MONTRÉAL – Si vous lui aviez posé la question au début du mois d’avril, Charles Leblanc vous aurait répondu qu’il s’attendait à connaître une bonne première saison dans l’organisation des Marlins de Miami.

Cette confiance reposait d’abord sur la façon dont il avait terminé l’été précédent avec la filiale AAA des Rangers du Texas. Après un lent départ occasionné par les modifications qu’il avait décidé d’apporter à son élan, il avait ajouté 30 points à sa moyenne au bâton dans les six dernières semaines du calendrier et terminé l’année avec 17 circuits.

Après avoir consolidé ces bonnes sensations durant la saison morte, qu’il a passée en partie sous le chaud soleil d’Aruba et de la Californie, le Lavallois s’est présenté au camp d’entraînement en grande forme.

« J’étais capable de driver la balle dès le premier jour, racontait Leblanc lundi. D’habitude, ça me prend tout le temps une quinzaine, une vingtaine de présences au bâton avant de trouver mon synchronisme. Mais cette année, tout a cliqué vraiment vite. À ce moment-là, je savais que ça irait bien pour moi cette année. »

« Mais c’est sûr que quand tu regardes des chiffres comme ceux que j’ai mis jusqu’à maintenant... c’est un peu des chiffres de jeux vidéo, t’sais? »

Leblanc n’exagère pas lorsqu’il dit que ses statistiques sont hors normes. Après six semaines avec le Jumbo Shrimp de Jacksonville, principale équipe-école des Marlins, le cogneur de 25 ans est l’un des joueurs les plus menaçants de la Ligue internationale. Sa moyenne au bâton de ,352 et son OPS – la somme de sa moyenne de présence sur les buts et de sa moyenne de puissance – de 1,010 le placent au troisième rang parmi ses pairs, ses 27 points produits au cinquième rang. Il a commencé sa saison avec deux circuits en autant de matchs et en totalise déjà sept.

« J’ai changé mon swing de A à Z »

Des points faibles? Difficile d’en trouver quand un joueur traverse une séquence de 13 matchs avec au moins un coup sûr. Lorsque celle-ci a pris fin samedi dernier contre Nashville, il s’agissait de la première fois que Leblanc n’atteignait pas les sentiers depuis le 15 avril.

Au-delà des coups sûrs, Leblanc met simplement la balle en jeu avec plus de constance. Victime de 131 retraits au bâton en seulement 332 apparitions en 2021, il a jusqu’ici réduit de 10% ses déchets à la plaque.

« À un moment donné, je parlais avec mon coloc, un lanceur, qui me disais : "Hey, dans l’enclos l’autre jour on se demandait c’était quand la dernière fois que t’étais pas embarqué sur les buts?" J’ai pris un pas de recul et je me suis mis à réfléchir. Même moi je ne me rappelais pas et ça m’a permis de mettre tout ça en perspective. »

« Tous les athlètes ont une espèce de "zone", dans le fond, comme dans "For Love of the Game" avec Kevin Costner. Quand tu entres dans cette zone, tu ne penses plus à rien. L’action arrive et je laisse mes habiletés, mes sens réagir à ce qui se passe en avant de moi. Je n’ai pas besoin de penser. Et je pense que depuis le début de la saison, j’ai fait une bonne job pour me préparer mentalement pour justement être capable d’arriver dans cette zone un peu plus fréquemment. »

Tout près des majeures

Plus que par ses chiffres, Charles Leblanc se démarque aussi par sa polyvalence dans sa route vers les ligues majeures. Depuis le début de la saison, l’ancienne vedette de l’Université de Pittsburgh a été inséré à chacun des quatre premiers rangs de l’ordre des frappeurs. Il a aussi dû ravaler son orgueil et aller frapper au septième rang.

« Tout revient au mental. C’est facile d’arriver au terrain et de se dire : "Je suis un des frappeurs les plus hots sur l’équipe, pourquoi je frappe aussi bas dans le lineup?" La réalité, c’est que ce n’est pas toi qui décides de l’alignement. Souvent, ce n’est même pas le gérant qui décide! Si tu te laisses distraire par ça, tu ne t’aides pas en tant que personne et tu ne t’aides pas dans l’atteinte de ton objectif. »

Même chose en défensive. Au camp d’entraînement, le coordonnateur de l’avant-champ est venu voir son nouveau protégé pour connaître ses préférences. Quand Leblanc lui a dit qu’il n’en avait pas, il a insisté. Il a obtenu la même réponse. Depuis le début de la saison, le Québécois a donc évolué au troisième but, au deuxième but et même au champ gauche. Dans le passé, on l’avait aussi vu au premier but et à l’arrêt-court.

« J’ai vraiment hâte de recevoir l’appel »

« C’est un peu ce qui se passe depuis que je suis avec les Marlins. Je dis que je vais jouer où on a besoin de moi. Je veux être le plus polyvalent possible. Tant qu’il y a une place pour moi dans la formation, je vais faire de mon mieux pour être digne de cette confiance. »

Cette attitude, combinée aux statistiques hallucinantes mentionnées plus haut, devrait logiquement lui valoir un rappel des Marlins plus tôt que tard. Il deviendra alors le deuxième joueur québécois actif dans le baseball majeur avec Abraham Toro des Mariners de Seattle.

Mais quand? Sur les réseaux sociaux, des partisans s’impatientent. Depuis le début de la saison, les Marlins ont dû composer avec quelques blessures à des joueurs d’avant-champ. Erik Gonzalez, un vétéran de 30 ans qui connaissait lui aussi des bons moments à Jacksonville, a eu sa chance. Joe Dunand, un choix de deuxième ronde de l’organisation en 2017, a ensuite obtenu la sienne. Leblanc attend encore.

« Ça revient à ce que je disais tantôt : le pire ennemi d’un joueur de baseball, c’est son ego, dit-il sagement. La game est assez dure comme ça. Si tu n’es pas capable d’être humble quand ça va bien, ça va être quoi quand tu vas mal performer? Et puis, il y a beaucoup de choses que le monde en général ne sait pas derrière les histoires de rappel. »

« Comprends-moi bien! C’est sûr que j’ai vraiment hâte de recevoir l’appel et d’aller faire mes affaires en haut, conclut-il. Mais je ne peux pas contrôler ce que l’organisation décide. »