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RÉSULTATS

Charles Leblanc revient sur l'euphorie de son 1er week-end chez les Marlins

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D'affirmer que Charles Leblanc s'est armé de patience depuis son arrivée dans les ligues de développement du baseball majeur en 2016 serait un sous-entendu.

Soit, le baseball de haut niveau étant ce qu'il est, ce n'est rien d'inhabituel pour un jeune joueur de position de devoir gravir méthodiquement les échelons avant d'obtenir cette première chance de se mesurer aux meilleurs au monde.

Ça joue du coude pour les quelques places disponibles tout en haut – encore davantage depuis que les clubs recrutent massivement dans les pays d'Amérique latine et en Asie.

C'est ainsi que plusieurs ont finalement échoué, malgré tous les efforts et sacrifices consentis. Mais Leblanc, lui, n'a jamais cru que son rêve n'était qu'un mirage, même après six saisons sans avoir pu goûter aux Ligues majeures.

Son obstination a finalement rapporté, le 30 juillet, alors qu'il est devenu le 36e Québécois à disputer une rencontre de la MLB.

Affichant depuis le mois d'avril des statistiques dignes d'un joueur étoile dans les rangs AAA (une moyenne au bâton de ,302 avec 14 circuits et 20 doubles en 87 matchs), Leblanc n'avait, pour ainsi dire, laissé aucun autre choix à l'état-major des Marlins de Miami.

Ça ne veut pas dire pour autant qu'il s'était préparé à l'ouragan d'émotions qu'il allait vivre en l'espace de 72 heures.

« J'étais dans l'abri, une trentaine de minutes avant le début du match (du Jumbo Shrimp de Jacksonville). On affrontait le club-école des Braves, en Géorgie. C'est mon habitude d'être là de bonne heure dans l'abri. Je fais mes affaires et l'entraîneur des frappeurs arrive du tunnel et me dit ‘Le skipper [NDLR : le gérant Daren Brown] veut te voir.' Je le regarde et je lui dis : ‘Pas de mauvaise blague s'il te plaît!' », raconte-t-il avec le sourire, dans un généreux entretien accordé à RDS.

« J'entre dans le bureau du coach et il me dit qu'il avait reçu un appel des Marlins et que je n'allais pas jouer ce soir-là. Il ne pouvait pas m'en dire plus. Alors je me dis : ‘OK, avec la date limite des transactions qui approche, ça pourrait soit être un rappel ou un échange'. J'ai passé la partie au complet sur le banc, à ne pas savoir ce qui se passait. Disons que ç'a été parmi les 2 heures 40 les plus longues de ma vie! »

Le suspense a continué de peser lourd pendant de longues minutes après le match du Jumbo Shrimp, de sorte que Leblanc préparait sa sortie de l'édifice au vestiaire sans savoir ce qui se tramait.

« Juste au moment où j'allais quitter, on me dit que le coach veut me revoir », ajoute-t-il.

Cette fois, dans le bureau de son instructeur, on l'informe que son nom est ajouté à l'escouade de réserve des Marlins, c'est-à-dire le groupe de joueurs qui voyagent avec le club, prêts à tout moment à intégrer la formation d'urgence si une blessure ou un test positif à la COVID-19 survient, par exemple.

« Sur le coup, c'était des émotions mitigées. D'un côté, ce n'est pas ce à quoi je m'attendais, mais de l'autre, c'était une opportunité de pratiquer avec l'équipe et que les coachs puissent me voir frapper. »

« Félicitations, tu es un joueur des ligues majeures! »

Transporté en avion directement au domicile des Marlins vendredi, en fin de matinée, le Québécois fait connaissance avec le vétéran gérant Don Mattingly. La discussion est respectueuse et brève.

Une demi-heure plus tard, Leblanc trouve curieux qu'un membre du personnel des Marlins vienne l'aviser que l'entraîneur souhaite lui parler à nouveau.

« (Mattingly) s'est juste levé de son bureau et est venu me serrer la main, en me disant : ‘Félicitations, tu es un joueur des ligues majeures!' »

Le temps de le dire, Leblanc accompagnait l'adjoint au directeur général, qui allait lui faire signer la paperasse officialisant son contrat avec les Marlins.

Envahi par l'émotion, Leblanc souhaite annoncer la grande nouvelle à ses proches, mais fait plutôt cocasse, il n'arrive à joindre ni son père, ni sa mère, ni son agent au téléphone. C'est finalement sa sœur Jacynthe qui a été la première à partager la joie de celui qui allait enfin réaliser son rêve d'enfance, après 2083 présences au bâton dispersées dans divers clubs affiliés aux Rangers du Texas et aux Marlins.

L'annonce du rappel de Charles a ensuite rapidement fait le tour de son entourage, qui n'a pas hésité un instant à faire les arrangements nécessaires pour être au LoanDepot Park dès lendemain – c'est à-dire un vol matinal en provenance de l'aéroport Pierre-Elliott Trudeau, le tout avec une escale à Atlanta – alors que les Marlins y accueillaient les Mets de New York.

Même qu'un groupe de trois de ses anciens entraîneurs au niveau secondaire, particulièrement motivés, ont pris les grands moyens pour être du rendez-vous, laissant tout de côté pour effectuer en voiture le trajet de 28 heures jusqu'à Miami.

Leblanc explique être parvenu à ne pas être trop déstabilisé par son nouvel environnement. Après tout, quelques-uns des partants de la formation des Marlins avaient été ses coéquipiers à Jacksonville plus tôt cette année. D'autres étaient brièvement passés dans les rangs AAA en raison d'une période de remise en forme. C'était beaucoup de visages familiers, de quoi apaiser ses appréhensions.

