CALGARY - La gymnastique canadienne vit une période de remise en question.

Aussi pénible est la douleur qu'il ressent de voir des entraîneurs de gymnastique accusés de délits à caractère sexuel, Kyle Shewfelt souhaite que le nuage au-dessus de son sport se dissipe et que la gymnastique se relève plus saine qu'avant.

« Nous sommes dans cette période trouble où nous examinons notre passé et avons amorcé le processus pour comprendre », a déclaré Shewfelt en entrevue avec La Presse canadienne.

« Maintenant, nous élaborons les outils qui nous permettront de déterminer ce à quoi devrait ressembler une expérience sportive positive. Dans tout ça, j'espère que le sport (de la gymnastique) ressortira plus fort », a ajouté le premier médaillé olympique de l'histoire de la gymnastique canadienne, et seul médaillé d'or, à l'épreuve au sol en 2004.

Deux entraîneurs canadiens de gymnastique ont été accusés de crimes à caractère sexuel au cours des 14 derniers mois, dans la foulée des multiples accusations déposées à l'encontre d'un médecin travaillant avec l'équipe nationale de gymnastique des États-Unis.

Un juge doit rendre une décision, mercredi, à Sarnia, à l'endroit de Dave Brubaker, ancien entraîneur de l'équipe de gymnastique féminine du Canada, qui a plaidé non coupable à une accusation d'agression sexuelle et une autre d'exploitation sexuelle.

L'entraîneur québécois Michel Arsenault fait également face à des accusations d'agression sexuelle et de voies de fait. Selon les autorités policières, ses présumées victimes seraient âgées entre 10 et 20 ans.

Le docteur américain Larry Nassar a été accusé d'avoir agressé sexuellement des dizaines d'athlètes, à compter de 1992, incluant des membres de l'équpe nationale féminine des États-Unis. Il a plaidé coupable à sept accusations d'inconduite sexuelle de nature criminelle et a été condamné, il y a un peu plus d'un an, à 175 années de prison.

Les scandales ont placé la gymnastique à l'avant plan d'une conversation grandissante autour des abus et de harcèlement dans le monde du sport.

Lorsque Graham James a été accusé et reconnu coupable d'avoir agressé sexuellement des joueurs de hockey junior dont il était l'entraîneur à Swift Current, en Saskatchewan, durant les années 1990, la Ligue canadienne de hockey et Hockey Canada ont instauré une série de programmes et des services de soutien pour réagir aux questions liées à l'abus, à l'intimidation et au harcèlement.

Gymnastique Canada se retrouve devant une situation semblable.

« J'ai entendu des histoires provenant des matelas de lutte, des piscines, de différents sports et je pense que le sport pour les jeunes, regardez Graham James, est un secteur où on trouve des gens vulnérables », a déclaré Shewfelt.

Au coeur de la tempête, Gymnnastique Canada a embauché Ellen MacPherson à titre de directrice, sport sécuritaire en mai 2018.

En plus de développer une politique de sport sécuritaire qui met l'accent sur le bien-être des athlètes, MacPherson dit avoir modifié et solidifié le code d'éthique et de conduite de l'organisme, et mis à jour les politiques en matières de harcèlement, d'abus et de discrimination.

« Nous avons inclus des comportements qui créent un environnement sportif sécuritaire, a précisé MacPheson. Nous ne voulions pas indiquer seulement ce qui n'était pas toléré. C'est important que les gens qui vont évoluer dans notre sport aient une idée de ce que sont des comportements et des actions de qualité dans notre environnement. »

Relatant ses expériences personnelles, Shewfelt a affirmé que sa relation avec l'entraîneur Kelly Manjak a été saine parce que celui-ci l'a soutenu mais n'a pas essayé de le contrôler.

Mais en tant que compétiteur, Shewfelt dit avoir été témoin d'inégalités de pouvoir où des entraîneurs pouvaient dénigrer ou ignorer des athlètes afin de les motiver. Dans d'autres cas, un athlète pouvait devenir trop dépendant de la validation de son entraîneur.

« Il s'agissait d'environnements créés en fonction du pouvoir et non du respect mutuel », a indiqué Shewfelt, aujourd'hui propriétaire d'un club de gymnastique récréative dans sa ville natale de Calgary.

« Des environnements basés sur le pouvoir de l'entraîneur et l'athlète étant le subalterne. Si je devais être témoin de quelque chose du genre, je ressentirais immédiatement le besoin d'aborder un entraîneur et lui dire " Hey, pourquoi ces jeunes ont-ils l'air d'avoir peur de vous? Qu'est-ce qui se passe ici? ".  »