J’attends Daniel!

 

Je suis à l’arrivée de la 22e édition du Marathon SSQ de Québec sur Grande-Allée, tout près du parc George-V. Les feuilles des arbres sont rouges, oranges et brunes. J’aperçois le Parlement de Québec tout près. Il fait 10 degrés. C’est juste parfait.

 

J’ai réussi à me tracer un chemin au milieu des milliers des spectateurs, des bénévoles, des journalistes présents et des nombreux participants qui terminent leurs parcours complètement vidés, mais avec le sourire aux lèvres. Les gens voient l’accréditation de journaliste que je porte au cou et semblent se demander ce que je fais là à attendre. Après tout, les vainqueurs sont arrivés depuis deux heures déjà.

 

« Les émotions étaient difficiles à gérer à la fin »

 

Je dois répéter souvent que j’attends un collègue et ami.  C’est la raison pour laquelle une caméra de RDS est sur place, prête à immortaliser l’événement. Ce coureur s’apprête à réaliser tout un exploit et mérite qu’on parle de lui. Il franchira le fil d’arrivée d’un marathon pour la 100e fois de sa carrière de coureur. Une carrière amorcée sur le tard, mais qui est devenue une passion dévorante.

 

Daniel Lequin, que vous pouvez lire régulièrement sur le site du RDS.ca,  était à la mi-quarantaine lorsqu’il a découvert le plaisir de la course à pied. C’était il y a une vingtaine d’années. La direction du journal où il travaillait venait de lui apprendre que son horaire serait réduit. Compressions budgétaires obligent.

 

Pour passer à travers cet épisode difficile, il s’est rendu dans un centre de conditionnement physique au gymnase du Cégep de Sorel-Tracy et à commencé à courir. Il n’a jamais arrêté depuis.

 

Daniel LequinAprès avoir longuement hésité, il décide de s’inscrire à son premier marathon, celui de Québec, en 1999. Il termine en 4h02. Pas mauvais du tout comme début. Ce n’est donc pas un hasard s’il a choisi la Vieille-Capitale pour son centième. Une belle façon de se rappeler ses débuts. Jamais, à l’époque, il n’aurait cru courir autant de marathons.

 

En 2004, à l’âge de 50 ans, il termine le marathon d’Ottawa en 3h35. Cela lui vaut une qualification pour le mythique marathon de Boston, la Coupe Stanley des coureurs! Au cours des années suivantes, il voyagera partout en Amérique du Nord pour accrocher des médailles supplémentaires à son palmarès. New York, Chicago, Détroit et Philadelphie entre autres. Il ira également en Europe. Paris sera son premier arrêt sur le Vieux Continent.

 

Il n’arrête pas de courir et le fait sans plans d’entraînement précis. Il court, c’est tout. Il ne porte jamais de montres et ignore la longueur de ses parcours d’entraînements.

 

Généreux, il est souvent aux côtés de novices qui participent à un premier marathon. Daniel Lequin est là, calme et rassurant, pour leur dire que tout ira bien, qu’ils sont partis trop rapidement ou que leur souffrance est normale.

 

Pour ce centième marathon, je sais qu’il court avec Maxim Martin, l’humoriste bien connu. Les deux se sont liés d’amitié grâce à la course à pied. Ils n’en sont pas à leur première course ensemble.

 

Je jette un coup d’œil à l’application qui permet de suivre les coureurs à distance et je sais que Daniel arrivera bientôt. Je reçois un message de mon épouse postée à 500 mètres de l’arrivée et qui me prévient qu’elle vient de voir Daniel et Maxim passer sous une banderole annonçant l’exploit de celui que tous appellent par son surnom: Médaille!

 

Daniel Lequin et Maxim MartinLa voix de l’animatrice annonçant les arrivées se fait plus forte. Elle explique aux très nombreux spectateurs qui se sont déplacés en cette magnifique journée automnale le beau moment qui se déroule sous leurs yeux.

 

Et les voilà! Je les aperçois enfin. La veille, Maxim m’avait dit vouloir ralentir dans les derniers mètres et laisser toute la place à Daniel. Mais c’est mal connaître celui-ci. Il prend la main de Max et c’est ensemble qu’ils franchissent le fil d’arrivée. Puis, ils s’enlacent. Les deux amis sont émus. Daniel s’approche de moi et me tombe dans les bras. Je suis tellement fier de lui.

 

Rapidement les photographes et journalistes s’avancent pour immortaliser le moment et parler à Daniel. Il veut qu’on pose des questions à Max et moi également. Daniel n’est pas un homme qui aime que les projecteurs soient ainsi dirigés vers lui. Il veut partager son bonheur avec ses amis.

 

Daniel Lequin et Maxim MartinPendant que Max donne une entrevue, je m’approche de Daniel et lui demande comment s’est passé sa course. « C’était très émouvant. Surtout vers la fin. J’étais submergé par l’émotion et le cœur me débattait. Je réalisais que c’était mon centième. La présence de Max m’a aidé à me calmer. Je me suis même arrêté avec un kilomètre à faire pour vivre le moment. »

 

Maxim me confirme que ce fut une superbe course. Leur rythme était bon et il suivait Daniel. Ce ne sera pas leur dernier marathon ensemble. Pendant que je réponds aux question d’un journaliste, je perds de vue Daniel. Les coureurs qui terminent sont trop nombreux. J’ai le temps de saluer Max, qui est rejoint par sa fille Livia, avant de quitter en direction de Montréal.

 

Mon épouse conduit, j’en profite pour écrire ce texte.

 

8 212 coureurs s’étaient inscrits aux différentes distances à l’horaire (1 297 au marathon, 3 196 au demi-marathon, 2 488 au 10 kilomètres, 891 au 5 kilomètres et 340 au 2 kilomètres). Je connaissais beaucoup de ces coureurs à qui je dis un immense bravo pour leurs résultats. Bravo également à la direction du marathon. Je n’ai que de bonnes choses à dire sur l’événement.

 

Pourtant, c’est par des salutations et des félicitations sincères à mon ami Daniel Lequin que je termine cette chronique. Je ne sais pas combien de marathons il a encore dans les jambes, mais ne comptez pas sur lui pour s’arrêter à 100! Cet homme humble et attachant continuera d’inspirer plusieurs personnes au cours des prochaines années. Moi le premier.

Bravo Médaille!

Daniel Lequin

 

« Daniel est un exemple pour tous »