Mais c'est lorsqu'il a déposé le pied sur la surface de jeu, samedi après-midi, pour son baptême de feu, que l'athlète originaire du quartier Sainte-Dorothée à Laval a réellement compris en quoi l'aventure qui l'attendait allait être du jamais-vu.

« Il devait y avoir environ 25 000 fans qui étaient là pour encourager les Mets! C'est vraiment différent!, concède-t-il

« Mon niveau de stress devait être de 15 sur 10, bien honnêtement. À ma première présence au bâton, je me suis fait passer sur trois lancers. Je sentais mon cœur débattre dans ma poitrine et ma gorge était nouée. Tout se passait vite. »

Tranquillement, au fur à mesure que progressait le match, Leblanc a fini par retrouver ses jambes, qui l'avaient déserté.

À sa deuxième apparition à la plaque face au vétéran droitier Carlos Carrasco, c'est à nouveau un retrait sur décision qui l'a contraint à retourner bredouille vers l'abri. Cette fois cependant, il avait le sentiment d'avoir mieux jugé la qualité des tirs qui lui avaient été servis.

« J'ai réussi à ne pas m'élancer sur deux balles tombantes.

‘OK, ce gars-là est payé pas mal plus cher que moi pour faire ce qu'il fait, mais ça reste du baseball. Ça se passe plus vite, c'est plus bruyant, mais c'est la même game », s'est-il encouragé en s'éloignant du marbre.

C'est ainsi qu'à sa troisième confrontation face à Carrasco, qui approchait les 100 lancers sans avoir concédé grand-chose aux Marlins, Leblanc a savouré son premier coup sûr dans les Majeures, un solide double au champ opposé qui a donné contre la clôture après deux bonds.

Il faut dire que précédemment, en 7e manche, le Québécois avait réussi à s'illustrer défensivement à sa position de troisième-but, alors qu'il avait plongé à sa gauche pour priver Tomas Nido d'un simple potentiel. 

« Je n'avais pas encore eu de balle frappée vers moi. Jusque-là, je ne faisais que courir vers le 2e but depuis le début du match. Tous les joueurs qui graduent dans les Majeures te diront que lorsque ton premier coup sûr est derrière toi, ou ton premier jeu défensif pour un retrait, c'est plus facile de relaxer. Dans mon cas, ça n'a pas été un jeu qui a demandé de penser, car la balle n'était pas directement sur moi. Ç'a été un jeu d'instinct : je plonge, je ramasse la balle, je m'en débarrasse. Je suis content que ça se soit passé comme ça, car ça m'a permis de ne pas me mettre dans mon propre chemin. »

L'euphorie du 1er circuit

Le lendemain, Leblanc constate à son arrivée dans le vestiaire que son nom a été devancé d'un rang dans l'ordre des frappeurs, de 9e à 8e.

Nettement en meilleur contrôle de ses émotions – « un 6 sur 10 de nervosité cette fois plutôt que 15 » –, il va connaître une performance dont il se souviendra à jamais.

Cette fois, il est opposé à Taijuan Walker, qui lui fait plier les genoux pour un retrait sur des prises en 3e manche.

« C'est plus facile de se montrer agressif face à certains lancers lorsque tu as un historique face à un lanceur », fait-il remarquer.

« Je savais dans le cas de (Walker) que si j'étais capable de me retenir de m'élancer devant ses lancers bas, j'allais éliminer une partie de son arsenal. J'ai bataillé pour ramener le compte à deux balles, deux prises. »

Et c'est là, en 6e manche, que le temps s'est arrêté pour le no 83 des Marlins.

« Il m'a envoyé une balle fronde (splitter) qui est restée plus haut dans la zone. J'ai été capable d'y mettre un très bon élan, et dès que le contact s'est fait, je savais qu'elle allait traverser la clôture! »

Il a alors joggé autour des sentiers, en prenant soin, entre les 2e et 3e coussins, de pointer en direction de ses proches, incrédules d'avoir pu vivre ce moment en personne.

« J'ai juste apprécié le moment. Le jeu de lumières qui décolle après un circuit, les cris de la foule. C'était débile! »

Déjà, Leblanc avait annoncé ses intentions à la manche précédente, claquant un puissant double qui était tout juste tombé à la piste d'avertissement, à quelques pieds d'une première longue balle en carrière.

« J'y ai cru, à celle-là aussi, au moment du contact. Je la regardais aller et je devais me dépêcher en même temps pour me rendre jusqu'au 2e but. Mais la suivante, c'était un feeling différent. J'ai tout de suite su. »

Rien ne sert de se projeter trop loin

Depuis, Leblanc a pris part à une 3e rencontre dans l'uniforme des Marlins, lundi, contre les Reds de Cincinnati, toujours devant sa famille, qui a regagné Montréal durant la journée de mardi. Il a ajouté un 4e coup sûr à sa récolte, ce qui lui permet d'afficher une moyenne au bâton de ,364.

Sagement, il refuse pour l'instant de se poser trop de questions. Le séjour se prolongera-t-il? Qu'arrivera-t-il lorsque des joueurs réguliers des Marlins tels que Garrett Cooper, Jazz Chisholm et Brian Anderson retrouveront la santé? Ça lui importe peu pour l'instant.

« De toute façon, ce n'est pas quelque chose dont les équipes parlent, surtout pas à quelques heures de la date limite des échanges. (…) C'est la réalité du baseball professionnel, et je ne peux pas contrôler cet aspect, alors je préfère ne pas y penser. »

Ce que Charles Leblanc contrôle toutefois, c'est sa capacité à démontrer aux Marlins qu'il peut performer avec constance, afin de forcer leur main.

« Je me concentre sur ma préparation physique et mentale, en espérant de continuer de bien faire », conclut-il.