Laurent Dubreuil n’est pas près d’oublier de sitôt sa saison 2021-22. Le patineur de vitesse est vraiment passé par toute la gamme des émotions ces derniers mois. Il a certes vécu plusieurs moments exaltants au fil d’une année ponctuée de succès. Mais il a aussi connu l’amère déception d’échouer au pied du podium lors de son épreuve de prédilection aux Jeux olympiques de Pékin.

Si c’est dans l’adversité qu’on reconnaît les grands champions, le Lévisien s’inscrit désormais dans cette lignée. Et s’il estime ne plus rien avoir à prouver, sa passion pour son sport devrait le pousser à poursuivre sa carrière jusqu’aux Olympiques de 2026 et peut-être même au-delà.

De passage à Montréal mardi, Dubreuil en a profité pour faire le bilan d’une saison mémorable à plus d’un titre.

«Je retiens de ma saison à quel point j’ai été capable lors des courses importantes de rebondir après d’énormes déceptions», a-t-il confié d’emblée lors d’un entretien avec La Presse Canadienne.

«De connaître mon meilleur 1000 mètres à vie sous pression aux Jeux de Pékin – médaille d’argent – après la déception de terminer quatrième au 500 m, je suis extrêmement fier de ça. Je ne pense pas que beaucoup de gens auraient été capables d’accomplir ça.»

Deux semaines plus tard, il a de nouveau connu une déconvenue difficile à digérer. Il était en voie de concrétiser l’un de ses grands objectifs en carrière, celui d’être sacré champion du monde de sprint, lorsque la COVID l’a forcé à se retirer avant sa dernière course.

«Personne n’était capable de me battre cette fin de semaine-là. La seule chose qui pouvait me battre, c’est d’être tombé malade au mauvais moment et c’est ce qui m’est malheureusement arrivé», a rappelé Dubreuil

Au fil de cette saison en montagnes russes, rien n’égale pour lui son titre de champion de la Coupe du monde au 500 m, un couronnement acquis dans des circonstances… insolites.

Rappelons le fil des événements, une semaine après son diagnostic positif à la COVID-19, il obtient le feu vert in extremis pour disputer la dernière Coupe du monde de la saison à Heerenveen, aux Pays-Bas. Il prend l’avion le matin même de la compétition et arrive à l’anneau de vitesse une heure et demie avant sa première épreuve de 500 m, qu’il termine au deuxième rang. Le lendemain, il conclut sa deuxième course de 500 m au quatrième rang pour l'assurer du titre mondial sur cette distance.

«C’est vraiment la journée la plus folle de ma carrière et je ne pense pas que je vais en vivre une plus mouvementée que ça.

«Thomas Kroll — le champion olympique du 1000 m et champion du monde de sprint à la suite du forfait de Québécois — m’a dit après la course: ‘Si une personne était capable de faire ça, c’est toi’, a raconté Dubreuil. Tous les patineurs n’en revenaient pas de ma performance. Même moi qui me fais confiance, je n’avais pas vraiment d’attente cette journée-là.

«C’est pour ça que c’est le mon moment préféré de ma carrière. De tout ce que j’ai accompli, c’est cette course-là, cette journée-là, cette semaine-là, que je considère comme le fait saillant de ma carrière. Ça me rend vraiment, vraiment fier.»

Il dit en garder des souvenirs indélébiles.

«J’avais toutes les raisons du monde, toutes les excuses possibles, pour ne pas avoir une bonne course. Il y a plein d’athlètes qui auraient abandonné, qui n’auraient même pas essayé de prendre le départ et ç’aurait été compréhensible.

«Moi, je ne suis pas comme ça, j’aime patiner, j’aime faire des courses. Je savais que mon niveau était bon. En plus d’être capable de finir cette course, j’ai gagné une médaille aux Pays-Bas, devant 10 000 personnes, devant mon épouse et ma fille, j’ai même pu faire un tour d’honneur avec ma fille dans mes bras. C’est l'histoire préférée de toute ma carrière.»

Pour l'amour du sport

Après avoir vécu autant d’émotions en si peu de temps, croit-il qu’il lui sera difficile la saison prochaine de trouver la motivation pour garder sa place au plus haut niveau?

«Ça prend beaucoup de passion pour penser que oui, a-t-il répondu sans hésitation. Mais j’en ai beaucoup et j’adore ce que je fais. Au final, c’est d’être concentré sur la tâche à accomplir, qui n’est pas nécessairement toujours difficile physiquement. Des fois, c’est juste difficile techniquement, mentalement.

«Il faut juste rester dans le moment présent et je suis très bon pour rester dans le moment présent.»

À 29 ans et avec le sentiment d’avoir déjà accompli tout ce qu’il désirait sur la patinoire, il croit que le meilleur est encore devant lui.

 «J’adore ce que je fais. Ce n’est pas parce que je n’ai plus besoin de gagner que je n’ai pas encore envie de gagner. Je suis un gars qui va patiner sans pression et c’est dans ce contexte que je patine le mieux, quand je suis relax et que je ne suis pas inquiet du résultat. C’est l’endroit rêvé pour continuer ma carrière.»

Une carrière qu’il entend prolonger pour au moins un autre cycle olympique.

«Je ne m’imagine pas de prendre ma retraite avant 2026 et je n’exclus pas de continuer après. Ça va dépendre de ma passion, de mes résultats. On vient de voir Charles Hamelin prendre sa retraite à 37 ans. Moi je vais avoir 37 ans en 2030, qui sait?

«On ne sait jamais ce que la vie nous réserve, mais j’aimerais patiner aussi longtemps que je demeure compétitif et que j’aime encore ça. Et j’ai de la difficulté à imaginer un monde dans lequel je n’aime plus ça.