OTTAWA – Quand Phillippe Aumont lui répétait qu’il en avait fini avec le baseball, que ce sport ne faisait que l’accrocher à une vie qui n’était pas faite pour lui, Sébastien Boucher l’écoutait sans trop le contredire en se disant que le temps finirait bien par faire son œuvre.

« Quand tu arrives au mois d’avril, la piqûre te pogne, dit Boucher. Il y a du baseball un peu partout. Quand tu allumes la télé et que tu connais ce gars-là, ce gars-là et ce gars-là, ça commence à te tenter de jouer toi aussi! »

Le frappeur désigné et entraîneur des Champions d’Ottawa sait de quoi il parle. Il avait le même âge qu’Aumont lorsqu’il a été renvoyé à la maison lors de la toute dernière journée du camp d’entraînement de la formation AAA des Orioles de Baltimore en 2009. Un beau jour, son agent l’assurait qu’il faisait toujours partie des plans de l’organisation. Le lendemain, il se retrouvait devant rien.

« Je m’étais toujours dit, depuis que j’étais tout jeune, que j’étais un joueur de baseball. À 28 ans, je n’avais jamais rien fait d’autre. J’avais étudié en informatique à l’université, mais je n’aurais pas trop su quoi faire avec ça! », racontait l’ancien choix de septième ronde des Mariners de Seattle lorsque RDS l’a rencontré dans les quartiers généraux des Champions.

« C’est sûr que tu ne veux jamais t’éloigner du monde du baseball. Une fois que tu t’es réconcilié avec tes échecs, tu passes par-dessus et tu réalises qu’il y a d’autres façons d’y réussir que juste les ligues majeures. »

C’est ce que Boucher essayait de faire comprendre à Aumont quand ce dernier venait donner un coup de main à son école de baseball affiliée à la polyvalente Nicolas-Gatineau.

« Il n’était pas en shape cet hiver, il niaisait avec les élèves et de temps en temps, il touchait 95 miles à l’heure sans même essayer. C’est comme, allô! Tu l’as, l’affaire! », relate l’enseignant, qui croit qu’un rôle de mentor auprès des jeunes est un remède idéal pour un pro en proie aux doutes.

« Quand tu enseignes à un jeune, tu veux lui montrer la bonne façon de jouer au baseball, mais tu veux aussi qu’il s’amuse. Tu veux qu’il comprenne qu’une réussite, c’est vraiment un gros boost mais qu’après un échec, si c’est normal d’avoir un petit down, tu as toujours la chance de te reprendre. Quand tu retournes ensuite dans ton milieu professionnel, tu repenses à tout ça et tu te dis qu’il faudrait bien que tu appliques ce que tu essaies d’apprendre aux autres! C’est sûr que ça aide. »

La première étape était donc de rappeler à Aumont que le baseball pouvait être synonyme de plaisir. La deuxième était de lui faire réaliser à quel point il pourrait en avoir avec les Champions.

« Je me doutais qu’il finirait par se laisser convaincre, mais j’essayais de ne pas trop lui mettre de pression. Si c’était vraiment fini pour lui, j’allais respecter ça. Mais si jamais il décidait qu’il voulait continuer, il y avait une petite perche de tendue juste pour lui. S’il la prenait, tant mieux, et c’est ce qu’il a fini par faire! »

« Je vais toujours avoir le goût de jouer »

Sébastien Boucher, lui, s’amuse toujours comme un petit fou autour du losange. Sur une ardoise accrochée à un mur de la galerie de presse du Parc RCGT, lundi, son nom était inscrit à l’encre noire au sommet la liste des participants au concours du coureur le plus rapide précédant le match des étoiles de la Ligue Can-Am.

À 35 ans, l’ancienne gazelle des Capitales de Québec a peut-être déjà été plus svelte, mais il tire encore son épingle du jeu dans un circuit qu’il a appris à connaître il y a déjà neuf ans.

« Je me rappellerai toujours de Québec comme l’endroit qui m’a redonné le goût de jouer au baseball, dit celui qui a participé à la conquête de cinq championnats consécutifs dans la Vieille Capitale. Quand je suis arrivé là-bas, je me disais que c’était probablement pour ma dernière saison de baseball, mais j’ai fait huit autres années depuis ce temps-là et ça me tente encore de jouer. C’est dans cette ville que j’ai recommencé à jouer pour l’amour du sport. »

Après six années en basse ville, Boucher a profité de l’arrivée des Champions dans la Ligue Can-Am pour se rapprocher de la maison.

« La saison 2014 aurait été ma dernière à Québec de toute façon, mais la naissance des Champions m’a offert une opportunité de continuer à jouer tout en contribuant à la popularité du sport dans ma ville natale. Je pense que j’ai réussi à le faire un peu à ma manière. La franchise grandit... et ma blonde est contente! »

Le père de deux enfants sait bien que la fin approche. Cette saison, il a délaissé la position de voltigeur de centre et consacre plus de temps, pendant les matchs, à son rôle d’instructeur. Néanmoins, les chiffres prouvent qu’il est encore capable de faire la barbe aux plus jeunes. Il ne lui manque que 33 coups sûrs pour atteindre le plateau des 100 pour la quatrième fois de sa carrière dans la Can-Am.

« Ça fait peut-être trois ou quatre ans que je prends ça une année à la fois. C’est difficile de prendre la décision d’arrêter, surtout quand tu as une bonne saison. J’ai encore le goût de jouer. Je pense que je vais toujours avoir le goût de jouer. »