BUDAPEST, Hongrie – Une enquête explosive portant sur la Fédération internationale d'haltérophilie a démontré que le dopage était dissimulé et que des millions de dollars manquent toujours dans les coffres de l'organisation, a annoncé jeudi l'enquêteur en chef au dossier, le Canadien Richard McLaren.

Ce dernier a souligné que 40 tests antidopage positifs ont été « dissimulés » dans les registres de l'WF, et précisé que les athlètes dont les dossiers ont été reportés ou dissimulés avaient éventuellement décroché une médaille aux Championnats du monde et dans d'autres compétitions internationales. Ces dossiers ont été acheminés à l'Agence mondiale antidopage (AMA), dont le siège social est situé à Montréal.

McLaren a ajouté que l'ex-président de l'IWF, Tamas Ajan, était un « despote » qui gardait son conseil d'administration dans l'ignorance au chapitre des finances. Ajan a reçu des pots-de-vin, certains allant jusqu'à 100 000 $, déguisés sous forme d'amendes distribuées aux fédérations nationales ou encore aux commanditaires, selon McLaren. Lors d'un voyage en Thaïlande, Ajan a même amassé plus de 440 000 $, selon le rapport.

Il manquerait ainsi 10,4 millions $ dans les coffres de l'IWF.

« Tout le monde était gardé dans l'ignorance au chapitre des finances, grâce à l'utilisation de comptes bancaires secrets (et de virements), a dit McLaren. Certains montants apparaissent dans les registres, d'autres pas. »

McLaren a souligné qu'Ajan « a permis que les élections (au sein de la fédération) soient influencées par certains acteurs », afin d'assurer son emprise sur le poste de président et la promotion de ses sympathisants. D'importants retraits bancaires étaient effectués avant les congrès de la fédération, a poursuivi McLaren, avant d'ajouter que des électeurs recevaient des pots-de-vin et devaient photographier leur bulletin de vote pour prouver leur loyauté.

Ajan, qui est âgé de 81 ans, a démissionné en avril, mettant ainsi un terme à une carrière de 20 ans à la tête de l'IWF – et de 44 ans à occuper divers postes au sein de l'organisation. Un mois avant l'annonce de son départ, il avait aussi abandonné son statut de membre honoraire du Comité international olympique (CIO).

Quelques heures après le dévoilement du rapport, le CIO a déclaré que les conclusions de McLaren étaient « profondément préoccupantes ».

« Nous sommes reconnaissants envers le professeur McLaren d'avoir reconnu notre coopération dans cette enquête. Comme il est écrit dans le rapport, le CIO a, au cours des trois dernières années, demandé à l'IWF de réformer son programme antidopage. En ce sens, le CIO a déjà considérablement réduit le quota d'haltérophiles admis aux Jeux olympiques de Tokyo, et il a inclus provisoirement l'haltérophilie dans le programme des Jeux olympiques de Paris en 2024, à condition que des réformes soient adoptées dans le programme antidopage et la culture même du sport », pouvait-on lire dans un communiqué du CIO.

L'enquête de McLaren a été déclenchée en janvier lorsque la chaîne allemande ARD a rapporté des irrégularités financières au coeur de la fédération et de possibles dissimulations de cas de dopage.

McLaren, un professeur de droit canadien, fut l'enquêteur en chef de l'AMA dans le dossier du scandale de dopage institutionnalisé en Russie. Il a aussi agi à titre de juge au Tribunal arbitral du Sport.

La réputation de l'IWF, sous la gouverne d'Ajan, avait déjà été entachée par des dizaines de cas de dopage aux stéroïdes relevés lors de la reprise des tests antidopage sur les échantillons B prélevés aux Jeux olympiques depuis 2008.

L'enquête se concentrait sur la période allant de 2009 à 2019. McLaren a indiqué qu'il avait entendu parler d'allégations d'inconduite qui remontaient aux années 1980, mais qu'il avait choisi de se concentrer sur les dernières années afin de dénicher des preuves accablantes.

L'AMA a déclaré qu'elle accueille favorablement les conclusions de McLaren.

« Dès que l'AMA aura obtenu l'opportunité d'analyser les preuves et le rapport complet, alors elle se concentrera sur les démarches appropriées à entreprendre », pouvait-on lire dans un communiqué.