans cette école. Certains pratiquent la natation, d’autres aiguisent leur précision lors des cours de tir à l’arc récemment mis en place, et les plus courageux font preuve d’endurance lors d’un pèlerinage de 215 km à pied au mois de juin. En effet, la randonnée Notre-Dame Katapakan, au départ de Rivière-Éternité jusqu’à Lac-Bouchette, permet à 85 jeunes, particulièrement des garçons, d’apprendre à exprimer leurs émotions et à dépasser leurs limites. Certaines portions de la randonnée sont faites en autobus et les étudiants s’entraînent déjà pour affronter ce défi de taille. Entre les cours et les activités sportives, les jeunes n’ont pas le temps de s’ennuyer, pour le plus grand bonheur de leurs parents.

Pour l’avenir, André L’Espérance laisse la porte ouverte à de futures compétitions régionales. En plus d’accompagner Vicky Tremblay à Alma au mois de mars, il sera responsable de la discipline pendant les matches de boccia. « C’est un plaisir incommensurable de voir les jeunes sourire! », s’exclame avec joie M. L’Espérance. Patient et attentionné, le professeur s’implique corps et âme pour ses étudiants, que ce soit pendant les heures de cours ou en dehors. Il suffit de les voir interagir avec lui pour constater qu’ils le lui rendent bien...

Boccia : L'élite côtoie la relève