MONTRÉAL - Alex Anthopoulos flotte encore sur un nuage. Mais il s'apprête déjà à reprendre le boulot.

« Le défilé est (vendredi); dès samedi, je vais me remettre au travail, a-t-il dit lors d'une visioconférence organisée par les Braves à l'intention des médias québécois, jeudi. Aussi heureux que je sois présentement - et croyez-moi, je suis sur un nuage présentement - si je ne fais pas le boulot l'an prochain, je vais en entendre parler. »

Ça ne devrait pas être un gros problème pour le Montréalais de 44 ans. Cette conquête de la Série mondiale, alors que son club avait été éliminé par pratiquement tous les experts à la suite de la blessure au genou subie par Ronald Acuna au début de juillet, qui l'a tenu à l'écart pour le reste de la saison. Au lieu de vendre ses meilleurs éléments, comme la plupart des directeurs généraux du Baseball majeur s'attendaient, Anthopoulos a plutôt renfloué sa banque de joueurs.

Il est allé chercher Jorge Soler, Joc Pederson, Eddie Rosario et Adam Duvall, qui ont tous eu un rôle clé dans la victoire des Braves.

« Je dois donner tout le mérite aux joueurs, qui ont tellement bien joué pour nous après avoir connu de moins bonnes saisons avec leurs clubs respectifs. Adam Duvall avait eu de bons moments avec les Indians, comme Joc Pederson avec les Cubs. Le travail que les quatre joueurs ont fait pour nous, spécialement en séries, c'est incroyable.

« Tu ne peux toutefois pas savoir quand tu fais une transaction que tu vas aller chercher le joueur par excellence de la série de championnat (Rosario) et le joueur par excellence de la Série mondiale (Soler). Tu espères qu'ils vont bien jouer, mais ce qu'ils ont fait est incroyable. »

Ses pairs ne devraient pas être surpris: il n'a fait qu'appliquer ce qu'il a appris chez les Blue Jays et les Dodgers.

Un produit... des Expos

Anthopoulos, c'est maintenant abondamment documenté, a amorcé cette brillante carrière comme stagiaire non rémunéré chez les Expos, qui lui ont ensuite confié d'importants mandats de dépistage. Il est maintenant un des dirigeants sportifs les plus estimés du continent, qui a une grande influence sur d'actuels dirigeants sportifs, comme Maxime Lamarche, directeur général de Baseball Québec, ou encore les dirigeants de demain, qui étudient présentement le management du sport aux HEC Montréal.

« Ça me touche d'entendre que je puisse avoir une influence sur les gens. Je suis fier s'il y a de jeunes personnes qui pensent à se diriger dans le sport à cause de moi. C'est vraiment incroyable pour moi de voir que des Montréalais, des Québécois, des Canadiens sont fiers de constater que c'est possible de travailler dans le sport. Ça me touche beaucoup. Je ne crois pas comprendre entièrement cela, mais ça me bouleverse. »

S'il avait un conseil à donner à ces gens, ce serait de travailler toujours avec passion.

« Faites quelque chose que vous aimez. Soyez humble et soyez un bon joueur d'équipe. Les gens doivent aimer travailler avec vous. Si vous aimez ce que vous faites, vous allez sûrement devenir meilleur. Si vous êtes humble, les gens voudront travailler avec vous et si vous êtes un bon coéquipier, les gens voudront vous aider. »

Il a lui-même eu la chance de travailler avec des gens qui l'ont inspiré au fil des ans.

« Il y a tellement de gens avec qui j'ai travaillé qui m'ont aidé. Dana Brown et Claude Delorme avec les Expos. Claude est celui qui a pris mon appel et m'a donné le numéro de Jim Beattie. Omar Minaya, J.P. Ricciardi et Paul Beeston (chez les Jays). (Le président) Terry McGuirk avec les Braves a été très bon avec moi. Mais je ne suis pas certain que je voudrais imiter le travail d'une seule de ces personnes. J'ai essayé de prendre ce que chacune de ces personnes faisaient de bien. Il y a tellement de gens qui m'ont aidé et j'ai eu la chance de travailler avec d'excellents employés. »

Il souhaite le retour des Expos

Anthopoulos, qui n'a pas pu fêter avec ses joueurs en raison d'un test positif à la COVID-19 subi plus tôt cette semaine, est de ceux qui souhaitent un retour du baseball à Montréal, même si cela doit passer par une garde partagée des Rays de Tampa Bay.

« Peu importe la façon dont le baseball reviendrait à Montréal, je vais être excité. Je crois que ce serait incroyable pour la ville, pour la ligue, même pour les Blue Jays. D'avoir une équipe proche, ce serait extraordinaire. J'espère que ça va arriver. »

Voudrait-il y poursuivre sa carrière?

« Quand tu travailles pour une équipe, c'est comme d'être marié et ma femme, c'est les Braves. Je suis très loyal dans la vie. Les Braves avaient plusieurs candidats pour ce poste. Je ne connaissais personne au sein de l'organisation et ils ont pris une chance avec moi. Terry McGuirk a prolongé mon contrat deux années seulement après mon arrivée en poste, sans que je ne demande rien. Si je pouvais, je passerais le reste de ma vie ici.

« Cela étant dit, s'il y avait un scénario qui ferait en sorte que Montréal retrouverait un club, je les aiderais du mieux que je peux, dans les limites de mes fonctions avec les Braves, et je serais l'un de leurs partisans. Mais la loyauté est très importante pour moi. En raison de ce qu'Atlanta a fait pour moi, je serai ici aussi longtemps qu'on voudra de moi. Mais rien ne me ferait plus plaisir que Montréal retrouve son équipe. (...) S'il n'y avait pas eu (les Expos), je ne serais pas ici aujourd'hui. »

Dans 10 ans?

Si ce n'est pas à Montréal, Anthopoulos espère tout de même travailler encore dans 10 ans.

« Je voudrais être d.g. encore. J'ai été nommé dirigeant de l'année avec les Blue Jays. Je suis le seul d.g. des Jays à l'avoir gagné, même Pat Gillick, qui a été élu au Temple de la renommée, n'a jamais gagné ça. J'en suis très fier, car ce sont vos pairs qui votent pour ce prix. Maintenant, j'ai gagné la Série mondiale avec les Braves. Je ne veux pas paraître arrogant, mais si vous aviez à choisir deux prix à gagner comme d.g., ce sont ceux-là. Maintenant, vous voulez savoir si vous pouvez le refaire.

« C'est un boulot stressant, où vous ressentez la pression de livrer la marchandise pour vos fans, pour les gens au Canada, à Montréal, au Québec. C'est une responsabilité. Maintenant, je me demande comment le refaire.

« Je n'ai jamais regardé 10, 12, 14 ans devant. J'ai toujours travaillé avec un sentiment d'urgence, mais aussi une certaine peur. Pas la peur de perdre mon emploi, mais la peur d'échouer. Je ne veux pas décevoir les gens. Je ne suis même pas assuré d'être un directeur général l'an prochain, dans deux ans. Je sais comment ça fonctionne dans le sport. Si je suis encore dans le domaine sportif dans 10 ans, j'aurai eu une superbe carrière. »