La troisième édition de la Classique mondiale de baseball se mettra en branle dans les prochains jours et comme vous l’avez appris dimanche, je n’aurai pas l’opportunité de représenter le Canada comme ce fut le cas en 2009.

Lors de mon passage dans L’antichambre en novembre dernier, j’avais mentionné la ferme intention d’évoluer au poste d’arrêt-court lors de ce tournoi qui regroupe les 16 meilleures nations de la planète. Même si cette décision semblait peut-être farfelue au départ, elle était mûrement réfléchie. En effet, le défi de jouer à l’inter m’emballait, je sentais que j’étais en mesure de le relever avec brio. Croyez-moi, si je n’avais pas été certain de bien m’adapter à cette position de l’avant-champ, je n’aurais jamais fait cette demande.

Plusieurs personnes l’ignorent, mais l’arrêt-court représente en quelque sorte ma position naturelle. C’est à cet endroit que j’ai appris à jouer au baseball jusqu’à l’âge de 17 ans où l’on m’a muté au troisième coussin. Durant mes années au College et pendant mon passage dans la Gulf coast league, j'ai occupé le poste de troisième-but. Plus tard, j’ai découvert le poste de receveur, la position la plus exigeante sur un terrain de baseball, selon moi. J’y ai mis beaucoup d’ardeur pour apprendre les rudiments du métier et parvenir où je suis rendu actuellement dans ma carrière. Or, je sais que j’aurais mis autant d’énergie pour retrouver cette place à l’arrêt-court et c’est clair que j’aurais tout fait pour épater le monde du baseball. Mais surtout, j’y aurais mis tout mon cœur pour aider mon pays à gagner. Je crois grandement en mes habiletés de joueur d’arrêt-court, et ce, même si je n’ai jamais joué à cette position au plan professionnel.

Malheureusement, les dirigeants des Pirates n’étaient pas totalement à l’aise avec l’idée de me voir évoluer à l’arrêt-court, craignant les risques de blessures. Je mentirais si je vous disais que je n’étais pas déçu par la tournure des événements : je trouve ça dommage, car je ne pense pas qu'on aurait refusé à Joe Mauer une demande semblable au sein de l'équipe américaine.

Cependant, je ne garde pas d'amertume envers l’organisation des Pirates. En fait, je respecte leur décision pleine de sagesse. En quelque part, les dirigeants ont investi beaucoup d’argent en moi lors de la saison morte, ils ne veulent pas que je me retrouve sur le carreau avant même que la saison s’amorce. Les Pirates ont choisi de me faire confiance en m’accordant un contrat de deux ans et je n’ai pas l’intention de les décevoir.

Pourquoi pas derrière le marbre?

De prime abord la décision peut sembler égoïste, mais je ne voulais pas me retrouver derrière le marbre lors de la Classique mondiale. Pour l’avoir vécu en 2009, c’est une tâche extrêmement exigeante de diriger des lanceurs que tu ne connais pas et en plus, il est difficile de récupérer de ces 20 à 30 manches une fois la saison du Baseball majeur commencée. Je sais que bien des Canadiens réclamaient que je sois le receveur numéro un du pays, mais ça demande tout simplement trop d’efforts; je ne voulais pas me retrouver dans cette situation de nouveau.

De plus, l’idée de vivre autre chose m’emballait. J’étais anxieux de représenter mon pays et je suis certain que j’aurais eu beaucoup de plaisir. C’est dommage de devoir mettre une croix sur ce projet à moins de 15 jours des premiers matchs de la Classique. Fatigué mentalement et meurtri physiquement à la fin de la dernière saison, j’avais choisi de mettre cartes sur table en annonçant promptement à Équipe Canada que le poste de receveur ne m’intéressait pas. C’était clair dans ma tête que si je représentais mon pays en 2013, ce serait à l’arrêt-court. Rien d’autre.

Le point positif dans toute cette histoire, c’est que ça permettra à un jeune joueur comme Cale Iorg - un espoir des Tigers de Detroit – de patrouiller le poste d’inter lors de l'ouverture du championnat le 8 mars. Chris Robinson de London, qui appartient aux Orioles de Baltimore, devrait quant à lui être le receveur numéro un de l'équipe. Ces deux jeunes Canadiens auront la possibilité de démontrer ce qu’ils ont dans le ventre et de se faire un nom. Qui sait, les portes des Majeures s’ouvriront peut-être plus rapidement après la Classique. On découvrira peut-être de nouveaux talents qui feront vivre de beaux moments aux amateurs, comme ce fut le cas avec Phillippe Aumont en 2009.

C’est ce que je souhaite. J’aime mon pays et mes partisans et malgré mon renoncement, comptez sur moi pour encourager le Canada.

La clé du succès sera de compétitionner comme s’il s’agissait des séries éliminatoires du mois d’octobre. En aucun temps on ne doit accepter la défaite. C’est la seule manière de remporter un tel tournoi... et s’ils désirent des conseils sur les alignements adverses, il me fera plaisir de leur en donner.

Pas de regrets 

Bien installé depuis quelques semaines Russell Martin au camp des Pirates à Bradenton, je peux maintenant placer toute mon attention sur la saison à venir. Ce n’est jamais évident de se greffer à une nouvelle équipe, mais je juge que j’apprends vite à connaître mon nouveau personnel de lanceurs. Cependant, je suis loin d’avoir tout assimilé.

Le fait de rester au camp des Pirates n’est donc pas une si mauvaise chose en soi. Je vais travailler d’arrache-pied et redoubler d’efforts avec les artilleurs des Pirates et ceux qui tentent de se tailler un poste. Plus je passerai de temps à me préparer avec eux, plus la complicité sera bonne et c’est ce qui compte avant d’entamer une si longue saison. J’aurais sans doute eu de la difficulté à m’adapter si j’avais passé 15 jours loin de mes coéquipiers sans la possibilité de communiquer avec eux.

Mon objectif sera d’emmener une atmosphère joyeuse et amusante dans le clubhouse, comme c’était le cas avec les Yankees et d’aider à faire gagner cette jeune équipe des Pirates.

*Propos recueillis par Nicolas Dupont, avec la collaboration d'Ivan Naccarata