Pour cette toute dernière chronique de l'année 2015, j'aimerais vous laisser avec un petit dilemme sportif. Ensuite seulement, je vous offrirai mes meilleurs vœux. Une chose à la fois. Que voulez-vous, j'aime vous savoir en train de réfléchir sur un sujet qui soulève des points de vues fort différents et offre des réponses variées mais rarement définitives.

Il s'agit de ma 56e et dernière chronique de l'année. La très grande majorité d'entre-elles furent consacrées à la course à pied. Malheureusement, trop souvent, j'ai dû aborder les douloureux scandales de dopage qui ont retenu l'attention et entaché la réputation de l'athlétisme. Souvent, j'ai eu à me prononcer sur l'éligibilité d'un athlète reconnu coupable de dopage et qui souhaitait revenir à la compétition après avoir purgé sa peine. Avait-il droit à une seconde chance?

En cette fin d'année, un autre dilemme sportif a été porté à mon attention et il n'est pas simple d'y répondre. Un sportif suspendu pour avoir volontairement et systématiquement eu recours au dopage dans sa discipline peut-il, pendant qu'il est interdit de toutes compétitions, s'inscrire à des épreuves dans d'autres sports? Par exemple, un ancien multiple vainqueur du Tour de France pourrait-il, pour oublier sa peine et sa suspension, participer à des marathons ou des courses en forêt?

Vous me voyez venir de très loin et vous avez vu juste. Je fais référence à Lance Armstrong. Le septuple champion déchu du Tour de France s'ennuie comme c'est pas possible. Il n'a que 44 ans et semble se demander ce qu'il fera des prochaines années maintenant qu'il est un paria et que les organisations sportives et les commanditaires ne veulent plus s'associer à lui.

Lance ArmstrongAprès avoir pris part (un échec) à des courses de qualifications du championnat américain du « Beer Mile », il a continué de garder la forme en nageant, joggant et pédalant. Dopé ou pas, Armstrong fut un athlète de haut niveau. À preuve, il a participé au marathon de New York en 2006 et 2007 avant de s'inscrire à celui de Boston l'année suivante. Pour son premier marathon new-yorkais, nul autre qu'un des plus grands coureurs de demi-fond de l'histoire, Hicham El Guerrouj, lui avait servi de lièvre en route vers un chrono de 2 h 46. L'Américain avait également participé et remporté plusieurs triathlons Ironman dans les années suivant son dernier triomphe au Tour de France (2005).

Puis vinrent les suspicions, la suspension de l'Agence mondiale antidopage (AMA) en 2012 et les aveux de culpabilité lors de l'émission d'Oprah Winfrey en 2013. La plupart des observateurs s'entendent pour dire que les propos d'Armstrong lors de cette émission télé n'avaient comme seul objectif que de convaincre l'AMA de réduire son bannissement à perpétuité. Ce ne fut pas le cas!

Depuis, malgré des dizaines de milliers de dollars déboursés en frais d'avocats, Armstrong est incapable de retrouver un semblant de sympathie de la part du public qui lui en veut d'avoir implanté un doute dans la tête de tous ceux qui voient un cycliste remporter une étape d'un grand tour.

La suspension de l'AMA envers Armstrong ratisse large. En plus de l'interdiction de prendre part à une course cycliste, il ne peut participer à un triathlon ou à une compétition de course à pied sanctionnée par l'association américaine. L'organisation qui accepterait l'inscription de l'américain perdrait son accréditation officielle et le prestige qui s'y rattache.

Pourtant, certaines compétitions continuent de l'accepter. Ce fut le cas du Woodside Ramble, un Trail californien s'étant déroulé le 13 décembre dernier. Le parcours accentué serpente au milieu de canyons et des forêts humides de deux parcs de la région de San Francisco. Armstrong a terminé au premier rang parmi la cinquantaine de participants inscrits à la course de 35 kilomètres. Son chrono de 3 heures et 36 secondes lui a donné une priorité de presque deux minutes sur le second coureur à terminer cette rude épreuve. Après la course, Armstrong a déclaré sur son compte Twitter qu'il ne se souvenait pas de la dernière fois où il avait eu autant de plaisir à souffrir pendant trois heures!

Les responsables de la course ont répondu aux nombreuses critiques en déclarant que pour eux, Lance Armstrong était un participant comme les autres et qu'ils n'avaient surtout pas cherché à faire un bon coup de publicité gratuite en l'accueillant.

Il est important de préciser qu'en 2016, Armstrong aura le droit de participer à des compétitions sportives locales. Un point de droit dans l'énoncé de sa suspension à vie par l'AMA le précise. Cela doit toutefois se faire sur acceptation du comité organisateur et dans un sport autre que le cyclisme. Attendez-vous donc à le voir revenir à l'avant-plan lors de compétitions de courses à pied et ultra-trails.

Je suis curieux de savoir ce que vous en pensez. Ce grand champion de la triche qui, à sept reprises, a remporté le Tour de France en se dopant, devrait-il avoir le droit de revenir dans le monde du sport? En sachant qu'il a volé lors de chacun de ses triomphes, le véritable gagnant de l'épreuve, quel message cela propage-t-il sur l'image et la propreté du nouveau sport qu'il veut pratiquer? Bref, sa rédemption passe-t-elle par la pratique légitime d'un autre sport?

Je serais heureux de lire vos commentaires.

Sur ce, mes chers amis lecteurs, je vous souhaite une très belle année 2016. Qu'elle vous permette de réaliser un rêve! Merci d'être si nombreux à me suivre. Cela me va droit au cœur et me conforte dans l'idée qu'au delà des sports professionnels très médiatisés, il y a de la place et un intérêt pour parler de course à pied et d'athlétisme.