Reportés. À huis clos. Statu quo. Toutes les hypothèses ont été émises quant à la tenue des Jeux de Tokyo, cet été. Pour l’olympien Charles Philibert-Thiboutot, les milliards de dollars prévaudront à la santé de athlètes dans la décision finale de reporter ou non les Jeux.

 

Charles est un coureur de demi-fond. Il a été demi-finaliste du 1500m aux Jeux de Rio en 2016. Il espère se qualifier pour ceux de Tokyo au 1500m et au 5000m. Et comme c’est le cas pour toute la planète sportive, tous ses camps et toutes ses compétitions sont annulés. Mais les Jeux, eux, auront lieu à la date prévue, le 24 juillet, c’est du moins le message véhiculé par les organisateurs.

 

« Le comité organisateur au Japon et le CIO disent que les Jeux vont avoir lieu, c’est à la limite prétentieux de faire ça, considérant la crise mondiale qu’on traverse », dit sans détour, Philibert-Thiboutot. « Moi personnellement, j’aimerais mieux entendre que les Jeux sont reportés. »

 

Et quant à savoir à quoi il s’attend comme décision de la part du CIO et des autres décideurs impliqués lors de la réunion de mardi, il n’hésite pas : « Pour le CIO, les athlètes, malheureusement, sont loin sur sa liste des priorités. Ce sont plutôt les gens qui génèrent des milliards de dollars qui vont avoir préséance sur les décisions au lieu de la santé des athlètes. »

 

« Je n’ai pas confiance en l’organisation (le CIO) et en sa capacité à mettre les athlètes au premier plan », ajoute-il. « Ce qu’on demande à une organisation comme celle-là, dans une telle situation, c’est qu’elle soit flexible. Et c’en est une qui manque totalement de flexibilité. »

 

Un désastre annoncé

 

Charles n’aime pas trop évoquer le processus de qualification en vue des Jeux. En ce moment, il n’est qualifié dans aucune des deux distances. Et de voir toutes les compétitions, servant de qualification olympique, être annulées, l’angoisse. « Le scénario dans lequel les Jeux ont lieu, aux mêmes dates, ce serait un désastre pour moi », admet-il, en toute franchise. « Toutes les courses du printemps, j’étais supposé les utiliser pour me qualifier et là il n’y en a aucune. S’il n’y aucune course de qualification mais que les Jeux ont lieu, moi je ne peux pas y aller, parce que des occasions de me qualifier je n’en aurai pas eu. »

 

Le processus de qualification en athlétisme s’est amorcé en 2019. Mais Charles a dû mettre un terme à sa saison prématurément en juin l’année dernière, en raison d’une blessure à un pied qui tardait à guérir. Il a donc raté tous les grands rendez-vous. « Les athlètes qui ont été blessés comme moi, et je ne suis pas le seul, et qui doivent repartir à zéro, eux n’ont pas la chance de se qualifier », fait valoir le demi-finaliste des Jeux de Rio.

 

Les occasions seront de plus en plus rares au fil des semaines.

 

Pas question d’arrêter l’entraînement

 

Comble de malchance, Charles s’est déchiré un mollet en janvier dernier. Il n’a pu courir pendant un mois. En février, il a pris la direction de Vancouver pour une réadaptation « avec une physiothérapeute de confiance », pour reprendre ses mots. « Les deux premières semaines ont été pénibles mais les deux semaines suivantes, c’était exponentiel », raconte Philibert-Thiboutot. « J’étais tellement en forme en décembre, c’est revenu vite. »

 

En ce moment, tout va bien. Il peut s’entraîner normalement. Mais où? Son camp en Arizona, en altitude, a été annulé pour des raisons évidentes. Lui et quelques autres athlètes de Québec ont eu la confirmation de la fermeture du PEPS de l’Université Laval, vendredi dernier. Aussitôt, l’un d’entre eux a créé un groupe sur les réseaux sociaux s’intitulant « Pelletage de piste 2020 ».

 

Le lendemain, ils étaient une vingtaine, pelle à la main, à déblayer la piste d’athlétisme extérieure du PEPS... sans arriver à leur fin. « On était 20 athlètes qui se sont présentés et on a commencé à pelleter sans déranger personne, je pense », raconte-t-il. « La sécurité de l’université nous a vu et leur mandat est de mettre fin à toute activité sur le campus puisqu’il est fermé. Donc, ils nous ont averti, on n’a pas vraiment écouté et ils ont appelé la police. Quand la police est arrivée, on a cessé et on est rentré. » 

 

Et pour un athlète en préparation olympique, courir sur des rues ou des trottoirs partiellement enneigés ou glacés, ce n’est pas l’idéal. C’est pourquoi il prendra la direction de la Colombie-Britannique.

 

Lui et deux autres athlètes devraient rejoindre trois coureurs à Big White, pour un camp improvisé. « On a seulement besoin d’endroits pour courir relaxe et une piste pour faire des entraînements difficiles », explique Charles. « À Kelowna, à 45 minutes de Big White, il y a une très belle piste. On va y avoir accès. » Et les conditions d’entraînement y sont meilleures qu’au Québec pour les mois d’avril et mai.  

 

Dans les meilleurs des mondes, Charles Philibert-Thiboutot restera cinq ou six semaines en Colombie-Britannique pour ce camp afin de poursuivre sa préparation pour une possible qualification olympique aux Championnats canadiens, à la fin juin, à Montréal.

 

Il sait que ce ne sera pas facile, évite de trop y penser après tout, tout ce qu’il peut faire en ce moment : « c’est d’aller le bois avec des partenaires, de m’entraîner et quand les courses reprendront, de faire de bons résultats. »